Ford Mustang "Un homme et une femme" Norev au 1/43e

Dans le catalogue des nouveautés Norev de juin, mon regard a été attiré par cette Ford Mustang blanche au 1/43e. Le "184" correspond au numéro de course de Jean-Louis Trintignant dans un Homme et une femme. Le film est sorti en 1966 ; il s'agissait d'une Mustang 1ère génération. Or, Norev a basé la sienne sur un modèle relifté. Pas grave. En tant que Jet car, elle n'est guère ruineuse. Et puis, qu'importe le flacon, pourvu qu'on aie le chabadabada...

Dans Un homme et une femme, Jean-Louis Trintignant est un jeune pilote professionnel, veuf. Les Ford Mustang et F3 qui apparaissent dans le film ont été fournies par Ford France. L'oncle de Jean-Louis, Maurice Trintignant, étant pilote et manager de l'équipe de compétition. Les scènes du rallye de Mont-Carlo ont été réellement tournées durant l'épreuve.

Trintignant Jr a-t-il été casté en vue d'obtenir les voitures ? Ou bien est-ce une fois la distribution gelée que Claude Lelouch a cherché à obtenir des voitures de compétition ?
Ce qui est amusant de voir, c'est que deux ans plus tard, d'une manière symétrique, Dustin Hoffman fut mis à contribution pour obtenir une Alfa Spider auprès de son oncle, Max Hoffman...

Comme nombre de cinéastes de la Nouvelle Vague, Claude Lelouch a toujours été un passionné de voitures et des Etats-Unis. Alors le choix de cette Ford Mustang n'était pas forcément fortuit...

En tout cas, pour Ford France, ce fut une belle pub. 10 ans après la revente de Ford S.A.F., l'ovale bleu cherchait à reconquérir l'hexagone. Son image était floue. En 1967, alors que le modèle relifté arrivait, Henri Chemin confiait un Mustang pré-facelift à Johnny Hallyday pour le Monte-Carlo. Chemin avait lui-même harangué les fans, mais il fut débordé. Chaque soir, le chanteur ah-que-célèbre et sa Mustang devaient rentrer au concessionnaire Ford local pour s'y barricader.

Les Trintignant sont sous-estimés.

Maurice débuta en compétition peu avant la Seconde Guerre Mondiale, avec Bugatti. Le conflit lui prit sans doute ses meilleures années de pilote. Il avait muré sa Bugatti, lorsqu'il la ressorti, le carburateur était plein de crottes de rat ("pétoulet" dans le sud.) Trintignant y gagna un surnom et plus tard, il baptisa son vin "pétoulet". Pilier de l'équipe Gordini, il y conseilla à Juan-Manuel Fangio de voir plus grand. Passé chez Ferrari, il remporta les 24 Heurs du Mans 1954 (avec Froilan Gonzales.) Profitant du chaos du Grand Prix de Monaco 1955, il fut le premier Français à s'imposer en F1. Il récidiva en 1958, sur Cooper. Il fut l'un des pilotes de la dernière Bugatti F1. Puis il fut donc une cheville-ouvrière de Ford France. Ensuite, une fois retraité, il continua d'être actif dans le monde de l'ancienne, apparaissant volontiers dans des réunions de club ou des concentrations, réalisant des avant-propos de livres, etc. Et à 80 ans passé, malgré une santé chancelante, il soutint Romain Dumas.

Au milieu des années 70, de ce que j'en vois, Jean-Louis Trintignant en avait marre d'être un "acteur sérieux". Au point de refuser de grands rôles pour Bernardo Bertolucci, Francis Ford Copolla ou Steven Spielberg. Son passage derrière la caméra fut un échec. "Moustache" le convainquit de rejoindre le Star Team. Il se prit du virus, pilota une Triumph Acclaim en Produc', se fit peur avec un Kremer K3 au Mans et il participa plusieurs fois aux 24 heures de Spa avec ds série 5 semi-officielles. Il participa également à des vidéos de formation des vendeurs Peugeot (la 505 face à ses concurrentes, que dire aux clients.) Par bravade, il déclara tourner des films juste pour financer sa carrière de pilote.


