Renault 15

L'autre jour, à un feu rouge, j'entends un "breum". Je me suis retourné. Ça n'était pas Meursault, mais le 6 cylindres d'une Porsche 911 (996.) Et c'est comme ça que j'ai vu débouler cette R15. Les R15/17 sortent timidement du purgatoire. Je me demande pourquoi Renault s'est entêté à lancer deux coupés quasiment identiques, aux ailes arrière près (ce qui imposait un couteux outillage spécifique) ? A croire qu'ils n'avaient pas su choisir entre les deux projets ! D'emblée, la rentabilité financière devenait compliqué. Et Chausson, qui les produisait, n'avait pas besoin de ça...

Au moment où j'ai pris cette photo, Carlos Ghosn était le PDG de l'Alliance, s'acheminant vers une retraite a priori paisible. Comme tout grand patron, il avait préparé sa succession. Lui qui fut le dauphin de Louis Schweitzer avait désigné Thierry Bolloré pour prendre la suite...
Puis il y eu cette affaire de fraude fiscale. Au Japon, on ne rigole pas avec la justice. A fortiori avec les gaijin : c'est garde-à-vue prolongée et séjour au cachot. La direction de Renault était fragilisée. En 2016, la direction de Mitsubishi Motors était diminuée suite à un scandale de tricherie sur les émissions de ses kei. L'Alliance (et surtout Nissan) en profita pour jouer les "chevalier blanc". Deux ans plus tard, ce même Nissan profita de cette affaire Ghosn pour organiser un putch. Hirito Saikawa fait un "carpet bombing" en règle de Boulogne-Billancourt...
Il faut revenir à la fin des années 90. Louis Schweitzer avait entendu parler de Carlos Ghosn, l'homme qui montait, chez Michelin. Etait-ce un remplaçant potentiel ? Il l'envoya au casse-pipe à Vilvoorde. Renault ne voulait plus d'usine en Europe du nord. Elles étaient trop chères. L'ex-usine Dodge (camions) de Dunstable, en Grande-Bretagne avait été fermée en 1992. 5 ans plus tard, c'était le tour de Vilvoorde. Les syndicats français, qui craignaient des fermetures dans l'hexagone, se joignirent à leurs collègues Belges. Renault et Ghosn étaient sous pression, mais l'usine ferma.
Deuxième baroud : l'Alliance. Nissan avait été frappé par l'explosion de la bulle immobilière Japonaise, puis des ventes en berne aux USA. Les bons résultats Européens ne compensaient pas. Le constructeur avait frayé avec VW et Ford, mais cette fois, il cherchait un repreneur. Renault, en pleine forme (et alors plus gros qu'un Nissan moribond) saisit l'opportunité. Ghosn appliqua un remède de cheval : terminé l'emploi à vie ou les équipementiers sélectionnés sans réel appel d'offres ! Il licencia et fit entrer les équipementiers européens (même si les Calsonic, Yazaki, Tanaka et autres Denso continuent aujourd'hui de régner en maitre.) Le couple devint un ménage à trois avec la reprise de Samsung, où là aussi, Ghosn fit fi des us et coutumes locales. Ghosn s'était mis au japonais (la langue, mais aussi la culture), afin de se faire accepter par une société nippone très codifiée. L'opération séduction fonctionna et il eu même droit à un manga !
Les Japonais veulent bien de l'argent des occidentaux, mais pour gérer les entreprises, ils ne veulent que des Japonais ! Mitsubishi Motors appela DaimlerBenz à l'aide à la fin des années 90. Mais une fois la tempête passée, le keiratsu Mitsubishi reprit les parts des Allemands. Mazda et Isuzu ne furent pas mécontents d'avoir été lâchés par leurs partenaires occidentaux (respectivement Ford et GM), quitte à passer sous le parapluie de Toyota... Avec le plan Ghosn, Nissan retrouva du poil de la bête. Il repassa devant Renault, en terme de ventes. Aujourd'hui, le rapport entre Renault (y compris Dacia et Samsung) et Nissan (y compris Infiniti) est grosso modo de 1 à 2. Plus question donc de se laisser dicter sa conduite par les Français ! La reprise de Mitsubishi Motors avait déjà été l'occasion de montrer que Nissan peut prendre des décisions stratégiques pour l'Alliance, sans s'en référer à Renault. L'affaire Ghosn était l'occasion de prendre sa revanche sur l'époque où les conseillers de Renault venaient chez eux pour leur faisaient la leçon. Le deal semble clair : soit l'Alliance devient un "groupe Nissan" où Renault ne serait plus qu'une marque parmi d'autres (ce qu'Emmanuel Macron avait courageusement refusé, lorsqu'il était ministre de l'économie), soit Renault est revendu. C'est un coup de bluff, car la revente de Renault serait couteuse et les repreneurs ne se bousculeraient pas. Néanmoins, Nissan a la main sur ce dossier.

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