Les Coccinelle Philippines

Les anciennes sont plutôt rares aux Philippines. A l'exception des Volkswagen Coccinelle. On en voit ici et là. Et pour cause : elles étaient produites sur place !

Ce fut une drôle d'aventure politico-industrielle.
En 1946, Domingo Guevara devint distributeur exclusif de Motorola (qui produisait alors des radios, des TV et des chaines hifi) pour les Philippines. Il nomma sa société Radiowealth. En 1955, à Mandaluyong (un faubourg de Manille), il ouvrit une usine d'assemblage de TV.

Avec ses TV Radiowealth, Guevara était déjà l'un des hommes les plus riche de l'archipel. Mais il en voulait davantage. Toujours en 1955, il se rendit en RFA, où il négocia l'importation exclusive d'utilitaire Hanomag. Il nomma l'importateur DMG (Diesel Motor Group.)
L'armée Américaine disposait alors d'immenses bases aux Philippines. Le marché local était envahi de camions issus des surplus militaires (NDLA : on y reviendra.) Le marché du VL neuf était torpillé.
Guevara ne se démonta pas et en 1956, il retourna en RFA. Cette fois-ci, c'est avec Volkswagen qu'il discuta. Le constructeur ne cherchait pas un distributeur, mais un assembleur. Avec son expérience d'assembleur de TV, Guevara convainquit Wolfsburg. DMG ouvrit un atelier de CKD à Mandaluyong. Dès 1958, il assembla des Combi. Les premières Coccinelle suivirent en 1959.
Le timing est important. En Corée du Sud, Hyundai n'assembla ses premières Ford Cortina qu'en 1968. En Thaïlande, Toyota n'assembla sa première Corona qu'en 1965. A Taïwan, Yue Long (Yulon) assemblait des Jeep dès 1956. Mais il fallu attendre 1960 pour qu'il se lance dans les voitures particulières, avec la Nissan Bluebird. Enfin, en Chine, SATC (SAIC) construisit des berlines Phoenix dès 1958. Néanmoins, il s'agissait de véhicules construits à la main, à dose homéopathique. Les vrais débuts de SATC furent pour 1964, avec la seconde génération de Phoenix.

Ainsi, avec les Coccinelle de DMG, les Philippines furent le premier pays Asiatique extra-Japonais à produire des voitures particulières.
DMG assemblait ainsi 5 "Boks" par jour, puis 10, à partir de 1965.

Le premier concessionnaire appartenait à Radiowealth. Guevera réalisa que les Philippins n'avaient pas les moyens d'acheter comptant et il n'existait pas de banque proposant du crédit à la consommation. Pas de problème ! Il créa RFC (Radiowealth Finance Company) en 1964. Plus tard, les Philippines voulurent attirer les touristes. En 1973, DMG devint franchisé Avis pour l'archipel. Le premier président d'Avis Philippines fut Reynaldo Guevara (son fils cadet) et bien sûr, le loueur proposait des Volkswagen à la location...

Le fils ainé, Domingo Guevara Jr, fut lui pilote officiel de DMG. Il fut à l'origine de modèles inédits. Guevara père commença à contacter les autres assembleurs de Volkswagen. En Australie, il mit la main sur le Country Buggy. Guevara Jr y ajouta des portes et créa le Sakbayan. Avec le Trakbayan, sur base Cox, DMG tenta de contrer les premiers microvans Japonais. Enfin, il y eu le coupé Toro (sur base SP2 ?)
En 1970, DMG assembla 6 100 voitures. Il pesait alors la moitié du marché Philippins !

En 1972, le président Ferdinand Marcos voulu doter son pays d'une vraie industrie automobile. C'était le Philippine Car Manufacturing Program (PCMP.) Trois constructeurs furent choisi. DMG fut évidemment de la partie : le pilote du PCMP était Felix Mabilog Jr, son ancien directeur de la production. Les deux autres constructeurs étaient Chrysler et Toyota.

DMG fit bâtir une usine à Quezon City (un autre faubourg de Manille.) Le site fut achevé en 1974. Cette fois, il s'agissait de produire à un rythme industriel, avec un fort pourcentage de pièces locales.
Sur le papier, le PCMP était prometteur.
Le parallèle avec la Corée du Sud est intéressant. L'autoritaire Park Chung-hee s'était allié avec les oligarques Coréens, sur une vision à long-terme. La misérable Corée du Sud se couvrit d'université et de bureaux d'étude. Les chaebol se partagèrent l'industrie Coréenne, mais ils s'engagèrent à créer des groupes capables de concevoir leurs propres produits et d'envahir le monde.
Ferdinand Marcos n'avait pas une telle ambition. Il était avant tout motivé par la prédation et le clientélisme. Rapidement, deux autres constructeurs (Ford et Nissan) obtinrent le droit de créer une usine. Or, avec cinq acteurs, les volumes devenaient insuffisant pour justifier une production industrielle, même à long terme.

De plus, Guevara Sr était sénateur. En 1973, Marcos fit voter l'état d'urgence (en bourrant les urnes) et il fut l'un des opposants au projet. Marcos lui "conseilla" d'embaucher quelques uns de ses "Rolex 12" (premier cercle d'intimes, surnommé ainsi car il leur avait offert une montre... Omega.) Refus de Guevara. Le patron s'opposa également à une quasi-nationalisation de DMG.
Ainsi, au milieu des années 70, Guevara se retrouvait isolé, avec une usine de Quezon City complètement surdimensionnée. En prime, en RFA, Volkswagen était en train de boire la tasse. Le constructeur jouait sa survie et le destin de son sous-traitant Philippins ne l'intéressait guère. Wolfsburg décida d'envoyer la Coccinelle sur une voie de garage. Guevara se rapprocha de Volkswagen do Brasil pour trouver des véhicules à assembler. DMG produisit ainsi des Zé do Caixão, puis des Brasilia. C'était une voie sans issue pour DMG. En 1982, Quezon City assembla sa dernière "Boks".

Ensuite, DMG se contenta d'importer des Volkswagen. Le groupe considérait néanmoins que l'arrêt de production n'était que "provisoire". Felix Mabilog Jr fut rappelé afin de superviser un nouveau projet d'assemblage en CKD, vers 2010. A moins que DMG ne songeait qu'à faire monter les enchères, alors que Volkswagen voulait reprendre la main...
En 2013, le constructeur Allemand fonda Volkswagen Philippines et confia au groupe Ayala le distribution exclusive (ainsi que pour Audi, Bentley et Lamborghini.)

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