Lotus Elan Collection Shell
Une Lotus Elan à l'à peu près 1/40e, fabriquée par Maisto. Elle faisait parti de la Collection Shell et n'était disponible que dans les stations services au coquillage.
En 1993, si vous faisiez un plein (d'au moins vingt litres) et que vous donniez cinq francs supplémentaires au pompiste, vous pouviez repartir avec l'une des huit miniatures de la Collection Shell. Un moyen habile de faire venir les clients, à l'heure où les stations services des grandes surfaces cassaient les prix.
Notez que Shell et Maisto avaient mis en place des opérations similaires à travers l'Europe ; seule la boite trahissait le pays.
Hélas pour moi, ma mère roulait en Volkswagen Polo et elle effectuait peu de kilomètres. Au bout du troisième plein, l'opération était terminée. Ma collection est donc incomplète !
C'est un jouet à rétrofiction, avec une finition assez grossière. Néanmoins, ce qui est important, c'est le sujet, pas l'objet.
Jusqu'aux années 2000, les répliques de Lotus étaient rares. Les fabricants de 1/43e ciblaient surtout leurs productions nationales. Les Françaises étaient surreprésentées dans le catalogue Solido, les Italiennes surreprésentées chez Rio ou Brumm, les Allemandes, chez Minichamps, etc. Or, outre-manche, Corgi refusait de proposer du 1/43e. Donc, peu de Lotus, mais également d'Aston Martin, de Jaguar, etc.
Parmi les modèles ci-dessous, l'Esprit provient de la seconde Collection Shell (il y en à eu quatre.)
Notez qu'à défaut de miniatures, vous pouviez jouer avec une Elan ! Lotus avait été l'un des premiers constructeurs à croire en les jeux vidéo. L'Elan fut ainsi présente dans Lotus Turbo Challenge 2 et 3.
En parallèle, l'importateur Lotus aux USA était très actif dans le placement-produit. D'où les Esprit de Pretty Woman et Basic Instinct. L'Elan, quant à elle, apparaissait très favorablement dans Chéri, j'ai agrandi le bébé.
L'Elan fut la première Lotus produite en grande série. Auparavant, Lotus ne faisait que de l'assemblage final. Pour produire l'Elan, il a du s'offrir une vraie usine, à Hethel. Ce fut une véritable vache à lait, qui permit à Lotus d'entrer dans un cercle vertueux de développement. Et ainsi, quitter le marigot des artisans comme Bond, Marcos, TVR, etc.
Tout à une fin et au milieu des années 70, l'Elan était démodée. Lotus pensait pouvoir poursuivre sa montée en gamme avec l'Elite/Eclat et surtout, l'Esprit.
A la fin des années 70, le bureau d'étude était en ébullition, à Hethel. Il y eu un très vague projet de roadster. Mais il fut balayé par l'Eminence. Toyota devint actionnaire minoritaire de Lotus et il reprit le projet, qui devint la MR.
Au début des années 80, grâce à De Lorean (et à un système de double-comptabilité), Lotus avait les poches pleines. Deux projets furent poussés. D'une part, l'Etna X100, une remplaçante de l'Esprit, équipée d'un V8. Et surtout, la M90, surnommé "Elan". Ce petit roadster avait une ligne quelconque, rappelant les Reliant Scimitar et TVR 280i contemporaines. Logique : Oliver Winterbottom, l'auteur des lignes de la M90 avait également signé la 280i.
En 1983, Colin Chapman mourut brutalement d'un cancer. Fred Bushell, son fidèle adjoint, se savait dans le collimateur de la justice (à cause de De Lorean.) Il organisa un tour de table, puis il passa les commandes à David Wickins, qui était surtout un administrateur. Tony Rudd était de facto dirigeant. Mais le designer historique de Lotus F1 n'était pas un gestionnaire et Lotus passa deux années en roues libres.
En 1986, David Wickins trouva un repreneur : GM.
Le projet Etna parti à la poubelle et tout fut misé sur la "nouvelle Elan". Déjà auteur de l'Esprit "88", Peter Stevens fut chargé retoucher le dessin de 1984. pour qu'elle affiche sa parenté avec l'Esprit S4. D'où un avant plus arrondi. Héritage de Toyota, l'Esprit possédait des feux arrière d'AE 86. Pour l'Elan, il opta pour ceux de la Renault Alpine, au dessin proche.
