Classic Days 2022

Retour au Mans, quatre jours après l'étape du Tour Auto ! Cette fois-ci, c'est pour les Classic Days. Avec un invité d'honneur : Jacky Ickx.

Depuis leur création, les Classic Days se déroulaient à Magny-Cours. Cette année, ils ont déménagé au Mans. C'est une perte indéniable pour le tracé de la Nièvre, dont c'était l'un des principaux événements...

Au Mans, la concentration possède davantage d'espace et d'infrastructures. L'inconvénient tient à la constitution du site. Il est prévu pour que le public et les concurrents puissent atteindre différents endroits, sans se croiser. A coups de tunnels, de ponts et de grilles, pour canaliser les flux. Or, dans le cadre d'un évènement où tout le monde peut aller (presque) partout, cela signifie qu'il faut faire de grands détours. En espérant qu'à l'avenir, il y ait davantage de portes dans les différentes aires du paddock...

Ce qui n'a pas changé, c'est l'ambiance : très décontractée. 

Ici, une Renault 17 fait jouer La Cucaracha sur son avertisseur, alors qu'une poupée barbante était en plein tournage d'un Tik-Tok. Surprise par le coup de klaxon, elle en rigole. Cette scène résume bien les Classic Days dans cette célébration grand public de l'automobile, au sens large, dans la bonne humeur.

Jacky Ickx

L'invité d'honneur de 2022, c'est Jacky Ickx. Le pilote Belge reste très populaire. Il suffit de voir la longue file d'attente jusqu'à la tente de la dédicace. Un Jacky Ickx prenant son temps avec chaque fan. "Vous avez apporté trois BD et un poster ? Je les signe tous !", "Vous voulez que madame nous prenne en photo ? Encore mieux : on va demander à un officiel de nous prendre en photo tous les trois !"

Jacky Ickx a connu une carrière incroyable. Il se fit d'abord connaitre en tourisme, au milieu des années 60 (sur Ford Mustang, puis sur BMW 2002.) En monoplace, c'est en F2 qu'il se révéla, avec cette Matra de Tyrrell.
Avec l'arrivée des F1 3l, la grille fut brièvement déplumée. Les organisateurs faisaient le nombre en invitant des F2. Jacky Ickx fut ainsi au départ des Grand Prix d'Allemagne 1966 et 1967 avec sa Matra F2. 1967 fut également l'année où il remporta le tout premier championnat d'Europe de F2, ce qui lui ouvrit les portes de Ferrari... Comme pilote N°1 !

Jacky Ickx connu cinq saisons tonitruantes. Il était alors dans le Top 3 d'une F1 qui comptait cinq champions de F1 -passés ou futurs- sur la grille. En 1969, remplaçant de Jochen Rindt chez Brabham, il buta sur Jackie Stewart. Revenu chez Ferrari, il lutta face à Jochen Rindt et sa Lotus. Après le décès de l'Autrichien à Monza, il ne voulait plus de ce titre. La victoire d'Emerson Fittipaldi à Watkins Glen l'écarta mathématiquement du sacre et pour Jacky Ickx, ce fut quelque part plus moral.

Notez aussi son premier succès, aux 24 Heures du Mans 1969. Un succès obtenu sur la "mamie" Ford GT40 "Gulf", dans le dernier tour !

A l'époque, les top teams n'avaient souvent qu'un seul pilote à temps plein. Un second pilote (souvent un novice ou au contraire, un pré-retraité) venait en appui.  Jacky Ickx était donc ce "super N°1" chez Ferrari. Mais en 1973, lorsque la Scuderia traversa un trou d'air, il fut le premier accusé.
Le Belge était un pilote à l'ancienne, sans manager, ni sponsor personnel. Dans une F1 devenue cynique, il se retrouva en port-à-faux. McLaren songeait à lui pour 1976. John Hogan de "rouge et blanc" tint des propos orduriers (rapportés par Tom Rubython et édulcorés dans Rush) sur le Belge. James Hunt hérita du volant.
En 1979, Guy Ligier voulait Emerson Fittipaldi ou Alain Prost pour remplacer Patrick Depailler, blessé. Ce fut Jacky Ickx. Il dut improviser avec une Ligier JS11/15 à la dérive. Ce fut le point final de sa carrière en F1.

