164

Dans la série "vieille Alfa Romeo croisées en pleine nuit", voici une 164 TD, qui semble ne plus beaucoup bouger. Et c'est bien dommage.
Alfa Romeo n'a pas eu beaucoup de chance. Après la guerre, l'entreprise passa sous la coupe de l'Istituto per la Ricostruzione Industriale (IRI.) Cet organisme public, créé sous l'Italie fasciste, prit sous sa coupe nombre d'entreprises transalpines. La bonne nouvelle, c'était qu'Alfa Romeo pouvait poursuivre, contrairement à Isotta-Fraschini. Par contre, c'en était fini des grosses cylindrées ; place aux moyennes cylindrées et à la grande série.
L'IRI avait une vocation de développement économique. Cela passait par le développement économique de régions peu industrialisées (cf. l'usine Alfasud de Pomigliano d'Arco.) Mais aussi par la motorisation de masse. Alfa Romeo dut ainsi muscler sa gamme d'utilitaires et il se rapprocha de Renault pour tenter une descente en gamme. Les relations avec la firme au losange furent rocailleuses et Fiat fit pression sur l'IRI pour qu'Alfa Romeo évite de le concurrencer... Dans les années 60, Alfa Romeo abandonna ainsi ses velléités dans les voitures populaires (la R8 serait-elle un projet mort-né d'Alfa Romeo, donné à Renault ?) pour remonter en gamme. Sur la piste comme sur la route, Alfa Romeo était le roi des 1800, puis des 2000. Par contre, il alla de flops en flops, dans les grosses cylindrées. La 33 dut attendre que Ferrari et Matra renoncent pour remporter le Championnat des Marques. Puis ce fut un retour raté en F1, avec la Brabham immédiatement interdite, le renvoi de Carlo Chiti (patron historique d'Autodelta) et son équipe de centenaires et enfin, le contrat avec Ligier, rompu du jour au lendemain, en plein hiver. Tout un symbole... Sur la route, ce ne fut guère mieux. Les 2300 et 2600 eurent du mal à exister. La Montreal -inspirée par la 33- fut l'exception qui confirma la règle. Quant aux Alfa 6 et 90, victimes d'une réputation exécrables, elles furent très discrètes.
Voilà pourquoi Alfa Romeo restait bloqué dans un couloir allant de 1,3l à 2,0l, alors que BMW avait décalé le curseur vers les 6 cylindres.
Au début des années 80, l'IRI était à la dérive. En conséquence, Alfa Romeo n'avait plus de moyens financiers. Après un rapprochement avec Nissan -encore un bide-, le constructeur Milanais se tourna vers l'ogre Fiat. Ensemble -avec Saab- ils conçurent la plateforme "Tipo Quattro". Elle devint la Fiat Croma, la Lancia Thema, la Saab 9000 et l'Alfa Romeo 164.
Mais l'on prit son temps à Milan. Le "projet 156" débuta en 1981. Au début, très ramassé, il ressemblait à une espèce de 90 reliftée. Puis elle devint plus élancée, avec une calandre annonçant la 33 reliftée ! Pininfarina arriva à la rescousse en 1984. Le nouveau dessin s'inspirait du concept-car Ferrari Pinin, avec sa nervure latérale.
La voiture fut dévoilée au salon de Francfort 1987. Néanmoins, avec le rachat d'Alfa Romeo par Fiat, le lancement de la 164 prit du retard. De mémoire, les premières exemplaires n'arrivèrent en concession qu'en 1989. Le badge "Design by Pininfarina" était bien visible sur l'aile avant. De quoi rajouter du cachet. A la même époque, Pininfarina travaillait également pour Peugeot. Les 405 et 605 possédaient un dessin assez proche de la 164, avec la nervure latérale. Peugeot accusa Pininfarina d'avoir staffé l'étude de la 164 avec les moyens mis à disposition par les Franc-comtois et cela créa de l'animosité entre les Français et les Italiens...
La 164 fut la dernière Alfa Romeo vraiment capable de lutter face aux Allemandes. La marque possédait encore assez de prestige. Bien que ce fut la première Alfa en traction. Elle fut vendue jusqu'aux Etats-Unis, où Chrysler distribuait des versions spéciales (avec boucliers spécifiques, aux normes US.) Il y eu pas mal de projets : coupé, cabriolet, break, vraie version 4x4, profond facelift... Mais à son tour, Fiat buvait la tasse et la 164 dut se contenter de demi-mesures. A savoir l'arrivée de la 164 Super en 1993, puis d'une Q4 vaguement 4 roues motrices. Elle quitta la scène en 1998, remplacée par la 166 -qui dérivait en fait de la 164-.
Mon père a eu une 164 QV (V6 3,0l atmo 200ch) et j'en ai eu la chance d'en prendre le volant. Après 65 000km, elle était déjà très fatiguée et il eu beaucoup de difficultés pour la revendre... Ici, c'est une TD, avec son 4 cylindres 2,5l turbo-diesel 115ch.
A partir du milieu des années 90, Alfa Romeo était ringardisé. Seuls les Allemands existaient dans le premium. Il faut dire que les 33, 155 et 164 restèrent, très, très longtemps au tarif. Alors que chez les Allemands, c'était le culte de la nouveauté permanente... La 164 traina une image de grosse voiture peu fiable. Comme celle de mon père, beaucoup de 164 restèrent scotchées dans les dépôt-vente et autres hall occasion de concessionnaires. Certains propriétaires optèrent carrément pour les primes à la casse !

Aujourd'hui, la côte des Alfa Romeo des années 80-90 remonte. On trouve des 164 4 cylindres (essence et diesel) pour 1000€, voire 2000€. Mais les versions V6 dépassent fréquemment les 10 000€. Attention quand même au kilométrage et à l'entretien. A mon avis, cette TD n'a pas vu un garage Alfa Romeo depuis longtemps...

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