Jaguarn't


C'est un terrain en friche, en pleine ville. Et le plus curieux, ce sont les véhicules abandonnés...


Cette masse bleu ciel sous les gravats était autrefois une Jaguar XJ-S. De l'extérieur, on ne peut guère en voir davantage. Difficile aussi de la dater. A vue de nez, je dirais une deuxième génération (à cause des jantes.)
C'est incroyable que quelqu'un ait laissé rouiller une XJ-S. Mais il n'en reste visiblement plus grand chose. A fortiori sur les gravats ont déformé la cellule centrale. Puis il y a la rouille, bien visible...

On peut y voir une allégorie de Jaguar. Dans les années 10, JLR s'était perdu dans une stratégie de croissance. L'objectif était de rattraper le premium Allemand, malgré un rapport de 1 à 40 ! Jaguar ouvrit des usines, descendit en gamme, se lança dans les SUV... Dans un premier temps, les ventes triplèrent quasiment. Hélas, Jaguar se lançait dans un marathon, mais il n'avait pas les jambes pour. Le matou aurait eu besoin de gros efforts marketing pour se crédibiliser, au lieu de cela, il fit le minimum syndical. Je peux en témoigner, non seulement le réseau attendait que le client ne passe la porte, mais il fallait que le client remplisse tout seul le bon de commande ! Enfin, le plan-produit ne suivait pas, avec un arrêt des lancements vers 2017, alors qu'il aurait fallu au moins de nouvelles XE et XF. Sans surprise, les ventes chutèrent, alors que les sites Jaguar étaient déjà sous-utilisés.
Après le covid, Ralf Speth, l'homme de l'ère Tata, fut écarté auprès de Thierry Bolloré. L'éphémère PDG de Renault voulu un changement radical : Jaguar ne visait plus les Allemands, mais Bentley et il allait faire du tout-VE ! Un par un, les modèles furent arrêtés. En 2022, le Français fut lui aussi abandonné. Adrian Mardell est depuis trois ans "PDG par intérim". On pensait qu'on ne pouvait pas faire pire que Thierry Bolloré, mais Adrian Mardell s'est surpassé ! Il y a eu d'abord une campagne de pub woke très générique. Devant le tollé, le PDG fit un contre-feu en traitant les acheteurs potentiels "d'intolérants" et de "haineux". Puis le matou dévoila la massive Type 00, censée annoncer le renouveau de la marque. Nouveau tollé et nouveau droit de réponse déplorable d'Adrian Mardell. 
Depuis, Jaguar a complètement disparu des écrans de radar. Le public est indifférent au sort du constructeur. Google Trend est très significatif : Audi, BMW et Mercedes-Benz ont 20 fois plus de "bruit" que Jaguar. Jaguar est au niveau de Dacia ou de Seat, qui n'ont ni le passé glorieux, ni l'assise mondiale du matou.

En face, un drôle de Saviem SG2. Il nous décline son nom, MAM A31 Turbo, mais cela reste tout aussi obscur !

Comme son nom l'indique, Avia a commencé par construire des avions. La Tchéquie fut envahie par l'Allemagne nazie, peu avant la Seconde Guerre Mondiale et Avia produisit nombre d'avions nazis. Après-guerre, Avia produisit le S-199, un Heinkel He111 équipé d'un moteur maison. Un aéronef qui ne convainquit pas les pilotes. La Tchécoslovaquie possédait d'autres constructeurs d'avions : LET (une ancienne émanation d'Avia, financée alors par Škoda) et surtout, Aero. L'état décida qu'Avia se contentera de produire des moteurs pour les deux autres.
Magnanime, l'état organisa la reconversion de l'usine d'avions, comme constructeur de camions. Il débuta avec le Praga V3S (ancêtre du V4S, vu récemment au Dakar), en 1961. Pendant ce temps, Renault tâchait à la fois de s'implanter en Europe de l'Est et de développer sa marque d'utilitaires Saviem. Le SG2, déjà produit sous licence par Alfa Romeo et MAN, débarqua ainsi sur les chaines de production de Letñany. Avia n'était pas peu fier de produire le dernier cri occidental. Il en profita pour s'agrandir et modifier son outil industriel.
A la fin des années 80, la Tchécoslovaquie quitta le giron communiste et Avia redevint une entreprise privée. Un écriteau "à vendre" apparu sur le fronton. Renault, qui lorgnait de nouveau sur l'Europe centrale, se fit désirer. En attendant, en 1993, Avia dépoussiéra le bon vieux SG2 (alias A30.) Equipé d'un turbo, il devint A31. MAM, basé à Trappes, a toujours été un aventurier de l'utilitaire. Il décida ainsi d'importer l'A31 turbo ! Malgré son âge canonique, il conservait ses fidèles.
En 1997, Avia trouva enfin un repreneur : Daewoo. En 2000, Avia envoya enfin l'A30/A31 à la retraite ! A sa place, il lança le D Series. Il s'agit - accrochez-vous - d'un Nissan Atlas relooké par la branche PL de Samsung, puis rebadgé Daewoo lorsqu'il reprit l'entreprise, avant d'être expédié à Letñany ! De son côté, MAM importa des Santana, avant de proposer le Giotto Victoria. Si vous passez à Trappes, vous pourrez voir un Avia A30 sur le toit des bureaux de MAM.

Notez qu'au fond, un pick-up Dodge Ram est couvert de gravats.

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