RM Sotheby's | Paris (2)

Quand il n'y en a plus, il y en a encore ! Suite et fin de cette vente Parisienne de RM Sotheby's. Bon point pour la maison de vente : les salles étaient entièrement ouvertes au public, sans cordons et avec peu de vigiles. Signalons d'ailleurs que nous étions en pleine semaine, les indications étaient sibyllines (un logo en extérieur, puis plus rien jusqu'à l'entrée de la salle) et pourtant, il y avait un certain nombre de badauds. C'est dire s'ils étaient connaisseurs...

Commençons par cette Lamborghini 350 GT. Sortie de Sant'Agata Bolognese en 1964, c'est l'une des toutes premières voitures frappées du taureau. Seules 120 exemplaires furent produits en deux ans.

On peut jouer au jeu des sept différences avec la 400 GT d'Aguttes : V12 3,5l, châssis court (donc seulement 2 places), phares ovales... Et le V12 se trouve dans le compartiment dédié !

En 1975, l'International Race Of Champion (IROC) proposait une affiche digne d'un Michel Vaillant : un affrontement sur une demi-douzaine d'épreuves des meilleurs pilotes de F1, d'Indycar, d'endurance et de Nascar. Les voitures étaient des 911 Carrera RS "look turbo" identiques, préparées par Roger Penske.
Dès l'année suivante, les Allemandes furent supplantées par des Camaro. "IROC" devint d'ailleurs un niveau de finition du coupé. Les pilotes Européens furent plus rares ; les pilotes de Nascar firent une OPA sur la série, avec un calendrier aménagé sur les rares "trous" de la saison. Et si, malgré tout, un pilote Européen se joignait à la ronde et s'imposait, il se faisait dégager en piste. Une mésaventure qui arriva à Martin Brundle...
L'aventure dura exactement 30 ans, voyant défiler plusieurs générations de pilotes et de Camaro. Fin 2005, l'IROC s'arrêta "provisoirement". La dispersion des biens, en 2007, doucha les espoirs de retour.

Ici, c'est une réplique de la Porsche de Bobby Unser. A ceci près qu'elle est basée sur une Carrera "normale"... Et que la voiture de Bobby Unser était bleue !

Un trio de Bugatti. L'une des 58 Veyron Grand Sport jamais produite et deux horreurs, que RM Sotheby's avait déjà tenté de fourguer à Monterrey, en juin dernier. Deux autres horreurs, sur base 57, trouvèrent elles preneur.

L'entre-deux guerres fut l'âge d'or de la carrosserie -en particulier en France-. Les marques de luxe vendaient des châssis nus, équipés seulement d'un moteur, des roues, d'une calandre, de phares et d'un tableau de bord ! Charge au carrossier "d'habiller le bossu". Il n'était pas rare qu'une voiture change fréquemment de carrosserie, notamment lorsqu'elle passait de main en main. Durant la guerre, des voitures furent murées (par peur d'être confisquées) et beaucoup furent recarrossées, dans un style contemporain.
Puis il y eu l'oubli... C'était la voiture de papi, qui dormait dans le garage depuis le décès de celui-ci. C'était un voiture d'artiste excentrique, qui n'avait ni les moyens, ni l'envie de l'entretenir. Il fallu attendre les années 80, voire 90, pour que l'on restaure enfin correctement ces trésors...
Or, les carrosseries, de par leur vocation à être éphémère, étaient mal finies. Une armature en bois, avec des panneaux d'acier, un toit souvent en cuir (même s'il était fixe) et des chromes. Rien n'était traité. Avec le temps, la rouille rongeait les panneaux, le bois pourrissait, l'eau s'infiltrait (transformant tissus et cuirs en bouillon de culture)... Il fallait tout remplacer. Aussi, les archives étaient dispersées. Le savoir-faire s'était perdu. On restaurait comme on pouvait, dans ce qu'on pensait être bon.

La jaune est un type 55 reconstruite à partir de trois Bugatti ! Ironie de l'histoire, cette reconstruction de 1988 s'inspirait de la Type 55 "Jean Bugatti" rendue célèbre par la réplique de Xavier de la Chapelle ! Au moins, elle possède une certaine classe.
La bordeaux est une type 43. Robert Sénéchal, un de ces millionnaires vivant à 100 à l'heure (constructeur de cyclecars, puis pilote de Grand Prix et enfin, pilote de chasse, durant la Seconde Guerre Mondiale) en fut le premier propriétaire. Jean Charbonneaux la récupéra en 1945. Le styliste possédait une autres 43 et il mélangea les pièces. Puis elle passa de mains en mains, enchainant les restaurations...

