Pin's 205 Roland Garros
La mode des pin's fut très éphémère. Je la situerais sur l'année scolaire 1991-1992. C'était un folie très franco-française. Elle arriva de nul part et le soufflet redescendit aussi vite, à la fin de l'automne 1992.
En tout cas, c'est un bonne capsule temporelle de ce qui était tendance ou pas, à l'époque.
Pour faire un bref historique, dès les années 70, il y avait eu des modes : badges, autocollants, écussons... A l'origine, ils avaient un contenu politique, surtout les badges. C'était comme une mini-banderole, que l'on déplaçait en permanence. Les punks adoptèrent les badges. Les leurs étaient plus petits et souvent, avec de simples emblèmes dessus. L'écusson permettait de personnaliser ses vêtements, mais il fallait s'y connaitre en couture...
En tout cas, il y avait ce besoin, chez les 15-25 ans, d'avoir quelque chose qui permette de sortir de la masse et de montrer ses goûts, sa personnalité. Dans la France dépolitisée et frimeuse des années 80, ce que l'on voulait exhiber, c'était souvent des marques.
Puis il y eu le pin's... Des marques comme Coca-Cola, Kodak ou Esso possédaient déjà des "boutiques" avec des produits dérivés à l'intention du public. Il dégainèrent donc des lignes de pin's (visez la Peugeot 905 Esso...)
Les autres marques de culture anglo-saxonne (Mc Donald's, Levi's, Disney...) ne possédaient pas forcément de "boutiques". Mais elles étaient dans des stratégies d'invasion de l'espace public. Avec le pin's, elles disposaient de milliers de panneaux publicitaires ambulants... Et des panneaux qui payaient pour cela, en plus ! Donc, elles sautèrent à pieds joints.
En France, on en était au cadeau "utile" : porte-clefs, jeux de cartes, briquets... Les directeurs marketing étaient dubitatifs.
Dans le luxe, c'était carrément un rejet de cet objet jugé bassement mercantile, sinon vulgaire. Seul Roland Garros sauta le pas et cela expliquait sans doute le succès de ses pin's.
Et beaucoup d'entreprises n'avaient carrément pas l'habitude de communiquer. Que des employés, des clients, des fournisseurs ou de simples amateurs, veuillent afficher leur marque, ça les dépassait.
Certaines marques tentèrent de se démarquer, avec d'autres objets griffés. Mais non, le public voulait des pin's, point. Souvent, sur l'étiquette du produit, vous avez des points. Vous mettiez trois ou quatre points, dans une enveloppe (avec une enveloppe timbrée pour le retour) et voilà !
Au printemps 1992, la folie pin's était à son comble. Pour les 8-15 ans, c'était un critère décisionnaire. Entre une sauce tomate qui proposaient des pin's et une autre, non, ils allaient vers celle qui en proposait ! Et dans la cour de récré, c'était ensuite : "Trop cool, ton pin's Panzani ! - Moi, j'ai un pin's Évian Albertville '92 ! - Et moi, un pin's Géant Vert !"
Pour les 15-25 ans, le pin's restait en haut des critères décisionnaires. Même si là, il s'agissait plutôt d'acheter en boutique, des pin's de leur marque préférée. Plus généralement, chez les actifs urbains, la présence de pin's était un critère d'évaluation du dynamisme d'une entreprise.
Puis on passait à une démarche pro-active. Au lieu d'attendre que le public demande des pin's, je vais créer un besoin. Je vais lancer un pin's que les gens voudront épingler.
Et à ce moment-là, beaucoup d'entreprises et de structures réalisèrent qu'elles avaient besoin de communiquer. Qu'il s'agisse de lancer une BD, de faire connaitre une cause, de promouvoir un lieu touristique ou un évènement (même local) ou de diffuser son logo...
Puis, ce sont la plupart des commerces de proximité qui s'y sont mis. Ils vendaient des pin's en lien avec leur univers. C'était un bon produit d'appel.
Ici, un pin's Lindt acheté dans une boulangerie !
A un moment, forcément, les gens saturaient. Où que vous alliez, on y proposait des pin's. Dehors, à la TV, dans votre magazine... Certains les collectionnaient, mais pour les autres, cela finissait par prendre de la place.
Alors ils disparurent presque aussi vite. Par la suite, il y eu d'autres modes éphémères (Pogs, fidget spinner et tous ce qui était lié à un film, un jeu vidéo ou à un dessin animé...) Néanmoins, on ne vit plus d'objet touchant un public aussi large.
Dans l'intervalle, beaucoup d'organisations revirent leur stratégie de communication. Pour les constructeurs de voitures, c'était l'idée de créer des corners de produits dérivés. Voire de s'offrir un show-room sur les Champs Elysées.
En 1992, vous n'aviez pas d'outils informatique. La plupart de ces pin's ont été conçu à la main, sur un table à dessin. Les contraintes étaient fortes : vous partiez sur un support de 1cm². Le texte devait être minimal, afin d'être lisible par votre interlocuteur (NDLA : bonnet d'âne aux associations, avec des pin's du type "le 7 août 1992, journée nationale du [cause] avec le patronage de la Fédération Française de [cause]".)
Certains se contentaient d'un logo. Mais de vrais génies arrivaient à créer un message complexe. Ici, on distingue bien la 205 cabriolet et le court de tennis. Sans oublier le "0" de 205 en balle de tennis. On voit que la voiture possède un teinte spécifique, un intérieur blanc, des vitres (sans doute électriques) et des jantes. Le communiqué de presse de la voiture tient en 1 cm² ! Et en plus, le visuel est assez simple. Oui, c'est du génie.
Des pin's on en a vu beaucoup quand nos sommes allée en URSS au début des années 70. C'étaient évidemment des pin's "politiques" avec des figures connues, des soviets de telle république, des héros (de l'armée, du travail...etc.). Tous de très bonne qualité et, il faut l'avouer, très beaux, bien exécutés. A mon avis (vu le nombre et la diversité), cette mode (?) remontait à au moins de la décénie précédente.
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