La solitude du pigiste devant son fichier Word...

Comme souvent, tout à commencé par un lien vers un article de Turbo. En l'occurrence, une histoire d'enfant Chinois qui aurait saccagé des Audi. L'une des personnes que je follow sur Twitter l'a partagé.

Par curiosité, j'ai cliqué.

Je ne m'attendais pas à un grand moment de journalisme et effectivement, c'est l'archétype de la brève complètement bâclée.

L'auteur n'a même pas pris le temps de convertir les dollars de la source originelle en euros.

Brève au kilomètre
On est dans une période creuse de l'année. Il n'y a plus de présentation. Les services presse des constructeurs sont fermés. L'année est déjà finie. Or, un site internet pro ne peut pas dire : "Désolé, plus de mise à jour jusqu'au 6 janvier !" Alors, il faut meubler.

L'histoire d'Audi faisait parti d'un triptyque de brèves, du même tonneau, rédigées le même jour...

Et encore, dimanche, notre homme a publié cinq brèves pour Turbo...

Et huit pour Auto Plus !

Si ça, ce n'est pas de l'abattage...

L'auteur et moi
L'auteur de tous ces papiers, je le connais bien : on a commencé presque en même temps au Blog Auto.

Le voici en pleine interview :

Le gag, c'est qu'à l'époque, c'était moi qui meublait avec des faits divers chinois et il me rembarrait pour cela...

Comprennez-moi, mon propos n'est pas une attaque contre lui. Et c'est pour cela que j'ai masqué son nom et son visage. Il y a d'autres pigistes comme lui.

Au début du Blog Auto, on se marrait bien. On était avant tout des passionnés de voitures, qui avions la chance d'être (un peu) payé pour évoquer notre passion. Seuls quelques constructeurs nous ouvraient leurs portes. L'occasion d'assister à des évènements étonnants et de prendre le volant de belles voitures. Ah, la SLK 55 AMG...

Avec le succès du Blog, on était de plus en plus souvent demandés. Y compris par les marques généralistes.

Évidemment, à chaque essai, chaque présentation, il fallait rédiger ensuite un article. Pour une SLK 55 AMG, l'article se rédigeait tout seul...

Le jour de la photo ci-dessous, j'étais à une présentation de grande berline qui venait d'être reliftée. Une voiture de généraliste : ligne banale, moteurs dans la moyenne, équipement correct mais sans plus, etc. Un modèle sans gros défaut, mais sans qualité non plus. Et à l'instant de la photo, j'ai réalisé que je n'avais rien à dire sur cette voiture. L'écriture de l'article fut très, très laborieuse...
Et plus ça allait, plus j'avais régulièrement des blancs. Cet ennui se ressentait dans les papiers. J'avais compris que le journalisme auto, ce n'était pas pour moi. Je veux bien essayer un SUV ou une citadine de temps en temps, mais faire ça à longueur d'années, non.

Notre homme, lui, il n'avait aucun problème avec cela. A chaque essai, il arrivait à trouver un angle, à s'enthousiasmer pour des choses pourtant vues et revues ailleurs. En bref, faire plaisir au lecteur.

Lui, il était mûr pour passer pro et vivre uniquement de cela.

Avec l'actualité, c'est pareil. Revenons à l'article du jour. Voici la brève originelle. Pour la petite histoire, elle provient de l'édition de Sina dédiée à l’ethnie Zhuang.

Notre homme a réussi à l'allonger et à faire monter la sauce en lançant un début sur l'éducation des enfants ! Pas mal, pour un truc écrit en cinq minutes. Son talent, ça a toujours été d'arriver à identifier un point à développer et rendre intéressant tout ce qu'il écrit.

Conclusion
Régulièrement, des jeunes me demandent comment on devient journaliste automobile. Ma réponse, ça serait plutôt voulez-vous vraiment devenir journaliste automobile ?

Ce qu'ils s'imaginent, c'est qu'ils vont enchainer les essais de bolides. Effectivement, le journaliste que j'ai évoqué en conduit régulièrement. Voici d'ailleurs la dernière photo de sa page Instagram :

Pour autant, l'essentiel de l'activité de journaliste, c'est de conduire des voitures quelconques et de rédiger des brèves au kilomètre à l'approche des fêtes.

Ça, forcément, c'est moins drôle.

J'en ai connu des aspirants-journalistes qui rendaient leur tablier au bout de quelques mois... Lui, au moins, il s'accroche et il est toujours là, 10 ans après.