Les Bugatti et Hispano-Suiza ont connu une certaine fièvre, dès la fin des années 50, notamment chez les Américains. Les Delahaye en furent préservées et il y eu moins de massacres. En plus, Chapron proposait des carrosseries "semi-usines". Un certain nombre de voitures étaient identiques ; de quoi éviter les approximations.

La 148 L était une version rallongée du best-seller 135. Ainsi, elle devenait une 2+2. Le modèle fut lancé en 1937 et on a ici une voiture de 1939. Delahaye relança la production en 1946 et ceux jusqu'en 1953. Un total de 700 voitures auraient été construites.
Celle-ci est un cabriolet Mylord. C'est-à-dire que l'on peut ne rabattre que la partie au dessus des occupants, un peu comme sur un T-top.

Avec ce genre de ventes, on saute allègrement les époques !

En 2000, Mercedes-Benz pousse pour que le DTM revienne. Il construit une voiture, basée sur la CLK. Exit les berlines, le DTM version 2000 mettra les coupés en avant ! Les voitures se voulaient "low-cost" : 2RM et moteur V8 atmo (au lieu de 4RM et V6 Turbo, au temps de l'ITC.)

La réussite du DTM des années 90, c'était notamment une grille composée de vieux briscards des championnats Allemands (Hans Stuck, Kurt Thiim, Ellen Lohr...), de pilotes de F1 récemment retraités (Alessandro Nannini, Nicola Larini, JJ Letho...) et d'espoirs en mal de monoplace (Giancarlo Fischella, Jan Magnussen ou Alex Wurz -lesquels iront tous les trois en F1 ensuite-.)
Il fallait donc reprendre la même idée. Pour les vieux briscards, Klaus Ludwig et Bernd Schneider rempilent. Côté ex-pilotes de F1, Olivier Panis -invité par Mercedes-Benz- préfère miser sur un éventuel retour en 2001. Côté jeunes, il y eu notamment Marcel Fässler.
3e de la Formule Campus 1995, pour se débuts, le Suisse confirma avec une 3e place du championnat de France de Formule Renault. En championnat de France de F3, il eu plus de difficultés. Après deux saisons, Marcel Fässler tenta la F3 Allemande, terminant vice-champion en 1999. C'était le pire moment en monoplace : la F3000 était un repère de riches pigeons et il y avait un faible turnover en F1. La grille se contractait et les constructeurs profitaient des rares opportunités pour caser leurs protégés. Fässler misa sur le DTM et cela donna un second souffle à sa carrière.

Au fond de la salle, il y avait une drôle de GT, dans une toute aussi drôle robe vert pomme. Une Bizzarini ? Presque : une ISO Grifo A3 !

Giotto Bizzarini a un parcours incroyable. "a", car à 96 ans, il est toujours de ce monde ! Après son diplôme d'ingénieur, il entra chez Alfa Romeo pour développer les trains roulants de la Giulietta. Un poste indigne de ses ambitions ! En 1957, il parti chez Ferrari, travaillant sur les voitures de course (F1 et endurance.)
En 1961, Enzo Ferrari lui confia l'étude de la 250 GTO, l'ultime GT à moteur avant. Mais Giotto Bizzarini n'était plus de la partie à sa sortie. Il fit parti du quintet de cadres frondeurs. Le comte Volpi les embaucha et créa ATS, qui fut un feu de paille. Ferruccio Lamborghini jouait les voiture-balais et Giotto Bizzarini retrouva nombre d'ex-collègues de Ferrari sur le projet 350 GT.
Puis où il entra chez ISO où le comte Rivolta lui donna une forte autonomie. La Grifo A3 de 1965 était une post-250 GTO. Le V8 5,3l de Corvette était repoussé derrière le train avant. Elle évolua en Bizzarini 5300 ; l'ingénieur voulant jouer les constructeurs. Son erreur fut sans doute de s'accrocher au moteur central avant, alors que depuis la Miura, toute GT se devait d'avoir un moteur central. Aussi, l'ingénieur voulait s'occuper du moteur, du châssis, du design et même de l'engagement en compétition !

On reste dans les proportions incroyables avec cette Rolls-Royce Phantom II Continntal Sports Saloon de 1931. Le capot semble interminable, d'autant plus que la voiture était inhabituellement basse pour une Rolls-Royce.

Et le plus étonnant, ce sont ces couleurs jaune pâle/vert clair, d'époque. D'autant plus que cette voiture n'a que tardivement quitté la Grande-Bretagne !

