Le rouge, ça ne va pas bien vite

Une Fiat 126 Bis, toute rouge, avec enjoliveurs et deux rétroviseurs. Quel suréquipement ! La housse de siège, par contre, n'est bien sûr pas d'origine.

Avec son 704cm3 26ch et ses 116 km/h en pointe, la 126 Bis était la moins performante des voitures vendues en France, à l'époque. A 32 600frs, elle n'était vraiment pas chère... Mais Škoda et Lada proposaient encore moins cher, avec des modèles à 29 900frs. Des tarifs à comparer avec les 47 200frs d'une Peugeot 205 XE (la future Junior.)
La Fiat 126 Bis connu une carrière très discrète dans l'hexagone. Elle cumulait les handicaps.

Reprendre la plateforme de la 500, avec son moteur à porte-à-faux arrière, c'était une fausse bonne idée. Surtout avec cette carrosserie anguleuse, vite passée de mode. L'apparition d'un moteur refroidit par eau et plus puissant, n'y faisait rien.
Ensuite, il y avait la concurrence interne de la Panda, née en 1980. Plus onéreuse, mais plus moderne et surtout, plus habitable.

Plus généralement, c'était le concept de micro-citadine low-cost qui était obsolète. La coquette Y10 avait remplacé la lilliputienne A112. Les R4 et 2cv étaient mises sur une voie de garage. Quant à la Mini, Austin-Rover l'avait faite monter en gamme à coup de séries limitées suréquipées. BMW poursuivit dans cette voie avec un 1300 et un repositionnement "access premium".
A l'arrière, elle affiche crânement "made by FSM". La 126 fut dévoilée en octobre 1972. Un an plus tôt, Fiat et l'état Polonais inauguraient l'usine FSM (Fabryka Samochodów Małolitrażowych) de Bielsko-Biala. Elle assembla des 126 pour le marché local. Termini-Imerese, en Italie, produisant alors l'essentiel des 126.
La production de 126 plafonnait. Comme d'autres, Fiat misait sur une implosion rapide du Bloc de l'Est. Dès 1975, il fit bâtir une seconde usine FSM, à Tychy. Cette fois-ci, il s'agissait d'un site ultra-moderne, capable d'approvisionner l'ensemble de l'Europe. En 1980, la ligne de Termini-Imerese ferma et Tychy prit le relais. Il fallait alors parler de "126P" (pour "Pologne".)

Notez qu'à l'époque, Fiat possédait une seconde joint-venture, FSO (Fabryka Samochodów Osobowych), alias Polski-Fiat.

Les occidentaux avaient sous-estimé la solidité du Bloc de l'Est. Malgré la disparition de toute une génération de dirigeants, de Leonid Brejnev au maréchal Tito, en quelques années, il tint bon. Mais le tournant des années 80 fut rude. Les plans quinquennaux et la planification centralisés avaient trouvé leur limite. Le général Polonais Wojciech Jaruzelski était un de ceux qui tiraient le plus la langue. Il fallait faire rentrer des devises. Et vite. Škoda, Dacia, FSO et Yugo exportèrent tout azimut. Y compris dans des pays non-communistes. FSM, lui, allait là où Fiat n'était pas, comme la Chine ou la Corée du Nord.
Quelques musées Chinois exposent des 126, même si la plupart des modèles ont été ferraillés.
Tychy a été sous les feux de la rampe, la semaine dernière : PSA y a annoncé la mise en production de son 3 cylindres turbo PureTech 1,2l.

Wojciech Jaruzelski avait beau écoper, le navire gitait trop. Le 29 juillet 1989, il dut démissionner. Un an plus tard, la Pologne tournait la page du communisme.

En mai 1992, Fiat s'offrit FSM et son usine de Tychy. Elle produit actuellement la 500.
La Pologne proposait un main d’œuvre qualifiée, avec un vrai savoir-faire dans l'automobile, mais à prix "pays de l'Est". De quoi attirer d'autres constructeurs. Isuzu posa ses valises à Tychy, en 1996. Venu des utilitaires, ce constructeur était l'un des seuls à maitriser la technologie des moteurs diesel (et le seul Japonais.) Opel-Vauxhall était alors très friand des diesel Isuzu et la demande ne cessait d'augmenter. Vu de 2019, bien sûr, cet engouement pour le diesel semble si loin...
En 2002, lointain dommage collatéral de la crise japonaise, Isuzu fit naufrage. GM obtint les droits des fameux moteurs diesel et 60% d'Isuzu Motors Polska. Il acheta les 40% restant en 2013. L'usine de Tychy prit alors le nom de GM Powertrain Poland.
En 2017, cette usine fit parti du périmètre d'actifs européens vendus par GM. Le 1er août, Opel prit formellement le contrôle de l'usine, alors que le constructeur passait sous la bannière de PSA. Néanmoins, le temps du diesel était révolu. En mars 2018, PSA annonça 250 millions d'euros d'investissement en Pologne, pour produire des PureTech (essence.) Et donc, 10 mois plus tard, Tychy produisit ses premiers blocs essence.

Commentaires

  1. L'article est intéressant. Il semble utile tout de même de préciser que la production de la 126 bis et, d'une manière générale, la production des 126 pour le marché ouest-européen, n'importe guère dans l'histoire ce véhicule à compter des années 1980.

    Sans certitude sur les chiffres données par Wikipedia, on en serait à 1 352 912 modèles fabriqués en Italie et 3 318 674 en Pologne, dont 1 000 000 en 1981). C'est donc encore 2 300 000 fabriqués à partir de 1981 jusqu'à 2000, autant que la Renault Clio 3, plus que la Peugeot 309, à peu près autant que la Citroën AX.
    Pourtant, la 126 était largement absente du marché ouest-européen. Elle y était peu vendue parce qu'elle était en complet décalage avec le marché ouest-européen, comme vous l'avez relevé, alors qu'elle était cependant parfaitement adaptée au marché des pays subissant encore le diktat de l'URSS et son système économique.
    Du coup, on peut effectivement se gausser de son équipement ou de ses performances mais elle s'adressait à un public qui en étant encore à recevoir des oranges (de Cuba) pour noël, d'avoir des conditions de vie rude du niveau de celle du paysan français du début du siècle dernier.

    Concernant la bis spécifiquement, il est certain qu'elle fut un flop sur toute la ligne. Et sa plus grande concurrente, celle qui l'a assassinée, ce n'est pas tant la Panda : c'est bien sur le marché est-européen où la 126 se vendait massivement qu'elle n'a trouvé aucun public. La 126 bis n'a pas vécu longtemps (1987-1991) a été enterrée par la 126 à air, qui lui a survécu pour neufs années supplémentaires.

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