Il y a trois mois, j'avais été pris d'
une frénésie d'achats de miniatures. Il existe tellement de reproductions de modèles exotiques... Et plus vous surfez, plus les algorithmes vous en proposent d'autres. A même pas 10€, c'est tentant... J'en ai tiré plusieurs articles. Puis j'ai eu un printemps et un début d'été automobilistiquement chargé. L'actualité est enfin plus calme. L'occasion d'évoquer enfin les Willys "Gassers" de Hot Wheels et de Johnny Lightning !
Pour rappel, en 1955, Kaiser-Jeep décidait d'abandonner les berlines. Il se concentrait sur les Jeep, avec ses débouchés militaires et les flottes (notamment les postes US.) Des milliers de propriétaires de Willys, notamment des Americar, se retrouvèrent livrés à eux-mêmes. En occasion, les prix s'effondraient.
1955, c'était également l'année du premier vrai championnat de la NHRA, la National Hot Rod Association. Très vite, la NHRA créa une multitude de classe, dont les "Gas Coupé & Sedan", taillée sur mesure pour les nombreux Ford '32 et '34. Des petits malins découvrirent que les Willys 77 et Americar possédaient un empattement plus court et qu'elles rendaient une centaine de kilos aux Ford. La recette était simple : vous achetiez une voiture à un propriétaire bien content de se débarrasser de sa Willys, vous y installiez un gros V8 et vous aviez l'arme absolue sur 400m !
Dans les années 60, les courses de "Gas Coupé & Sedan" tournaient à la coupe monotype. Voilà pourquoi ces Willys prirent le nom de "Gasser".
Dans le Nitro de Mai 1991, il y avait un excellent article dessus. C'était une traduction d'un article de Hot Rod Magazine. Son auteur était Don Montgomery qui connaissait d'autant plus le sujet qu'il avait lui même effectué des runs en Willys, dans les années 60 !
Bien sûr, les Willys n'avaient pas été prévues pour cela. Très vite, les concurrents firent fi de la notion de "stock". Surtout, faute de place dans le compartiment moteur, ils surélevèrent les voitures. Cela offrait également une meilleure réactivité. Mais lorsque vous envoyiez la purée, les lois de la physique se rappelèrent à vous. D'autant plus qu'il n'y avait pas encore de wheelie bar pour limiter le cabrage. D'où de jolies soleils. La NHRA répliqua avec des normes de hauteur maximale, qui désavantagèrent la catégorie.
Au milieu des années 60, le milieu des courses de hot-rod connu une professionnalisation accélérée. Des constructeurs comme Dodge, Ford ou plus tard AMC s'impliquèrent avec des équipes "usine" et des pièces sur-mesure. Il y eu aussi une montée en puissance (au propre, comme au figuré) avec les top fuel, top alcohol, rail et autres funny-car. Les gassers avaient opté pour les Willys pour le rapport performance/prix. Ils n'étaient pas plus attachés que cela à leur voiture. Certains migrèrent vers d'autres catégorie et les gassers se raréfièrent. En 1972, la NHRA finit par supprimer la catégorie.
Dans les années 80, on vit apparaitre des hot-rod de route sur base Willys. Ils s'inspiraient de l'esthétique des gassers. Mais ça n'a jamais été une grande tendance.
Aujourd'hui, la NHRA n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a été. Fin des muscle-cars, stars qui partirent à la retraite sans être remplacées, pistes urbaines fermées sous la pression des promoteurs, perte du sponsoring des cigarettiers (notamment une certaine marque de tabac à chiquer...) et des alcooliers... Surtout, la NHRA a perdu l'intérêt du grand public.
Un champion ne peut plus espérer de contrat avec un fabricant de jouets, voire que sa vie soit adaptée en film...
Les Muscle Machines de Maisto s'inspirèrent des dragsters des années 60-70. Du moins au début, lorsque la ligne cherchait sa voie. Depuis, ils se sont recentrés sur les supercars. Une preuve supplémentaire du désintérêt des dragsters, aujourd'hui... Pourtant, Johnny Lightning a sorti une collection des Willys "gassers". Et plus incroyable : Hot Wheels en propose également !
Johnny Lightning
Topper Corporation était l'un des nombreux fabricants US de jouets de l'après-guerre. Henry Orenstein, son fondateur, voulu répondre aux Hot Wheels de Mattel. Il créa ainsi Johnny Lighting, en 1969. Pour les noms de ses jouets, Henry Orenstein aimait donner un prénom + un qualificatif. Il y avait ainsi Johnny Eagle, Secret Sam, Jimmy Jet, Mr Pierre, Lilly Doll, etc. Pour faire connaître Johnny Lightning, la marque sponsorisa des Indycar. Al Unser [Sr] remporta ainsi les 500 Miles d'Indianapolis 1971 au volant d'une Colt de Parnelli Jones, aux couleurs de Johnny Lightning. Hélas, face à une concurrence acharnée, Topper ferma ses portes peu après.
Il y a eu plusieurs tentatives de résurrection. Aujourd'hui, Johnny Lightning appartient à Round 2 Corp, par ailleurs propriétaire des kits AMT ou des miniatures Auto World. Round 2 Corp a été fondé en 2005, pourtant son site web semble dater des années 90 ! D'ailleurs, si vous cherchez Johnny Lightning sur Google, vous allez tomber sur le magasin officiel sur Amazon et non sur le site de Round 2 Corp. La page Amazon est complètement pétée avec des pop-up et des messages d'erreurs.
