Le TTCB

Cosne-sur-Loire, normalement, c'est juste une sortie de l'autoroute A77, lorsque l'on descend sur Nevers-Magny-Cours. Mais aujourd'hui, c'est ma destination. J'ai rendez-vous avec le plus célèbre des Cosnois : Patrice Vatan, alias le TTCB (Talentueux Teneur de Ce Blog.) On s'est manqué à la Traversée de Paris, alors il valait bien un détour !

Alors qu'il était haut comme trois pommes, Patrice assista au second (et dernier) Grand Prix du Maroc de F1, avec son père. Il avait été marqué par les fusées rouges de Mike Hawthorn et Phil Hill  (NDLA : celle d'Olivier Gendebien était jaune.) Quelques années plus tard, il avait été fasciné par la victoire de Jean-Pierre Beltoise au Grand Prix de Reims F3. La première grande victoire de Matra et surtout, le premier succès d'un pilote et d'un châssis français dans un sport auto où les Français étaient à la marge depuis des années. Après cela, il dévora Sport-Auto. Il assista au 1000km de Paris 1968. Sur l'anneau de Montlhéry, la Matra 630 de Jean-Pierre Beltoire et Johnny Servoz-Gavin n'avait pas tenu, mais il en resta hypnotisé par le bruit du V12...
De 1972 à 1980, devenu employé de la Documentation Française, Patrice passait ses week-ends sur la route. Avec sa bande de mordus du sport auto, ils sillonnaient l'Europe pour aller voir des courses de F1, de F2 ou de F3. Plus tard, il poussa jusqu'à l'Amérique, avec les 500 miles d'Indianapolis. Puis, après avoir vu René Arnoux triompher sur Renault à Interlagos, il rangea définitivement sa valise. Il avait fait une overdose de sport auto. Il ne regardait même pas les Grands Prix à la TV.

Une vingtaine d'années plus tard, débutant sur le web, il découvrit le Forix. Un Capverdien avait créé une base de donnés couvrant tous les Grand Prix, tous les pilotes, toutes les voitures, tous les circuits, etc. Dans sa première mouture, le Formula One Result Interactive eXplorer comportait uniquement des statistiques. Patrice Vatan mit son grain de sel, corrigea quelques données. Lorsque la version 2.0 du Forix inclut du texte, il rédigea des biographies. Le site lui dédie sa version Française.
Patrice Vatan voulu aller plus loin, avec des biographies de pilotes n'ayant pas forcément couru en F1. C'est ainsi qu'en 2005, il créa Mémoire des Stands. Après les biographies, il raconta ses propres souvenirs de week-end de course. Les kilomètres interminables, à une époque où les autoroutes étaient rares et l'avion, hors de prix. Les combines pour entrer dans le paddock, sans pass. Puis le spot pour regarder la course. Le podium était presque secondaire. Pour la petite bande, les temps forts du week-end, c'était un signe de main d'un pilote, en voyant l'appareil-photo, des confidences d'un autre pilote sur sa voiture ou sa course, voire une superbe photo de monoplace en pleine action. Toutes les chroniques étaient écrites avec une certaine humilité. Surtout, on sentait la culture littéraire de l'auteur et son exigence, en matière de syntaxe.
A la longue, Patrice Vatan ouvrit son blog à d'autres. D'abord, les autres membres de sa troupe. Puis des témoins de cette époque, comme Guy Dhotel, Jean-Claude Arnold... Ou les non-chroniques de François Libert, qui communiquait via des commentaires à rallonge. MdS, c'était une liberté de ton très anglo-saxonne. Après tout, il y avait souvent prescription sur les anecdotes peu reluisantes. Le site occupait une place centrale dans la blogosphère française, dans l'orbite du Blog Auto, d'Auto-Hebdo, du forum Autodiva ou du site de l'Escrault. Le blog était fréquenté par d'autres fans aux connaissances pointues, mais aussi d'anciens pilotes, patrons d'écuries, sponsors, etc. Les commentaires valaient souvent leur pesant d'or.
Fidèle à ses principes, Patrice Vatan refusa toute publicité. Je crois qu'il avait été dépassé par l'ampleur de son blog. Un jour de 2012, il le ferma pour de bon, quasiment sans préavis. Désormais, c'est sur Facebook que Patrice Vatan nous livre ses humeurs. Sur l'automobile, mais aussi le cinéma.

Et donc, j'ai la chance de rencontrer Patrice Vatan. Il n'en revient pas que j'ai parcouru 170km pour le voir. Je lui offre un exemplaire de Chinoiseries Industrielles. Puis, bien sûr, on parle sport auto d'hier et d'aujourd'hui, autour d'un Sancerre. On est sur la même longueur d'ondes. Il a cherché des traces du circuit de Riverside et moi, celles du Motordrome de Los Angeles. Il a croisé Jackie Stewart en 1972 et moi, en 2009. Il est bien le seul à comprendre que je porte un tee-shirt du Norwich F.C., au seul motif qu'il est lié à Lotus. C'est un de ces repas qui passe trop vite.

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