La M90 possédait un 1,6l turbo Toyota. GM le remplaça par un 1,6l Isuzu (seule la version turbo 165ch fut exportée.) Une mécanique connue, vu que Lotus avait conçu la version sportive de la Piazza. Sacrilège : il entrainait les roues avant. Notez enfin que l'Elan devait être distribuée dans le réseau Opel/Vauxhall. L'Elan débarqua à l'été 1989 et GM se voyait en vendre plusieurs milliers par an !
Les Américains savaient que Mazda préparaient la MX-5 "Miata". Les Japonais avait acheté une Lotus Elan pour mieux en disséquer ce qui la rendait craquante. Et sur l'archipel, la MX-5 disposait d'un logo Eunos carrément calqué sur celui de Lotus ! La MX-5 était une propulsion et a priori, les acheteurs rejetaient cette transmission, surtout aux Etats-Unis. Enfin, malgré la RX-7, la notoriété et la crédibilité de Mazda étaient faible. Alors que côté Lotus, les succès en F1 étaient relativement récents.
La MX-5 arriva la première, en février 1989. Aux USA, les concessionnaires Mazda furent pris d'assaut. Rebelote en Europe, alors que Mazda prévoyait d'écouler l'essentiel des MX-5/Miata/Eunos Roadster sur son marché national.
L'Elan arriva quelques mois plus tard, en août. Certes, elle était plus puissante (165ch contre 115ch), mais au passage en caisse, il n'y avait pas photo : 258 000 francs contre 139 000 francs. Qui plus est, la Japonaise était plus aboutie et elle possédait un meilleur comportement routier.
Ce fut un bide. Hethel en écoula péniblement 3 855 unités en trois ans, alors que la MX-5 avait des scores annuels à cinq chiffres. Le projet de coupé Elan a été bazardé. Le concept-car M200 (vu dans le jeu Lotus Challenge III) était une réflexion à voix haute sur la futur de l'Elan. Avec notamment un avant redessiné. Mais cela n'alla pas plus loin. A l'été 1992, GM arrêta l'Elan et revendit Lotus dans la foulée.
Bugatti, le repreneur, aurait découvert 800 blocs Isuzu à Hethel. Avec il créa une Elan S2, en 1994. Signalons qu'elle était proposé au tarif plus raisonnable de 200 000 francs. Lotus jouait alors sur l'aspect "futur collector" pour compenser notamment une ligne démodée.
La chaine parti ensuite en Corée du Sud. Kia mit un 1,8l atmo 151ch sous le capot. Ironie de l'histoire, c'était un bloc d'origine Mazda. Le concept-car KMS II (1996) était très looké avec un style rappelant la M200 et un arrière inspiré de l'Elise. Mais finalement, les Coréens produisirent l'Elan en l'état (sans même en changer le nom.) La Kia Elan fut hélas victime de la crise Asiatique. L'histoire s'arrêta en 1999.
Cette miniature matérialise également la chute de Bburago.
Au tournant des années 90, le fabricant Italien connaissait son apogée. Son hégémonie sur le 1/18e et le 1/24e était totale. Non seulement en terme de produits, mais aussi de canaux de distributions. Puis le sol allait s'ouvrir sous ses pieds, tandis que le ciel lui tombait sur la tête.La cause la plus évidente, c'était l'arrivée de concurrents venus d'Extrême-Orient, principalement Kyosho et Maisto. Leur modèle économique était complètement différents. Au lieu de créer des moules compliqués, à rentabiliser sur plusieurs années, ils avaient une politique de cycle-produit courts. Pas de catalogue. Au bout de n miniatures, le moule était rincer, alors on retirait le modèle. Aussi, leurs modèles réduits étaient plus fragiles, donc rapidement, les enfants demandaient un nouveau jouet à leurs parents.
On note aussi que chacune des voitures de la collection Shell disposait de l'imprimatur du constructeur. Dans les années 90, les services juridiques des constructeurs ont commencé à mettre leur nez dans l'utilisation de leur logo (jouets, mais aussi textile, gadgets...) Pour Bburago, cela signifiait qu'il fallait rémunérer le constructeur et cela grevait d'autant plus la marge. En 1999, Mattel et Ferrari signaient un accord exclusif. Mattel étaient le seul à pouvoir reproduire des modèles de la firme au cheval cabré, quel que soit l'échelle. Un terrible coup dur pour Bburago, qui s'appuyaient essentiellement sur Ferrari.
