Land Rover Serie III 109 Bburago et Solido "Gamelle Trophy"

Après les miniatures récentes dédiées au "Gamelle Trophy", voici les jouets Bburago et Solido d'époque. Aujourd'hui, interdiction de dire le nom du cigarettier. Mais dans les années 80, les fabricants n'avaient aucun scrupule à vendre des jouets aux couleurs d'une marque de cigarette. Rassurez-vous RJ Reynolds ne touchait pas un seul centime dessus... Et Austin-Rover non plus !

La première fois que j'ai évoqué le "Gamelle Trophy", je pensais que le sujet était moribond. Une opération motorisée, créé par un cigarettier, typique du virilisme des années 80. Bref, tout ce que notre époque déteste.

Pourtant, plus je creuse et plus je trouve de choses ! Et n'aller pas croire qu'il s'agit de vieilleries. Je parle bien sûr du livre et des miniatures de MINI GT.

Cela prouve que oui, cela intéresse encore.


Faisons un bref rappel historique sur le "Trophy".

Visiblement, chez RJ Reynolds, les employés ont toujours eu de grosses lacunes en géographie et en biologie.

Richard Joshua Reynolds était un fils de cultivateurs de tabac. Il s'installa à Winston-Salem, en Caroline du Nord et se lança dans la fabrication de cigarettes. En 1913, il voulu lancer des cigarettes avec du tabac turc. Il lui fallait donc un nom évocateur de la Turquie... [Chameau].
Pour le packaging, le dessinateur-maison songeait à un chameau devant des pyramides et un minaret. Forcément, en 1913, il n'existait pas de Google Image et le dessinateur manquait de documentation. Car les chameaux, en Caroline du Nord... Heureusement, un cirque passait par là, le dessinateur se rendit à la ménagerie avec son appareil-photo et il immortalisa... Un dromadaire. De retour chez RJ Reynolds, il conçut un visuel. Le patron était emballé, mais il avait un doute sur l'animal. En anglais, le terme peut être utilisé pour désigner l'ensemble des camélidés. De toute façon, en Turquie, il n'y a ni chameaux, ni dromadaires, ni pyramides !

Une quarantaine d'années plus tard, un concurrent de RJ Reynolds (dont le nom ressemble à celui de l'ingénieur Lotus Maurice Philippe) avait un problème avec [Rouge et blanc]. La marque proposait des cigarettes avec filtres. Or, pour les Américains, les cigarettes avec filtres étaient un produit pour chochottes.
En 1954, [Rouge et blanc] sortit une campagne publicitaire avec des hommes très virils fumants des cigarettes. Le cow-boy fut la figure ayant le plus de succès. A partir de là, le cigarettier mit le paquet sur son "cow-boy [Rouge et blanc]". Les ventes quadruplèrent en deux ans.

La RFA était l'un des principaux débouchés des cigarettes Américaines. Le cow-boy [Rouge et blanc] faisait un carton chez les jeunes, dans les années 60-70. L'antenne locale de RJ Reynolds voulu riposter avec son propre personnage. L'univers de [Chameau], c'était l'exotisme. Il recrutèrent un acteur Américain au chômage, Bob Beck. Quel biotope associez-vous aux chameaux et dromadaires ? Si vous êtes RJ Reynolds, vous répondrez la jungle ! D'où des campagnes où Bob Beck, clope au bec, faisait du kayak, traversait des ponts de cordes, posait avec sa tente, etc. Il y avait un côté très Big Jim. RJ Reynolds RFA eu l'idée de le mettre au volant d'une Jeep, sur une piste. La photo rendait bien et voilà Bob Beck conduisant différents tout-terrains.
Pour prolonger cela, en 1980, RJ Reynolds RFA envoya une poignée d'Allemands au Brésil, pour un raid en tout-terrain. Ils débarquèrent en pleine saison des pluies et l'organisation du beaucoup improviser. Malgré tout, lorsque [Chameau] annonça un second raid, en Indonésie, pour 1981, les candidats se bousculaient.