Claude Lelouch, pour moi, ce sont des bandes annonces. Il faut s'imaginer un cinéma des années 80. Vous aviez la bande-annonce du nouveau Tom Cruise, du nouveau Spielberg, etc. Puis vous aviez une espèce de long clip, sans voix off, juste avec quelques cartes... Lelouch, c'était du grandiose. Des films chorales avec une distribution étonnante. Des acteurs venus du film de genre (Lino Ventura, Michel Boujenah, Aldo Maccione, Jean-Paul Belmondo époque toc-toc, badaboum...) Des "je connais sa tête, mais je ne me rappelle jamais son nom" à qui il donnait leurs premiers grands rôles (Gérard Darmon, Jacques Gamblin, Vincent Lindon, Fabrice Luchini...) Des semi-professionnels (Bernard Tapie, Ophélie Winter... Il a même proposé un rôle à Marjolaine !) Il lui fallait aussi de vastes décors (le Paris-Dakar, le Mont Blanc...) Puis il se devait de tourner de véritables fresques sur Paris, les vacances, l'amitié, les cocus... Il avait sa propre vision de la réalité. Je me souviens de cette scène tournée en direct, sur Nulle Part Ailleurs où Salomé Lelouch prenait à parti Philippe Gildas. Claude Lelouch voulait faire l grand écart entre le divertissement et le cinéma d'auteur. Ce genre de bandes-annonces, vous finissiez par les repérer. Avant même de voir une carte disant "le nouveau film de Claude Lelouch".

Après, qu'on aime ou pas son cinéma, c'est quelqu'un qui a écrit des pages énormes du cinéma français. C'était triste de le voir, dans les années 2000, se balader de plateaux de TV en plateaux de TV avec sa tirelire. Quitte à aller se prendre des tartes à la crème chez Marc-Olivier Fogiel ou Stéphane Bern. Et je ne parle même pas de sa vidéo à la GoPro avec le Prince Albert et Charles Leclerc...

Le cinéma français, ce sont les étrangers qui en parlent le mieux. Sur Arte, j'avais vu un documentaire, tourné en marge du festival de Cannes (NDLA : je n'en ai hélas pas retrouvé le lien.) Des réalisateurs du monde entier étaient interviewé sur les films qui leur ont donné envie de faire du cinéma.
Steven Spielberg a répondu Lawrence d'Arabie (en se demandant comment filmer plusieurs prises d'une scène avec une centaine de figurants ou un travelling sur des kilomètres.) Mais les autres ont unanimement -et spontanément- répondu la même chose. Le ciné-club du lycée ou les projections de l'Alliance Française. Et là, sur une vieille VHS, ils découvraient A bout de souffle, Le Magnifique, Cyrano de Bergerac... Sachant que dans certains pays (Cuba, Iran, anciennes républiques soviétiques...) les films Américains sont bannis ; les films Français sont la seule fenêtre sur l'occident.
Presque tout ces cinéastes ne parlaient pas français, ils ne savaient pas situé la France sur un carte, mais ils se passionnaient pour nos long-métrages. Un Japonais déclarait qu'il n'avait rien compris au Grand Bleu, mais qu'il l'avait aimé car la mer y était présenté comme un esprit qui donne et qui prend. Exactement comme un kami, dans le shintoïsme.

C'était l'exemple même du rayonnement de la culture française. En regardant ce documentaire, j'étais fier de payer des impôts pour financer cela. Et Claude Lelouch fut incontestablement l'un des bâtisseurs de ce cinéma français qui fait rêver à l'étranger. Avec -entre autres- cette scène d'une Mustang blanche débarquant sur la plage de Deauville...

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