100 collectors des années 50

Auto-Rétro vient de sortir un hors-série intitulé 100 collectors des années 50. Comme son nom l'indique, il évoque 100 modèles, vendus entre 1950 et 1959.

C'est le quatrième hors-série du groupe LVA que je "couvre" cette année. Et encore, je n'ai pas évoqué Le prix de 4000 voitures de collection de La Vie de l'Auto ou 50 ans d'amour à l'italienne de Rétroviseur. Soit un hors-série tous les deux mois et l'année n'est pas finie... C'est un peu triste de voir LVA sortir du hors-série à un rythme industriel pour faire tourner les rotatives. Cela prouve que même dans un secteur de niche comme la presse auto ancienne, les lecteurs se sont volatilisés. Et c'est dommage pour LVA dont j'apprécie le travail (et c'est pour cela que je chronique la plupart de leurs hors-série.)
Le guide d'achat, c'est une spécialité d'Auto-Rétro depuis 1998. Autant dire qu'ils maitrisent le sujet.

Chaque modèle a droit à une page comprenant un bref historique, quelques impressions de conduite et surtout, des conseils d'achats avec une cote.

A priori, ce hors-série s'adresse à ceux qui souhaitent acheter une voiture des années 50. Mon principal reproche, c'est d'évoquer des voitures dans des utilisation et des gammes de prix très variées. On voit mal quelqu'un s'écrier : "Je suis désormais convaincu : la Mercedes-Benz 300SL correspond à mes désirs et je possède justement 1,2 millions d'euros ! Je vais de ce pas regarder les annonces dans Le Bon Coin !"
Plus populaire, trop populaire 
A la lecture de l'ouvrage, on peut distinguer plusieurs tendances.

D'une part, il y a les "popus" Françaises. Les Renault 4cv, Simca Aronde et autres Peugeot 203 sont devenues collector dès la fin des années 80. Elles ont été préservées et restaurées. Dans l'ancienne, il y a des modes et leur temps est un peu passé. D'ailleurs, on les voit de moins en moins à Rétromobile ou dans les salons d'anciennes axés sur le public. Du coup, elles ont échappées à la spéculation de ces dernières années.

D'où des prix dans un couloir de 5 000€ à 20 000€.
Auto-Rétro indique des cotes stables, voire à la hausse. Personnellement, je les mettrais plutôt à la baisse.

Les "popus", cela marche à l'affectif, voire à la nostalgie. La mode a débuté parce qu'à la fin des années 80, un certain nombre de personnes ont voulu racheter leur première voiture. A l'époque, vous trouviez des 403 ou des Juvaquatre Dauphinoise un peu rouillées, pour trois francs, six sous. La remettre en état, puis l'exposer dans des réunions locales, c'était le projet typique du jeune retraité.
Des associations comme Vincennes en Anciennes sont issues de cette mode. La presse auto généraliste s'en est emparée (ci-dessous) et la sauce a pris.

30 ans plus tard, les gens qui ont connus, voire conduit ces voitures se raréfient. Ce n'est pas à 75 ou à 80 ans qu'on va se lancer dans la restauration automobile ! Ensuite, forcément, il n'y a plus le même lien affectif. Personnellement, une Talbot Samba ou une R20 me "parle" plus qu'une Dauphine ou une Frégate.
Et puis, ces voitures étaient souvent un peu austères. Pour se lancer dans l'ancienne, on n'a pas vraiment envie de s'attaquer à un machin noir ou gris, équipé comme une cellule de moine et qui atteint 110km/h en descente, avec le vent dans le dos...
L'exception, ce sont les "légendes" : 2cv, Fiat 500, Cox... Elles aussi, elles ont disparu des chaines de montage depuis longtemps. Pourtant, elles roulent encore et surtout, elles font encore rêver.

Certes, avec les "zones de respiration", les grandes villes chassent celles encore utilisées en daily.

Néanmoins, la cote est à peine affectée. Elle a même tendance à grimper, au point où l'on voit des 2cv chez des négociants ou des maisons de vente aux enchères ! Le tarif devient délirant, sans aucun rapport avec la diffusion et les performances de ces voitures.

Ici, avec de bons yeux, vous pouvez voir qu'une Cox des années 50 en bon état vaut le prix de TROIS Karmann-Ghia en bon état.
La fin du rêve Américain
L'Américaine de la période 1945-1965, avec son gros moteur et ses chromes, cela a fait longtemps rêver. Dans Deux flics à Miami, la série TV la plus cool des années 80, Ricardo Tubbs roulait en Cadillac de 1964. Et l'on retrouvait régulièrement des "belles Américaines" dans les séries TV (Simon & Simon, La fièvre d'Hawaï...) et les films des années 80 (SOS Fantômes, Retour vers le futur...) Même dans Garfield à Hawaï, Jon roulait en Chevrolet Bel Air 1957 !

Depuis, la mode est passée. Les prix s'effondrent. On voit à peine des voitures, dans les séries TV actuelles. Aussi, au prix du sans-plomb, faire un plein à 100€ à chaque sortie, c'est dissuasif...

