Huit !

A l'aéroport de Munich, j'ai vu une BMW Série 8 (G15.) C'était la première fois que j'en voyais une. Et quelques semaines plus tard, j'ai croisé une Série 8 (E31.) Ce sont les deux seules générations de série 8. Même si la très exclusive Z8 fut un peu une "8".
Il faut se souvenir de l'histoire de BMW. Le constructeur est quasiment reparti de zéro, en 1955, avec l'Isetta sous licence. Son crédo fut de monter en gamme (et en cylindrée) au fil des générations. Dans les années 60, il osait s'attaquer de front à l'access premium Italien (alors roi du secteur) avec la "Neue Klasse", puis la 02. Puis sa stratégie pouvait se résumer à "une génération pour comprendre, une génération pour conquérir". Avec la Série 5 (E12), il a ainsi conquis les moyennes cylindrées. Tandis que la Série 7 (E23) et la Série 6 (E24) devaient tâter le terrain.
Dans les années 80, la firme à l'hélice investi lourdement dans la conception de la Série 7 (E32.) Effectivement, elle n'avait rien à envier à la référence du marché, la Mercedes-Benz Classe S (W126.) La Série 8 (E31) devait remplacer l'E24 et assoir la marque dans les grosses cylindrées.

Voilà pour la théorie.
Le projet de l'E31 débuta en 1981. L'avant très plongeant, façon cale de porte et le masque rappelant la M1 (elle-même inspirée du concept-car Turbo de 1972) trahissaient l'âge du capitaine. J'imagine que pour des raisons de marketing, il fut décidé de lancer en premier la prometteuse série 7 (E32.) Elle fut effectivement dévoilée en 1985 et commercialisée en 1986. L'E31 devait être prête pour 1986... Mais BMW décida de la peaufiner trois ans de plus... Sauf que les photos-espions commençaient déjà à circuler. Certains marchés, comme la France, avaient arrêté de distribuer la Série 6 (E24.) Les Etats-Unis, eux, continuaient. Or, les acheteurs attendaient l'Arlésienne de Munich. Même avec la M6, les concessions ramaient sec...
Au salon de Francfort 1989, la 850i fit ses débuts. Fin 1990, les premiers clients furent enfin livrés. Ce fut la déception. L'E31 était un gros coupé luxueux -et lourd-, alors que l'E24 était plus sportive. Surtout, en 1991, la RFA payait la facture de la réunification avec la RDA. Les USA, eux, étaient touché par la guerre du Golfe et son coût astronomique. Du coup, les Série 8 cabriolet et la M8 furent oubliées. En 1992, la 840i (V8) sorti, tandis que la 850i évolua en 850 CSi, un clin d’œil évident aux années 70. Curieusement, le constructeur écarta aussi la 830i, qui aurait pu permettre d'élargir la base.

De toute façon, en 1993, avec l'arrivée de la Porsche 911 (993), la clientèle était parti. La Série 8 avait des qualités, mais son mauvais timing et son côté pataud furent deux gros handicaps. Elle quitta la scène discrètement, à la fin des années 90. Il fallu attendre 2004 et la Série 6 (E63) pour que BMW réinvestisse vraiment le segment des grands coupés. Et ce n'est qu'en 2018 que le constructeur ressorti le "8", preuve du traumatisme...
Comme chaque année, on a droit à des anniversaires à la con. 2019, ça sera les 25 ans de la mort d'Ayrton Senna. On va avoir droit à une avalanche de lieux communs sur le pilote Brésilien. Sachant que depuis 25 ans, on a déjà tout lu. Pour les 10 ans, F1 Magazine nous avait gratifié d'un dossier très crapoteux sur la dernière copine de Senna (avec dates de leurs rapports sexuels.) Au moins, on ne pourra pas faire pire...