Les maisons de ventes aux enchères se concentrent logiquement sur ce qui se vend. On voit bien qu'à chaque fois, les voitures de l'entre-deux guerre sont rares. Elles sont trop vieilles, inadaptées à la circulation actuelle et trop compliquées à restaurer. Aussi, elles n'évoquent pas grand chose à la plupart des gens. Quant aux voitures d'avant 1914... La dernière que j'ai croisé dans une vente, c'était la Le Zèbre d'Aguttes, il y a près d'un an et demi !

Chez RM Sotheby's, la doyenne, c'était cette Hispano-Suiza Coupé de Ville 15/20 de 1912. "12/20", comme la puissance délivrée par le 4 cylindres 3,6l. C'est à dire autant de chevaux que les minuscules berlingots d'une Fiat 500 ou d'une 2cv 4 !
En 1914, la "Patent Motor Wagen" de Karl Benz avait presque trente ans. On estimait le parc automobile Français à quatre-vingt mille voitures. Vu de 2023, cette Hispano-Suiza semblait archaïque et poussive, pourtant que de progrès !
Siegfried Marcus, Amédée Bollé ou Édouard Delamare-Deboutteville voyait la voiture comme une calèche équipée d'un moteur à "esprit de pétrole". Gottlieb Daimler et Karl Benz, eux, comprirent qu'ils étaient face à quelque chose de plus grand : un mode de transport individuel et mécanisé. En 1888, Bertha Benz fit un "road trip" de 106km ! Mais les premières voitures étaient peu fiables et elles s’essoufflaient sur les faux-plats, voilà pourquoi tant d'inventeurs baissèrent les bras. Robert Bosch développa la bougie, le magnéto, les batteries... De quoi offrir de la fiabilité. Les frères Michelin, eux, eurent l'idée de chausser une voiture de leurs fameux pneus démontables de vélo.
La révolution fut aussi stylistique. La distribution des éléments n'avait rien d'évidente. En 1899, De Dion-Bouton commercialisa la bien-nommé Vis-à-vis où les passagers étaient assis face au conducteur ! Panhard et Levassor proposèrent en 1891 de mettre le moteur à l'avant (et non plus sur le train arrière.) Du coup, les occupants étaient placés au ras-du-sol. On "faisait de l'automobile" pendant les beaux jours, pour un circuit de quelques kilomètres. Avec les progrès, les automobilistes osèrent rouler par tout temps, emmitouflés dans des caches-poussières et des "peaux de bique" (sans oublier les lunettes souples.) En 1894, Renault eu une idée délirante : une voiture avec un toit. L'idée se répandit... Mais comme on pouvait le constater sur cette Hispano-Suiza, seuls les passagers étaient à l'abri ! Le chauffeur, ce vil cocher moderne, avait tout de même droit à un pare-bise (sans "r") rabattable.

A l'origine, c'était une Lamborghini Miura S rouge de 1969. En 1998, son propriétaire Japonais l'a "faite montée en Jota". La Jota fut un projet mort-né de Miura de compétition, dont un seul exemplaire fut réalisé. Dans les années 70, on faisait "monter en Gordini" des Renault : R8, R12, mais aussi R6, R14... Tout y passait !

Ici, c'est de la Jota de Wish.com. RM Sotheby's admet que c'est une réplique. Mais la finition est indigne d'une grande vente. Curieusement, elle est partie pour 1 017 500€ !

Lorsque Porsche a quitté Gmünd pour Stuttgart, il disposait enfin d'une vraie usine. Mais il continuait de sous-traiter. Le carrossier Reutter et plus tard Karmann le fournissaient ainsi. Cette 356 "pré-A" fut donc carrossée par Reutter.

Pour l'anecdote, en 1953, Reutter breveta son siège de compétition. Dix ans plus tard, l'entreprise vendit son activité de carrosserie à Porsche, mais il se garda les sièges. A cette occasion, Reutter se rebaptisa Recaro...

Pour finir une hypercar moderne : la McLaren Speedtail.
A Chantilly 2019
, elle n'était encore qu'un concept-car. Il s'agissait d'un hommage à la F1 (d'où son poste de conduite central), en particulier la GTR 97, plus effilée.
McLaren en produisit 106 exemplaires, un chiffre correspondant au nombre total de F1 produite (voitures de route et de course confondues.) Celle-ci était la numéro 30.

Et quatre ans après le dernier Chantilly pré-Covid, c'est déjà une voiture de collection !

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