En bref, pour acheter des Johnny Lightning, il faut être motivé !
A l'instar de
Greenlight Collectibles, Johnny Lightning n'a que des séries limitées. La 77 pick-up et l'Americar sont disponibles seules ou en coffret et sous différentes livrés.
Commençons par détailler l'Americar. Il s'agit de la voiture des Muscle Machines. Du moins, Maisto avait caricaturé les caractéristiques des gassers : moteur sortant du capot, empattement court, roues arrières surdimensionnées, garde-au-sol relevée à l'avant, etc.

La livrée peut sembler fantaisiste, mais il s'agit d'une vraie voiture. Elle figurait d'ailleurs dans l'article de Nitro. Mais Don Montgomery semble s'être emmêlé les pinceaux.
Tim Woods, entrepreneur du BTP, s'est lancé dans les dragsters en 1953. Il courrait avec une Oldsmobile neuve. K.S. Pittman le convainquit de s'associer pour faire courir une Americar. Mais Pittman alignait en parallèle sa propre Americar. Tim Woods recruta un pilote, Doug Cook. Son mécano, c'était un artisan croisé sur les chantiers, Fred Stone. Ainsi naquit l'équipe Stone/Woods/Cook en 1961. La première Willys fit un soleil et l'équipe en construisit une seconde, identique. Avec le soutien d'Iskenderian Cams, l'équipe grandit et elle put aligner deux Willys différentes (baptisées Swindler A et Swindler B.) Elles étaient équipées de V8 Oldsmobile compressés. Tim Woods haranguait ses concurrents, via des lettres ouvertes dans Hot Rod Magazine. L'équipe hérita du surnom de Pebble, Pulp and Chef (caillou, bouilli et cuistot.)
Lors d'essais sauvages, Swindler B termina contre un poteau, en 1965. Une nouvelle voiture fut construite avec ce qu'il en restait. Notez que nombre d'éléments de cette nouvelle Swindler B étaient en fibre de verre.
En 1967, Stone/Woods/Cook changea de catégorie. Puis elle passa aux funny car, sans retrouver le succès.
En 1982, Swindle A fut "restaurée", avec une peinture bleu électrique et un V8 Chrysler Hemi. Grâce à la réglementation Américaine, très libérale, elle put rouler sur route !
Johnny Lightning utilise une seule carrosserie, peinte dans différentes couleurs. Les vraies Stone/Woods/Cook avaient un train avant davantage relevé, une calandre plus étroite et une prise d'air inclinée. Mais cela aurait nécessité un moule inédit. Là où le fabricant n'a pas d'excuse, c'est que la voiture devrait être bleu marine et non noire. Quant au lettrage, il devrait être dorée.
Malgré tout, à cette échelle et dans cette gamme de prix, c'est une miniature très originale.
Par contre, cette Willys 77 pick-up ne s'inspire pas d'un gasser connu. Il s'agit d'un "à la manière de". La peinture olive et la bouche de requin s'inspire des
"Tigres volants". Encore que dans les années 60, le souvenir de la Seconde Guerre Mondiale - et son imagerie - n'avait plus la côte. Trop lointain pour capitaliser dessus et trop proche pour une vraie nostalgie.
Par contre, cette bouche de requin pourrait évoquer celles des
Bell UH-1, alias "Huey". On est avant l'offensive du Têt, avant la mobilisation de masse. La guerre du Vietnam semblait être une guerre gagnée, grâce à l'avantage technologique des Américains...
Cette esthétique mid-sixties est bien rendu... Sauf de face, où l'avant est complètement loupé.
Hot Wheels
La nostalgie des gassers semble morte et enterrée. De même que celle des Ford '32 ou des "T Bucket"... Mais visiblement, pas en miniature ! Depuis les années 2000, le fabricant propose plusieurs variantes de Willys. Ce ne sont même pas des rééditions d'un modèle des années 60 !
La filiale de Mattel avec commencé par des modèles caricaturaux, à peine reconnaissable. Dans un second temps, il proposa des modèles plus réalistes, qui eurent davantage de succès.
Commençons par la bleue. Elle est apparue en 2009.
Le souci, c'est qu'Hot Wheels fonctionne en longueur et en large fixe, afin de rentrer dans la boite. Cette Americar a ainsi été rallongée et élargie.
C'est d'autant plus visible de 3/4 arrière, face à l'Americar de Johnny Lightning.
Cette Americar reprend les codes des hot-rod de la période 85-95. Notamment à cause de sa peinture bleue métallisée. A l'instar de la Stone/Woods/Cook, ça pourrait être un ancien gasser "civilisé", faute de pouvoir courir. Ou bien une réplique.
En tout cas, par rapport à l'Americar de Johnny Lightning, elle semble bien grossière. Tant en terme de proportions, que de finition. Reste que le choix du modèle est étonnant. On l'a dit, les rod Americar n'ont jamais été très populaires. Alors pourquoi un tel engouement en miniature ?
Terminons par la jaune. C'était la troisième Willys d'Hot Wheels (la bleue étant la quatrième.) Ses proportions étaient plus réaliste que les précédentes.
On a affaire à un Pro-Stock des années 80. Coque en répro, châssis tubulaire, ailes en fibre de verre... Cette Americar n'avait aucune pièce d'origine. La NHRA ayant une notion très vague de "stock". Normallement, les dragsters sont couverts de sponsors. Ici, il faut se contenter d'un imaginaire "MSD Ignition". Hot Wheels n'aime pas reproduire de vraies marques, car elles ont tendance à exiger des royalties.
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