Land Rover Serie III 109 Solido au 1/43e
RJ Reynolds RFA avait déniché la poule aux œufs d'or ! Cette image de l'homme de la rue devenu un aventurier du bout du monde, c'était très vendeur. Et comme c'était le service publicité qui s'était chargé de l'évènement, le raid était très photogénique.
British Leyland cherchait alors à valoriser Land Rover (en vue d'une revente.) En France, le groupe soutint ainsi les premiers Dakar. Pour l'Allemagne de l'Ouest, BL se rapprocha de RJ Reynolds et son "Gamelle Trophy" (le nom n'arriva qu'à la 2e édition.) Pour 1981, il fournit ainsi des Range Rover, ainsi que des tenues (jeans noirs et tee-shirt Leyland.)
Les autres antennes Européennes de RJ Reynolds, plus modestes, utilisèrent les visuels créés par les Allemands. La filiale de RJ Reynolds chargée de l'international commença à mettre son grain de sel. En 1982, des équipages d'autres pays participèrent au trophée. En 1983, RJ Reynolds International prit la main sur l'organisation. Bientôt, dans la plupart des pays Européens, il y avait des pré-sélections, puis des sélections. Des écoles de pilotage proposèrent des "stages "Gamelle Trophée"". Le cigarettier vendit des vêtements de baroudeurs. En France, où la SEITA régnait en maître, RJ Reynolds distribuait gratuitement des autocollants, des pin's et il tenait un service minitel.
RJ Reynolds International avait la main leste sur les accréditations presse. Et pour ceux qui ne pouvaient pas faire le déplacement, la régie mobile du Trophée pouvait vous proposer un sujet monté en un temps record ! Du pain bénit pour les TV.


D'autres voulurent parasiter le Trophée. A commencer par les fabricants de miniatures.

A l'époque, concevoir un moule, cela demandait énormément d'investissements en temps et en argent. Les fabricants de miniatures proposaient donc peu de nouveautés, chaque années.
Solido a créé un Land Rover Serie III 109 en 1978. La famille des fondateurs venaient tout juste de céder le contrôle de la société à Le Jouet Français. Le repreneur sombra et en 1982, Solido passa sous la coupe de Majorette.

L'une des idées de Majorette, c'était de décliner chaque modèle, avec un minimum d'adaptations. Et de créer des synergies entre les gammes Age d'or et les Toner Gam (utilitaire.) Repeint en kaki ou en rouge, le Land Rover joua ainsi les militaires ou les véhicules de pompier.

En 1983, Austin-Rover fournit des Serie III au "Gamelle Trophy" (qui avait lieu au Zaïre, l'actuel Congo RDC.) Cela donna une idée à Solido. Une peinture sable, des décalcomanies sur les portes, ainsi qu'une galerie intégrant plaques de désensablement et malles... Et le bon vieux 109 au 1/43e joue les "Gamelle Trophy".
Rappelons qu'à l'époque, les licences sur les miniatures étaient rares.

Pour une miniature conçue en 1978, la finition du Land' est très moyenne. La carrosserie est d'un seul bloc. Seule la porte arrière s'ouvre. Optiques et calandre ne sont pas en pièces rapportées. Le seul bon point, c'est que la carrosserie reproduit fidèlement l'engin, avec ses charnières de porte extérieures ou le pare-brise en deux parties. Rappelons que jusqu'au Defender, le toit était amovible, tout comme la partie supérieure des portes (d'où les vitres sur glissières.)

La miniature vaut surtout pour son côté historique.

Les premiers Land Rover étaient des châssis courts, sans toit. Le "break" châssis long était apparu en 1957. C'était une espèce de patchwork. Une vingtaine d'années et deux générations plus tard, le châssis long conservait ce côté bricolage. Il perdura jusqu'aux Defender des années 80.