Un anniversaire qui ne sera sans doute pas fêté, ce sont les 25 ans de la victoire de la BMW V12 LMR, aux 24 heures du Mans. Avec son V12, comme les E32 et E31 et sa conception chez Williams, elle était un trait d'union entre deux époques.
BMW se retira de la F1 fin 1987. La mort d'Elio de Angelis, en 1986, le rapprochement de Benetton (qui avait offert au motoriste son dernier succès, avec Gerhard Berger) avec Ford et l'arrêt de Brabham (qui manqua 1988) furent autant de facteurs. Le constructeur ne prit pas le virage "Classe 1" du DTM. Dans les années 90, il se concentra sur les différents championnats européens de Supertourisme, où il subit la loi des Audi Quattro (80, puis A4.) Du coup, il ne lui restait plus que des courses one shot comme les 24 heures de Spa ou les 24 heures du Nürburgring. Sans oublier la McLaren F1, dont BMW rappela sur le tard qu'il en fournissait le moteur, avant de créer une équipe officielle avec Schnitzer. C'était insuffisant pour un grand constructeur. Au début des années 90, BMW et Bernie Ecclestone travaillèrent sur le projet Simtek F1. Il fit long feu. Andrea Moda aligna la voiture en 1992, puis Nick Wirth repris Simtek et le transforma en écurie.
Paul Rosche, le N°1 de BMW Motorsport, était très présent dans les paddocks de F1. En 1996, Renault annonçait son retrait de la F1, pour la fin de 1997. Frank Williams fit la roue devant BMW, en vain. Fin 1997, Gerhard Berger (oui, l'homme de la victoire avec la Benetton/BMW) raccrocha le casque et il devint co-N°1 de BMW Motorsport. Le projet F1 décolla enfin. BMW devait débarquer en 1999. Au préalable, il allait faire courir des pilotes BMW "Junior" en F3000 et il alignerait une voiture au Mans.
Les débuts furent un enchainement de flops. En F3000, les pilotes BMW furent à l'arrêt. Le constructeur lâcha son partenaire, Oreca, au profit de Bigazzi (ex-Schnitzer), sans plus de succès. En F1, les premières Williams "laboratoire", pilotée par Jörg Müller, cassaient comme du verre. En prime, Fina, le pétrolier historique, se faisait racheter par Total (alors qu'il était partenaire technique et sponsor.) Les débuts furent repoussés à 2000.
Au Mans, la V12 LM était à l'arrêt. En 1999, BMW fit construire une nouvelle voiture, la V12 LMR. JJ Letho, Jörg Müller et Tom Kristensen l'imposèrent d'emblée aux 12 heures de Sebring. Pour Le Mans, une troisième V12 LMR, une Art Car, fut construite. C'était un plateau de rêve avec d'un côté, les ultimes évolutions des GT1 (Mercedes-Benz CLR, Toyota GT-One et Panoz Roadster) face aux tous nouveaux protos (Audi, BMW et Courage/Nissan) profitant du renouveau du à l'ALMS et à l'ISRI. L'épreuve débuta mal : l'Art Car fut non-qualifiée. Puis les Mercedes-Benz CLR firent des vols planés et durent renoncer. La Toyota de Thierry Boutsen tapa violemment et le Belge du arrêter la compétition. Au petit matin, le leader JJ Letho renonçait. Ukyo Katayama héritait des commandes, mais le Japonais creva. Du coup, la dernière V12 LMR s'imposa avec un trio improbable : Yannick Dalmas (quadruple vainqueur avec quatre voitures différentes !), Joachim Winkelhock (pilote BMW en Supertourisme) et Pierluigi Martini (ex-pilote de fond de grille de F1.)

En 2000, BMW revint enfin en F1. Les mauvaises langues disaient que faute de faire rouler leur moteur, ils avaient cloné le V10 Renault. Avec Williams, l'équipe remporta 10 courses. Il y eu pas mal de turnover côté pilotes. Ralf Schumacher et Juan Pablo Montoya étaient trop verts et trop égocentriques pour faire progresser une équipe. Surtout, Frank Williams et Patrick Head refusèrent de vendre à BMW. Alors le constructeur s'offrit Sauber. Robert Kubica lui offrit un succès. Le retrait de Berger, très affecté par la mort de son copain de virée Barry Sheene, fut un coup dur. Avec Williams, BMW jouait la place de vice-champion face à McLaren (derrière l'indétrônable Ferrari.) Avec Sauber, il passait devant Williams... Mais derrière Red Bull et Renault. En 2009, BMW arrêta la F1.
Depuis, le constructeur mise tout sur la Formule e. Cela m'étonnerait donc que les 24 heures du Mans soient évoqués.

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