Je pense aussi qu'il y a eu -et qu'il y a encore- trop d'arnaques. Sur YouTube, vous avez quantités de vidéos de "rescued cars". Pas de démontage, pas de remplacement des pièces, pas de levage. Juste un coup de polish pour ravoir la peinture. Quant au moteur, en nettoyant les bougies et en éliminant l'humidité dans le carburateur, il repart ! Et ensuite, le "sauveteur" remercie ses sponsors et vend la voiture.
L'acheteur a donc l'impression d'avoir une voiture tournante, mais un peu rouillée. Dans les années 80-90, des importateurs filous récupéraient ce genre de voitures, plus ou moins en connaissance de cause et les importaient en Europe. Puis un jour, l'acheteur final se dit : "C'est dommage, cette rouille sur l'aile. Je vais passer un coup de papier de verre, un coup de bombe de peinture et voilà ! Et pour que ce soit plus facile, je vais démonter l'aile..." Et là, c'est le musée des horreurs.
Le deuxième effet Kiss Cool, c'était la voiture qui arrivait à Rotterdam et avait circulé en plaques garage. Donc, un jour, votre pigeon va à la préfecture pour faire une carte grise. Il apparait donc sur l'écran de radar des douanes volantes. Elles lui signalent qu'il n'a pas payé de droits de douane, ni de TVA (avec une amende pour le retard.) Et là, l'acheteur ne peut plus s'assoir pendant quelques semaines...
La cote est plus basse et le marché de l'ancienne US, en Europe, relativement saturé. Il y a donc moins d'intérêt financiers pour les importateurs marrons.

Ainsi, pour le prix d'une 2cv, vous pouvez rouler dans une Studebaker Starliner. Un chef d’œuvre de design... Et surtout, la voiture de Spirou et Fantasio dans Le dictateur et le champignon !

Pourquoi hésiter un seul instant ?
Bolides et chiffres astronomiques
Au sommet, en terme de prix, il y a les GT. Aston Martin, Ferrari, Porsche... Les côtes se sont envolées et elles continuent de s'envoler ! On atteint plusieurs centaines de milliers d'euros.

La côte est complètement déconnectée des faits objectifs. Si les Maserati A6 ou Ferrari 212 sont relativement rares, les Aston Martin DB2, Porsche 356 ou Jaguar XK, ce sont des voitures produites à plusieurs milliers d'exemplaires ! Et lorsqu'elles ont couru, elles ont obtenu un palmarès modeste. Même la Mercedes-Benz 190SL atteint des sommets, alors que c'est une voiture sous-motorisée et réclamant un entretien pointu...
A contrario, des Cisitalia 202 ou Talbot-Lago T26 qui pour le coup sont rares et ont décroché des succès en compétition, sont relativement boudées.
Pour le coup, on est aussi dans le territoire de la spéculation pure. Des gens achètent pour revendre deux, trois ans plus tard. Parfois en passant par la même maison de vente aux enchères !

J'avoue que je n'ai pas beaucoup de respect pour ce milieu. D'un côté, vous avez beaucoup de vendeurs sans scrupules, qui n'hésitent pas à survendre une "ex" d'une célébrité, voire à réécrire l'histoire. Par exemple, la Ferrari 275 GTB/4, qui était ringarde à sa naissance (car contemporaine de la Miura) devient un "classique éternel dans l'histoire des GT..."
Les acheteurs, eux, sont souvnt des parvenus, complètement ignares. Ils veulent "l'Aston de James Bond", point.
Et bien sûr, il y a des apprentis spéculateurs qui se font pigeonner, comme dans l'art contemporain. Ils sont persuadés que leur investissement va doubler de valeur. Comme d'autres achètent des croutes, persuadés que c'est le futur Van Gogh...
Le paroxysme, c'était la "Porsche" Rome-Berlin. Le vendeur avait fait un beau story-telling, allant jusqu'à convoquer Top Gear. Il attendait 10 millions de dollars pour une voiture qui n'était pas dans son état d'origine et nécessitait une restauration.
Il avait poussé le bouchon trop loin.

Depuis, je pense que les maisons de ventes aux enchères ont revu leur modèle économique. Elle savent que la moitié des lots leur resteront sur les bras et que seul un tiers des véhicules dépasseront leur estimation.

En tout cas, je déconseillerai aux gens d'acheter une GT des années 50, 60.
Enfin, il y a le cas particulier des GT artisanales de petite et moyenne cylindrées (Abarth, Alpine, DB...)
J'ai trouvé l'estimation d'Auto-Retro très optimiste (pour les acheteurs.)

D'une part, la demande est alimentée par ceux qui souhaite une voiture de compétition originale pour faire du VHC. Dans le cas d'Abarth, Alpine ou Lotus, on a aussi des marques portées par une histoire récente. Et surtout, ce sont des volumes de production faibles. Des Alpine A106 à vendre, il n'y en a pas tous les quatre matins ! Alors forcément, le vendeur est en position de force...

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