Second point, la distribution. Jusque là, le marché était très saisonnier, avec un pic à noël. Ensuite, Bburago lissait son chiffre d'affaires avec un politique retail (magasins de jouets, stations-service, boutiques souvenirs, etc.) Dans les années 90, on voyait apparaitre des grandes surfaces spécialisées dans le jouet (principalement Toys R'Us.) Ces grandes surfaces imposèrent à leurs fournisseurs des promotions, des animations... Ne pas vendre les mêmes jouets en hiver et en été, afin de faire venir des clients toute l'année. Or, par définition, Bburago ne possédait pas de fins de série. En revanche, c'était le cas des nouveaux entrants.
On note aussi qu'en 1990, Bburago s'était essoufflé pour remporter l'appel d'offres de la coupe du monde football (alias Ital'90.) Pour l'occasion, il avait dû créer des moules (Fiat Tipo et Uno FL au 1/24e), des packaging et même des porte-clefs. Maisto, lui, n'avait aucun soucis à développer une collection inédite de miniatures pour Shell (encore que les Porsche 959 et 911 cabriolet sentaient le recyclage.) Accessoirement, ça lui permettait de mettre le pied dans la porte du marché des stations-service.
En 1994, Bburago s'offrait son rival Polistil. Polistil en était resté là où Bburago était à la fin des années 70 : il avait manqué la monté en gamme, la GMS et surtout, l'export. A cette époque, le fabricant avait été racheté par l'Américain Tonka. Les boites étaient alors siglés "Tonka-Polistil".
On note que dès le milieu des années 80, ils n'y avait quasiment plus de nouveautés. Certes, Tonka s'était offert Kenner Parker en 1987 et il était très occupé. Mais surtout, Kenner Parker Tonka venait de découvrir une mine d'or : les jouets dérivés de dessins animé et de films. SOS Fantômes, les Maitres de l'Univers, Batman... Les enfants de 8-12 ans adoraient jouer avec les personnages et les véhicules qu'ils venaient de voir à l'écran. Quitte à les payer une fortune. Dans certains cas, comme M.A.S.K., Kenner Parker était coproducteur. Il poussait le studio à créer de nouveaux personnages et de nouveaux véhicules à chaque saison (qui feraient autant de nouveaux jouets.) En 1991, Hasbro rachetait Kenner Parker Tonka. Il dominait désormais le marché des jouets sous licence. Polistil n'avait plus aucun intérêt.
Mais Bburago devait faire face à deux concurrents redoutables. Non pas Solido, Kyosho ou Maisto. Deux entreprises qui n'ont jamais fabriqué le moindre modèle réduit : Sega et Nintendo. En 1990, les deux géants du jeu vidéo mirent le paquet sur l'Europe. Dans un premier temps, ils conquirent les collégiens. Mais avec les consoles 16 bits et des jeux comme Street Fighter II, ils s'attaquèrent aux lycéens. Plus tard, les consoles ciblèrent les 15-25 ans, avec des jeux multi-joueurs comme Fifa, Goldeneye, Mariokart, etc. idéaux pour les soirées entre potes. Pendant ce temps, la Gameboy ciblait un public de pré-ados avec Marioland, Kirby ou le tsunami Pokemon.
La conséquence logique, c'est que le gamin qui achetait un jeu avec le chèque reçu de sa grand-mère à noël, il n'avait plus d'argent derrière pour s'offrir une Bburago. Mais il y avait surtout un problème de m². Les grandes surfaces, tant les hypermarchés que les magasins de jouets, adoraient les jeux vidéos. Au bout de quelques mois, les gamers se lassent de leur jeu et ils vont en acheter un autre. Cela fait donc du flux toute l'année. Les 15-25 ans ont davantage de pouvoir d'achats. A 349 francs, le jeu Playstation était un des produits les plus chers du magasin. Nintendo, Sega et Sony imposaient alors un prix unique aux distributeurs. De plus, ils imposaient un corner dédié pour chaque console. Corner qui avait tendance à s'étendre d'années en années. Or, les murs des magasins n'étaient pas extensibles ! Lorsque vous vous appeliez Hasbro ou Mattel, vous disposez d'un levier de négociation. Vous êtiez présents dans plusieurs rayons de Toys R' US, avec des marques fortes. A contrario, Bburago, mais aussi Lego, PLaymobil ou Ravensburger étaient des ETI monoproduits, sur des secteurs sur le déclin. Donc, un Toys R' US s'en servaient comme variable d'ajustement.
En résumé, Bburago avait perdu ses clients et ses distributeurs. Et en plus, Kyosho et Maisto venaient lui disputer le peu qu'il lui restait.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Qu'est-ce que vous en pensez ?