Le Belge se consola au Mans. Il retrouva John Wyer pour s'imposer avec la très belle Mirage-Gulf. Puis il fut le fer-de-lance de Porsche avec la 935, puis la 936... Porsche ayant d'ailleurs ressorti "Moby Dick" pour les Classic Days.

Au début des années 80, l'endurance se consolidait avec les Groupe C. Lancia, Nimrod/Aston Martin ou Rondeau avaient de grandes ambitions... Mais ce n'était rien à côté de Porsche. Aux côtés de Jacky Ickx et de Derek Bell (déjà équipier du Belge sur la Mirage-Gulf), les Allemands recrutèrent deux exclus de la F1 : Jochen Mass et Hans Stuck. Le rouleau-compresseur domina la première moitié des années 80. Même en embarquant une lourde caméra VHS, la 956 de Jacky Ickx doublait ses rivaux !

En parallèle, il fut directeur de course du Grand Prix de Monaco 1984. On l'accusa d'avoir agité trop vite le drapeau rouge (pour cause de déluge), alors que Stefan Bellof et Ayrton Senna fondaient sur Alain Prost...
Pressenti pour piloter la Peugeot 905, Jacky Ickx accepta un rôle de conseiller chez Mazdaspeed/Oreca. C'est grâce à lui que la Mazda 787 connu le succès...

Il eu aussi les rallye-raids. En 1981, il prit le départ du Dakar avec une Citroën CX, navigué par Claude Brasseur. Ils s'imposèrent en 1983 avec un Mercedes-Benz "G". Pilote Porsche en Groupe C, Jacky Ickx proposa au constructeur d'engager une 911 transformée en 4x4. Passé chez Peugeot, il fut la victime de la fameuse "pièce de 10 francs de Jean Todt". Il pilota la Lada Samara rallye-raid construite par Oreca. Puis il y eu la ZX rallye-raid...

En résumé, Jacky Ickx a remporté six victoires au Mans, huit victoires en F1, un Dakar, un titre de F2, un titre de Can-Am... Il fut le premier pilote Belge d'envergure internationale. Seul Thierry Boutsen s'est depuis imposé en F1. Et les autres sont très loin du compte, tant en terme de palmarès, que de comportement en dehors de la voiture...

Journaliste, Jacques Ickx fournissait Jean Graton en documents sur les sports mécaniques. Jacky Ickx, fils de Jacques, se retrouva logiquement dans Michel Vaillant. Il fut le premier vrai personnage à apparaitre dans la BD. Hasard ou coïncidence, dans le box voisin des Porsche de Jacky Ickx, il y a une Ralt F3 Michel Vaillant...

Et le clou du spectacle, c'est une démonstration du maitre, avec la Matra MS5. Notez le casque bleu marine à liseré blanc...

Centenaire Jean Rédélé

Les Classic Days ont toujours plusieurs animations simultanées. Jean Rédélé aurait eu 100 ans. C'est l'occasion d'une rétrospective Alpine.

Alpine, ce n'est pas que l'A110 ! La preuve avec cette rare A106

Elle n'est pas vraiment d'origine, mais cela témoigne justement du vécu de ces voitures. Jusqu'à la fin des années 90, les Alpine étaient déconsidérées. Donc aucun scrupule à modifier un exemplaire déjà ancien.

Tout aussi rare, l'une des premières A110. Notez le dessin très pur, sans ailes élargies, ni longues portées intégrés à l'avant.

Une A310 de pré-série.

Le musée de la Gendarmerie Nationale se joint à la fête avec deux Alpine. L'A310 V6 Gendarmerie régulièrement exhibée et la toute nouvelle A110, transformée par Durisotti.