Au milieu des années 80, la loi Veil sur le tabagisme a été renforcée. Le Land Rover III 109 de Solido perdit ses logos controversée, au profit d'un marquage "Rotary Club".
Au tournant des années 90, le fabricant réorganisa sa gamme "Hi-fi 43". Elle se dédoubla en "Yesterday" (pour les modèles des années 70-80) et "Today" (pour les modèles contemporains.) Le Land Rover disparu du catalogue, comme d'autres modèles jugées démodés. Quelques années plus tard, Solido proposa un inédit Defender 110 nettement plus finement réalisé. Il y eu une version "Land Rover Experience" couleur sable, avec des plaques jaunes sur les portières. Personne n'est dupe et aujourd'hui, sur les sites, il est souvent présenté comme un "Defender [Gamelle Trophy]".

Sachez que Solido n'en avait pas encore finit avec son 109 !
On le retrouva dans sa filiale Verem, qui faisait de plus petites séries, destinées aux collectionneurs. Il y eu ainsi un 109 EDF, un 109 Gendarmerie et divers modèle de véhicules d'intervention.
Au début des années 2000, le "bomb disposal" de Verem fut placé dans une boite en carton Solido anachronique, pour une collection Hachette. Puis il ressorti quelques années plus tard, dans une seconde collection Hachette dédiée aux véhicules militaires !

Land Rover Serie III 109 Bburago au 1/25e
Comme Solido, Bburago avait une vision basée sur l'amortissement des moules. Mario Besana fonda l'entreprise, à Burago, en 1976. Durant les premières années, Bburago dû bâtir un catalogue et ensuite, il préféra limiter les investissements.

Nino Cerani étzait un aventurier, un photographe et un passionné de Land Rover. En 1968, il rallia la Terre de Feu depuis l'Alaska, avec son Serie II 109 baptisé "Azziza 3". Il était sponsorisé par les tentes de toit Air-Camping, Nino Cerani étant un proche de son fondateur, Giuseppe Dionisio. Le magazine auto Quattroruote, également partenaire, organisa une tournée promotionnelle en Italie.
Mebetoys, la première société de Mario Besana, proposa une réplique d'Azziza 3 au 1/43e, en 1970.
Lorsque Mario Basana fonda Bburago, il s'empressa de proposer une autre réplique d'Azziza 3. Il faisait parti de la collection Super, au 1/24e. Néanmoins, pour des raisons d'encombrement, il opta pour le 1/25e. Est-ce pour l'adapter au goût du jour que le Serie II devint un Serie III ? Par contre, Bburago conserva l'étonnante configuration châssis long, mais seulement 3 portes.


Au début des années 80, le souvenir de l'exploit de Nino Cerani s'effaçait. Qui plus est, Bburago souhaitait se développer hors de la Botte. Or, même à l'époque, la médiatisation de la Trans-America n'avait pas dépassé la Botte. Globalement, le catalogue de Bburago était très italo-italien, avec une surreprésentation des Italiennes (Ferrari et Fiat en tête.) Pour exporter, il fallait des modèles réduits qui parlent davantage aux petits Européens et Américains.
Comme Solido, Bburago eu un eurêka en voyant les Serie III du "Gamelle Trophy". Un coup de peinture jaune, des autocollants sur les portes et voilà !
Tout le reste était identique. Sur la galerie, les bidons étaient désormais jaune, pour être raccord avec la carrosserie.

Bburago n'avait même pas pris la peine de faire une nouvelle boite. Il était toujours référencé comme "Land Rover Azziza" !


