Hong Qi L5 au 1/40e

Cette fois, on fait dans l'exotisme avec cette Hong Qi. Elle n'est pas au 1/43e, mais l'originalité du modèle et le fait que tout s'ouvre (sauf le coffre) mérite largement un post...

Notez que dans la boite, il y a un second jeu de drapeaux Chinois !
Erik Van Ingen Schenau, incontournable expert de la voiture Chinoise, a écrit un livre sur les Hong Qi, intitulé l'histoire de la limousine Chinoise. En fait, il faudrait plutôt l'appeler l'histoire de la voiture étatique Chinoise, tant le parcours de Hong Qi se confond avec celui de la construction automobile étatique...

Tout débute en 1953, avec le début du premier plan quinquennal Chinois. Il s'agit d'industrialiser le pays. L'ex-Mandchourie possède des usines laissées par les Japonais et elle est géographiquement proche de l'URSS (qui fournit des "conseillers techniques".) Une ancienne fabrique de gaz moutarde de Changchun (l'ex-capitale du Manchukuo) est transformée en usine de camions. Dans la tradition soviétique, elle est baptisée "première usine automobile" (alias First Auto Works, alias FAW.) Elle produit le CA 10, alias JieFang (libération.) Les Soviétiques ont laissé les Chinois s'inspirer du ZIS 150... D'autant plus qu'ils s'étaient eux-mêmes inspirés de l'Harvester K-Series...
D'après l'histoire officielle, vers 1957, un groupe d'ingénieurs de FAW veut créer une voiture, pour faire plaisir à leur Mao Zedong bien-aimé. Ils la baptisent DongFeng (vent d'est) d'après une allégorie du Grand Timonier, prononcée à Moscou sur les vents d'est plus fort que les vents d'ouest (NDLA : le vent étant une image des courants politiques...) Plus prosaïquement, on peut penser que Pékin avait un double objectif. A l'époque, les Etats-Unis produisent près de 80% de la production automobile mondiale. La Grande-Bretagne pèse 8%. La France, la RFA et l'Italie, 11%. Enfin, la Suède, l'Argentine, l'URSS, l'Afrique du Sud, le Japon, la RDA et la Tchécoslovaquie se partagent le dernier pourcent. Le club des producteurs de voitures est très fermé. Le rejoindre, c'est rejoindre le club des puissances économiques mondiales. Par ailleurs, depuis les années 30, l'automobile est un marqueur fort des notables Chinois. Les nouveaux mandarins veulent des voitures pour frimer à leur tour.
En 1958, une Simca Ariane 4 est démontée et recarrosée. C'est la Dongfeng CA 71 (à ne pas confondre avec le constructeur du même nom.) Une demi-douzaine (une dizaine ?) d'autres furent construites. Certaines n'étaient peut-être que des maquettes non-roulantes.
Quelques mois plus tard, c'est une Chrysler Imperial de 1955 qui est sacrifiée. La nouvelle voiture est nommée "Hong Qi" (drapeau rouge) CA 72. La calandre, très inspirée des Studebaker contemporaines, représente un éventail ouvert. En 1959, après plusieurs prototypes, une petite série, assemblée à la main, de CA 72 est construite. La chiffre officiel de 202 unités est fantaisiste. D'ordinaire, la Chine était très renfermée. Mais là, elle comptait bien se faire mousser avec sa berline de luxe. Un exemplaire fut exposé à la foire de Leipzig, en RDA et un autre fut exposé au salon de Paris 1965, 41 ans avant Landwind !
Au même moment, à Changchun, FAW peaufine la Hong Qi CA 770, premier modèle produit en moyenne série. Elle possède tout le kitsch Chinois avec fausses dorures et épaisse moquette rouge. Comme il s'agit de voiture assemblées à la main, les dates ne sont pas claires. Peng Zhen, le maire de Pékin, très proche de Mao Zedong, bénéficie d'un exemplaire de pré-série. Il y a un problème d'échappement et il le retourne à l'usine. Peng reçoit sa voiture réparée en avril 1966... Quelques jours avant d'être le premier "purgée" de la Révolution Culturelle. Car tandis que la production débute enfin (avec des variantes rallongées, raccourcies ou blindées), le pays est pris d'une frénésie. L'heure est à la modestie et le président Mao lui-même délaisse sa Hong Qi CA 772 (blindée) pour un tout-terrain militaire BJ 210. A l'origine, comme Staline avec les Bolchéviques, Mao voulait se débarrasser des vétérans du PCC (qui étaient autant de rivaux potentiels.) Mais le mouvement s'emballe. Chez FAW, ce sont d'abord les ingénieurs, contremaitres et dessinateurs qui sont pris à partie en tant que "bourgeois". Puis ce sont les ouvriers qui se battent entre eux, s'accusant mutuellement de "pensées droitières". Le pays est à feu et à sang ; la production tombe à zéro.
En 1976, Mao meurt. La production avait repris chez Hong Qi quelques années auparavant. Peu après sa prise informelle du pouvoir Deng Xiaoping visite une usine Nissan, au Japon. Il comprend que l'outil industriel Chinois est archaïque et dépassé. Il faut repartir d'une feuille blanche, avec de nouveaux partenaires. La production de la CA 770 est arrêtée en 1981... Mais, faute de mieux, elle reprend en 1985. En 1987, FAW assemble des Mercedes W123. En 1988, une usine dédiée, appartenant à Hong Qi, débute l'assemblage d'Audi 100 (C3.) Bientôt, c'est la voiture de tous les hauts fonctionnaires. Mais le premier cercle du Parti et du pays ne peuvent rouler en Allemande. D'où une nouvelle série de CA 770, la Z, en 1991-1992... Avant une ultime version, en 99, pour les 50 ans de la République Populaire.
La Santana, l'Audi 100, la Jeep Cherokee, la Peugeot 505 et plus tard, la Jetta et la Citroën ZX envahissent les routes Chinoises. La CA 770 Z et la dernière berline "Shanghai" sortent d'usine en même temps. A partir de 1992, il n'y a plus de berlines Chinoise "pure". En 1991, s'appuyant sur la coopération entre Audi et Hong Qi, Volkswagen ouvre une joint-venture avec FAW, pour produire la Jetta (et quelques Golf 3.) En 1996, VW décide de remplacer l'Audi 100 par l'A6. Hong Qi conserve l'outillage. La CA 7220, une 100 à peine relookée, est le début d'une lignée qui durera une douzaine d'années. Sauf erreur, c'est le premier modèle vendu au grand public. En 1998, Hong Qi récupère cette fois l'outillage de la Lincoln Town Car, qui devient CA 7460. A la même époque, FAW absorbe deux constructeurs, Xiali et Haima. Cela permet surtout à leurs partenaires respectifs, Toyota et Mazda, de créer des joint-ventures avec FAW.
En 2005, il y a enfin du neuf chez Hong Qi : le prototype HQD, un hommage à la CA 770. Puis le constructeur produit la HQ3. Cette fois, c'est la Toyota Crown Majesta qui est "Hong Qi-sée". Les nouveaux riches Chinois ne jurent que par les Mercedes-Benz. Les hauts fonctionnaires, eux, roulent en A6. Personne ne veut des produits "100% Chinois" et sûrement pas d'une Hong Qi, perçue comme ringarde. La H7, qui remplace la HQ3, connait le même désamour.
En 2009, la Chine fête ses 60 ans et Hu Jintao veut que la parade soit un hymne à la technologie (civile et militaire) Chinoise. La HQE, dérivée du concept-car HQD, est créée. Cette limousine est basée sur un Toyota Land Cruiser Prado retravaillé par Magna-Steyr. Le projet est près in extremis. SAIC propose un "plan B" au président : la Roewe 950, une Ssangyong Chairman rallongée et "Roewe-isée". La HQE devait être commercialisée dans la foulée. Il faut néanmoins attendre 2014 pour que la L5 -celle qui est ici "miniaturisée"- apparaisse.
Jusqu'ici, seul le Belarus a voulu des L5.