Les Alpine de compétition témoignent du passé de la marque, en endurance et en F3.

Il y a bien sûr des Alpine en piste. Jean-Charles Rédélé est venu avec deux voitures, dont cette A210.

Laurent Hurgon assure des baptêmes au volant d'une A110 noire. Rappelons qu'il est pilote d'Alpine Elf Europa et qu'il détient plusieurs records sur Megane Trophy-R, dont un au Nüburgring.

50 ans de Renault 5

Autre date marquante, cette année, le cinquantenaire de la Renault 5 (et celui de la Peugeot 104.) Le constructeur a sorti plusieurs exemplaires de ses réserves, dont des R5 "Coupe", une R5 Turbo et une R5 Maxi Turbo. Sauf erreur, cette dernière est une réplique. Elle a néanmoins été piloté par Fernando Alonso et surtout, Jean Ragnotti la faisait danser en ouverture des manches de World Series by Renault... 

En 2019, le "négociant en virages" a décidé d'arrêter les démonstrations. Alain Serpaggi prend le relais. A 83 ans, il prend toute la courbe de la Chapelle en dérive !

En piste !

Laurent Hurgon et Alain Serpaggi roulent avec un plateau composé de voitures de tourisme et de GT.

Mention spéciale à cette Mercedes-Benz 190 DTM Snobeck qui s'offre ces trois Porsche au freinage du musée.

Pour le plaisir des oreilles, il y a cette Peugeot 505 "façon produc' ". Le Hellfest, à côté, c'est de la musique de fillettes !

Et j'adore le "keskifoula" de service. Ce n'est pas une R11 Turbo, mais un simple TXE ! Le propriétaire a 0 complexe. Quand la session est finie, il se met dans la file de la session suivante. Si on le laisse faire, il roulerait avec les F1 !

Les "avant-guerre" tournent au ralenti. Le circuit Bugatti, c'est un tourniquet de 4,1km. Jusqu'aux années 60, les circuits étaient très rectangulaire, avec des lignes droites interminables et des virages à angle droit. Il suffit d'observer ces voitures de course pour comprendre pourquoi. Centre de gravité haut, freins peu endurants et moteurs sous-puissants : elles sont très mal à l'aise dans les enchainements d'épingles. La seule solution, c'est de rouler à allure constante, donc au ralenti, tout du long.

Changement de régime avec les monoplaces des années 50-60. Les MEP attaquent comme des damnés !

Formule V, Formule Bleue, Formule Ford... Le plateau résume le foisonnement de coupes monotypes. Dans les années 60, c'était l'explosion. En occident, dans chaque pays, les promoteurs allaient voir leur constructeur nationaux (ou les importateurs les plus ambitieux) et ils créaient une discipline nationale, avec ses constructeurs de châssis.
Ce n'est que dans les années 90 que les Formule Ford et Formule Renault s'imposèrent dans toute l'Europe.

On a un Rémi ! Il faut qu'il m'explique comment il part en survirage avec une DB. Monoplace dont l'essentiel de la masse se trouve devant le train avant. Un mauvais réglage des freins ?

Monoplaces et protos postérieurs à 1970 roulent ensemble. Curieusement, cette Arrows-Megatron et cette Chevron F5000 n'enrhument personne à l'accélération. Leurs pilotes doivent avoir le pied léger. Une FR 3.5 a moins de scrupule, avalant le peloton, alors qu'elle est parti dernière.

Une Inaltera. Constructeur novice, Jean Rondeau s'était fait sponsorisé par les papier-peints Inaltera, en 1976. A l'Américaine, la voiture avait pris le nom de son mécène.

L'association Inaltera-Rondeau fit long feu. Jean Rondeau trouva un nouveau sponsor, ITT-Oceanic et Inaltera conserva les trois voitures (les Inaltera et Rondeau cohabitèrent aux 24 heures du Mans 1978.) Par contre, la marque existe toujours.

Et dès qu'un plateau rentre aux stands, un autre prend la piste. Ainsi, il y a en permanence des voitures qui tournent, durant deux jours.