Les différentes collections de Bburago s'adressaient à un public très différent :
- 1/18e Diamond : 14 ans et plus. C'était des reproductions de voitures de sport des années 30, 50, 60 et quelques Ferrari contemporaines. Elles s'adressaient aux collectionneurs de miniatures, voire à ceux qui y voyaient un objet décoratif. C'était le pendant de l'Age d'or de Solido. D'ailleurs, plusieurs modèles (540k, 300SL, 250GTO...) étaient communs.
- 1/24e Bijoux et 1/24e VIP : 12-14 ans. C'était peu ou prou les voitures de la collection Diamond transposées aux 1/24e et avec une finition plus grossière. Du coup, elles étaient beaucoup moins chères.
- 1/24e Super : 8-12 ans. C'était des voitures de sport, de compétition et de prestige contemporaines. La collection accusait le poids des ans avec des DRM et des Groupe B obsolètes. Elles possédaient toutes les mêmes roues.
- 1/24e Grand Prix : Bburago avait réalisé un grand coup en reproduisant quasi-simultanément la moitié de la grille de F1 de 1984. Par la suite, la Lotus "Jean Joueur Spécial" a été repeinte aux couleurs de "Chameau". Mais malgré tout, le catalogue accusait le poids des ans, au début des années 90. 
- 1/24e 9100 : 6 ans et +. C'était la toute première série commercialisé par Bburago. Le fabricant préférait développer les 1/18e Diamond et 1/24e Bijoux. Les "9100" étaient avant tout des jouets. Faute de nouveautés, la série était discrètement poussée vers une voie de garage. Seul avantage : elles n'étaient vraiment pas chères.
- 1/43e : 3 ans et +. C'était des jouets bas de gamme, sans ouvrant et partageant un châssis identique.

Notez que tous les modèles au 1/18e et 1/24e (hors Grand Prix et 9100) étaient proposés en kit. Les modèles de compétition ayant souvent une décoration différente des modèles réduits.


En résumé, les modèles au 1/24e ont une finition moyenne. Surtout lorsque l'on compare aux productions récentes venues d'Extrême-Orient. Contrairement à la Solido, le Land' de Bburago possède des phares cristal à l'avant et une calandre rapportée (avec une gravure "Land Rover".) En revanche, les jantes sont standard, il n'y a pas de contre-portes ou d'autocollant sur le cluster d'instrumentation. Quant aux "Gamelle Trophy", ce sont des autocollants rectangulaires et non des décalcomanies.

Mais l'avantage de Bburago sur les productions actuelles, c'est la durabilité. Qu'il s'agisse de la carrosserie métallique ou des garnitures en plastiques, le fabricant choisissait de l'épais.
Regardez ce trio de miniature au 1/24e. Elle a survécu à mon enfance ! Près de 40 ans plus tard, elles sont en meilleur état que les vraies. Il n'y a même pas d'éclats de peinture.


Apparemment, Bburago a fini par avoir des scrupules. D'où un second Land Rover Serie III "Gamelle Trophy". La présentation ressemblait davantage à celle des véhicules du trophée.

En fait, ce n'était pas très compliqué à réaliser. Les roues de secours sur le toit ont disparu et les trous accueillent des phares de travail. La galerie est devenue noire et les jerricans d'essence, kaki. La principale modification étant la pose d'une roue sur le capot. Visez aussi les nouveaux autocollants, qui reprennent la forme des plaques du trophée.
Comme quoi, avec un minimum d'efforts, Bburago aurait pu le lancer d'emblée.

En attendant, cela donnait un prétexte au fabricant pour lui coller un label "nouveau". C'était une pratique courante chez lui et ça lui permettait de gonfler son nombre de nouveautés.


Ce qui trahit ce "nouveau" Land Rover, c'est la plaque d'immatriculation. En effet, il s'agit de celle de "l'Azziza 3" de la Trans-America !

Puisque l'on parle de Trans-America, sachez qu'en 1971, Land Rover commandita sa propre traversé des Amériques. Il s'agissait de promouvoir le tout nouveau Range Rover. Bburago proposa également une réplique au 1/25e de celui-là. Il connu de nombreux avatars, avant de terminer sa carrière comme "Gamelle Trophy". Mais ça, c'est une autre histoire. Je l'évoquerai le jour où je trouverai un Range Rover "Gamelle Trophy" Bburago à un prix raisonnable...


En conclusion, les fabricants de miniatures des années 80 étaient peu scrupuleux. Ils songeaient à vendre le maximum, avec un investissement minimum. C'est ce qui finira par les perdre.

Le Land Rover Serie III 109 Bburago "version 2" était le plus proche de la réalité... Sauf que le Land Rover Serie III utilisé au Zaïre, en 1983, était un 88 ! Notez également le pare-buffle et les rétroviseurs sur les portières.

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