Le Parti se conservent un droit de regard sur les nominations à la tête de FAW, y compris dans les joint-ventures. Vers 2010, l'organigramme de Hong Qi est renforcée par l'arrivée de dirigeants venus de FAW-Audi. On découvre ensuite qu'il s'agit de cadres corrompus qui sont discrètement écartés, en attendant leur procès.
Il y a peu, les Hong Qi CA 770 étaient abandonnées. Aujourd'hui, elles sont conservées et restaurées par des amateurs. En revanche, personne ne s'intéresse aux Hong Qi modernes. Il faut dire que le constructeur fait dans le recyclage des plateformes des partenaires de FAW (la récente H5 cache ainsi une ancienne Mazda6) et afin d'être sûr de ne pas en vendre, il met 2 ou 3 ans à les industrialiser (le temps qu'elles soient complètement démodées.) Quant au SUV Hong Qi, il joue les arlésiennes depuis une dizaine d'années !
Ce grief pourrait être étendu à tout FAW, voir même à DongFeng et ChangAn. Seul GAC et SAIC (s')investissent lourdement pour développer leurs propres marques. Les autres constructeurs étatiques Chinois préfèrent vivre de la rente des joint-ventures. Xi Jinping compte saborder l'obligation des joint-ventures. C'est un geste envers Donald Trump, afin qu'il ouvre son marché aux voitures Chinoises. C'est aussi un moyen de mettre FAW, DongFeng et ChangAn sous pression : réveillez-vous, car bientôt, je vais vous retirer la poule aux œufs d'or...

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