J'ai un faible pour cette Ford Mustang très brutale. On la croirait sortie de Mad Max !

Exposition

Les Classic Days, c'est surtout une exposition de voitures.

Je retrouve la DB qui était devant la grille de l'étape mancelle du Tour Auto. Son propriétaire m'explique qu'il s'agit d'une DB Spéciale de 1952, ayant disputé le Tour Auto à l'époque.
Notez qu'une seconde DB Spéciale a prit le départ du Tour Auto 2022, alors qu'elle avait disputé les 24 Heures du Mans, à l'époque.

"Ce mois-ci, au sommaire de Nitro..."

Le Batard est passé à la postérité pour son camping-car Coccinelle III, sur base Citroën Type H. Carrossier industriel, il a également réalisé ce véhicule de démonstration pour SEV-Marchal (l'actuel Valeo Lighting), toujours sur base Type H. C'était un véhicule exhibant les différents équipements fabriqués par la firme. Chaque gyrophare, chaque phare et chaque klaxon fonctionne.

Il fait des aller-retours au sein du paddock, toutes sirènes hurlantes, afin de promouvoir le musée des 24 Heures. On l'entend et on le voit venir de loin ! 

Techniquement, c'est un food-truck...

Au milieu d'un parterre d'Américaines, il y a plusieurs intruses, dont cette Auto Union 1000 SP. Au milieu des années 50, DKW cherchait à monter en gamme. Le trois cylindres deux-temps fut réalésé à 1l. Pour la 1000, le constructeur choisit de la badger "Auto Union" (jugé plus noble que DKW.) Un renvoi aux monoplaces de Grand Prix.
Avec le coupé Monza, DKW avait acquis une certaine crédibilité dans les modèles sportifs. D'où un véhicule plus luxueux, l'Auto Union 1000 SP, en 1958. L'inspiration de la Ford Thunderbird, apparue en 1955, est évidente. La 1000 SP fut produite jusqu'en 1965, année de la liquidation de DKW, en Europe.

Ah, les muscle cars US... Le rapport chevaux/litre est ridicule, la technologie était datée et pourtant, ce n'était pas fiable, les voitures des années 80 étaient biodégradables... La liste des reproches est longue. Néanmoins, quel look !

J'ai toujours eu un faible pour les Camaro F-Body.

La veille des Classic Days, quelqu'un avait posté sur Twitter une image d'Opel GT Conrero, avec une femme lascive devant. Voici justement une Opel GT Conrero (mais sans femme lascive...)

Dans les années 50-60, l'Italie était l'épicentre des préparateurs artisanaux, les garagisti. Trente ans plus tard, Jean Bernardet les évoqua avec passion dans Rétroviseurs...
Virgilio Conrero était de ceux-là, traçant des "plans" par terre, à la craie et réglant ses moteurs à l'oreille. Dans les années 50-60, il réalisa plusieurs "spéciale" sur base Alfa Romeo. Puis au tournant des années 70, il devint préparateur rallye pour Opel.

Cette barquette De Pontac cache... Les premières 2cv étaient vraiment spartiate et beaucoup tentèrent de proposer des versions plus cossues. Jean-Marie de Pontac offrit un look carrément sportif à la sienne ! Il en produisit un poignée, à la fin des années 50. Certaines furent équipées de bicylindre Panhard. Il proposa également un coupé. Un exemplaire du coupé fut exposé au salon de Paris avec une carrosserie couverte de tissus façon canapé Louis XV !

Le nombre de voitures semble infinitésimal ! Lorsque vous pensez avoir tout vu, vous découvrez une nouvelle zone. Ou bien, ce sont des voitures qui reviennent de piste et s'installent à un endroit où vous étiez passé... 

Ce sont les Classic Days, car ils se déroulent sur deux jours. Les puristes passent la nuit sur place ou dans l'un des campings du circuit. Et le nec-plus-ultra, c'est d'avoir un camping-car vintage...

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