Rec

Une sacrée trouvaille ! Une Opel Rekord (A), garée sur le trottoir, pendant que son propriétaire achète des fleurs. Elle m'a rappelé la Volvo 1800S garée devant un épicier... C'est tellement rare de voir des voitures de cette époque rouler encore au quotidien... Et je crois bien que c'est la première fois que je croise une Opel aussi ancienne, en pleine rue.
Comme son nom ne l'indique pas, la Rekord (A) est la troisième génération de Rekord. Après-guerre, la marque au blitz offrait deux modèles : l'Olympia 4 cylindres (devenue Olympia-Rekord, puis Olympia) et la Kapitän 6 cylindres.

Avec la Rekord (A), de 1963, la berline monta en gamme. Elle fut dessinée aux Etats-Unis, avec l'idée miniaturiser les productions GM contemporaines. C'est un subtile mélange de Chevrolet 1960 et de Cadillac 1961. Opel s'est autorisé une calandre entièrement chromée et un "Rekord" stylisée sur l'aile avant. Mais pas question de tomber dans les délires d'Harley Earl et Chuck Jordan...

A l'époque, tout cadre dirigeant se devait de rouler en Amérique. C'était un marqueur social fort (cf. Mon oncle.) Néanmoins, les importations étaient très encadrées (pour éviter la fuite de devises.) Pour s'offrir une Américaine, il fallait disposer d'un compte en dollars (sauf en Belgique, apparemment.) L'alternative, c'était d'acheter une Opel (ou une Simca, en France.) Un look US, mais avec un prix en Deutsche Mark ! Avec ça, M. Schmidt était le roi de sa résidence pavillonnaire !
Sous le capot, pourtant, point de V8. Le 4 cylindres de l'Olympia de 1937 a été réalésé à 1,7l. Sur cette 1700S, il développe la bagatelle de 65ch. De quoi atteindre 145km/h en pointe. Luxe suprême, la 1700S est équipée d'une boite à 4 rapports ! En 1963, c'était plutôt pas mal. D'ailleurs, cette Rekord est le très lointain ancêtre de l'Insignia...

Justement, comme la Rekord a pris de l'embonpoint, Opel créa peu après la Kadett. Au fil des générations, le trou entre Kadett et Rekord devint béant, d'où l'Ascona. Puis, comme la Kadett avait elle-même grandi, il fallu lancer une voiture plus petite, en l'occurrence, la Corsa. Quant aux Rekord et Kapitän (devenue ensuite Commodore), elles fusionnèrent dans les années 80, avec l'Omega. Opel fut d'ailleurs le dernier généraliste fidèle au 6 cylindres-en-ligne.
Opel poursuit sa phase de transition. Elle a débuté par les utilitaires, avec un Zafira Life/Vivaro dérivé des vans Peugeot-Citroën. Bientôt, la production des Buick Regal et Cascada (fabriquées chez Opel) va s'interrompre, tandis que la Corsa (dérivée de la 208) sera la première vraie nouveauté de l'ère PSA. Le cordon ombilical avec GM sera coupé.

PSA se gargarise avec ses chiffres de vente. Ils ont récupéré Opel en juillet 2017. Mécaniquement, les ventes totales du groupe ont crevé le plafond. Quant à 2018, ils ont pu cette fois intégrer l'ensemble des ventes annuelles. D'où un nouveau record. Pourtant, les ventes sont plutôt moroses.
Ma conviction, c'est qu'Opel s'est trop endormi sur ses lauriers. Il ne s'agit pas juste de lancer de nouveaux modèles, mais de recréer un univers autour d'Opel.
Tandis que GM a réglé le sort d'Opel, c'est son frère-ennemi Ford Europe qui se retrouve dans la tourmente. Ford Europe et Opel ont eu deux histoires parallèles, pour le meilleur et le pire. Sur la période 75-95, ils étaient les rois de l'Europe, avec un marché Britannique très captif. Ils avaient trois best-sellers (Corsa, Astra, Vectra/Insignia d'un côté et Fiesta, Escort/Focus, Mondeo de l'autre.) Ensuite, ils ont manqué de réactivité dans les monospaces, puis les 4x4, les monospaces compacts et les SUV. Quitte à rebadger à la diable. Avec la Fusion, Ford avait tout de même inventé le SUV compact dès 2002. Mais ils ont été incapable de la "vendre". L'excuse, c'est que leurs maison-mère étaient préoccupées par des premium chimériques (Saab, Hummer et Cadillac d'un côté, Jaguar, Land Rover et Volvo de l'autre.) D'où un manque de moyens et un marketing en roues libres.
D'où une image très floue. Opel se contente d'agiter des drapeaux Allemands, tandis que l'ovale bleue s'offre un nouveau slogan et un nouvel ambassadeur par an. Lorsqu'on en arrive à "il y a le wifi dans votre voiture", c'est que l'on touche le fond en matière d'argumentaire produit...

Ford USA voudrait dégraisser. Le premier souci, c'est que depuis les années 90, comme tout les généralistes, il a multiplié les cures d'amaigrissement. Il a donc quitté les poids-lourd et les tracteurs agricoles. Il a revendu ses activités d'équipementier. Il a fermé ses petites usines de Dagenham (en Grande-Bretagne) et Azambuja (au Portugal.) Et bien sûr, il a revendu presque toutes les marques du groupe, ne se gardant que Ford et Lincoln (aux USA.)
La montgolfière n'a donc plus vraiment de lests, mais à part quelques usines de pressage et de transmission, le bureau de design Ghia et quelques pistes d'essais. Il n'a que de très grosses usines produisant plusieurs centaines de milliers de véhicules par an. Or, les autres généralistes sont déjà en surcapacité en Europe. Quant aux Chinois et aux Indiens, ils n'auraient que faire de sites aussi vastes. SAIC avait rasé l'essentiel de l'ex-usine Rover de Longbridge, ne se gardant que la chaine de montage de la Mini. Pourtant, c'était beaucoup trop pour lui, même à moyen terme et il a fini par la fermer. Sans oublier ces usines qui assemblent des moteurs diesel dont plus personnes ne veut. Le risque, c'est de fermer tout et de livrer l'usine aux ronces. Cela coute cher (y compris en terme d'image) et cela ne rapporte rien du tout.
Surtout, Ford a un problème de nom. Contrairement à GM avec Opel, il ne peut pas revendre Ford Europe en l'état. En admettant qu'il y ait un repreneur, au hasard Chinois, il faudrait lui imposer un changement de nom à court terme (comme Chrysler l'avait fait avec PSA, d'où Talbot...)
Ford pourrait organiser un plan de sortie à moyen-terme. La première étape, ce serait de créer une marque dédiée aux voitures électriques. Il pourrait se cacher derrière un discours sur la nouvelle mobilité. Cette marque recevrait une partie des actifs de Ford. Pendant ce temps, l'ovale bleu met le paquet sur la Roumanie (où il possède l'ex-usine de l'Axel !) et le Maghreb (où il songe à s'implanter) pour se rapprocher des nouveaux marchés de l'automobile, tout en fermant le reste. Ensuite, il revend cette nouvelle marque. Ford n'existerait plus en Europe qu'à travers des véhicules importés, comme en Australie.

Commentaires

Articles les plus consultés