Lectures de l'été, suite. Traversons l'Atlantique et remontons en 1949, avec
Hot Rod. Un livre qui vous promet des courses de hot-rod et qui vous annonce "vitesse... danger... MORT !" On comprend pourquoi tous les ados Américains voulurent le lire...
Avant
Aujourd'hui, la littérature est un marqueur social. Toute chaine de TV souhaitant avoir de la profondeur, lance son émission littéraire. Lors d'une intervention publique, un intellectuel se doit de recommander un ouvrage.
Mais on oublie qu'il y a peu, il n'y avait ni TV, ni internet. La lecture était un moyen de tuer le temps. Il existait des livres pour toutes les couches sociales et toutes les tranches d'âge. En France, on parlait de "littérature de hall de gare".
Henry Gregor Felsen ne voulait pas être F. Scott Fitzgerald ou Ernest Hemingway ; il souhtait juste écrire des livres pour ados. Du moins, il essayait de faire cela. Correspondant pour l'US Marines pendant la Seconde Guerre Mondiale, il écrivit ensuite des histoires de commandos, de nageurs de combat, etc. Il tenta aussi d'imposer un personnage, Bertie. Un ado en surpoids, qui devient la coqueluche de son lycée. Mais les trois aventures de Bertie furent des flops. Nous voilà en 1949, Henry Felsen allait être père pour la deuxième fois et l'argent manquait.
La police de Des Moines voulait l'alerter à propos de la surmortalité des jeunes conducteurs. Sachant qu'il écrivait des livres pour ados, la police voulait qu'il en parle d'une manière ou d'une autre... Henry Felsen eu une idée : une histoire d'adolescents casse-cou, qui échappent d'un accident mortel, grâce à la sécurité routière. Ce livre, ce fut Hot Rod, écrit en deux semaines et publié dans la foulée !
Pendant
On est sur du livre pour ados, écrit à un rythme industriel. Donc on ne peut pas en attendre grand chose. Au moins, ce n'est pas un anglais trop compliqué. Même s'il est saupoudré d'argot de djeuns de 1950...
Sur le fond, on a une histoire très morale. Le héros, Bud Crayne, fait acte de repentance et il sera sauvé. Les autres continuent de rouler comme des dingues, alors ils seront punis par la providence. C'est sûr que vu de 2025, les "mauvais garçons" de 1950 semblait bien gentillets... L'illustrateur de la couverture n'avait probablement pas lu le roman. Le rod de Bud est un Ford '32 coupé, pas un roadster. L'héroïne n'est pas blonde, mais brune. Et il n'y a ni course, ni Ford '34 dans le livre !
La forme est assez inégale. On sent que dans la précipitation, Henry Felsen avait perdu le fil des personnages secondaires. Du coup, il a du bricoler pour maintenir la continuité de la narration. L'action se passe à Avondale, un hameau. Mais à cause des erreurs, il se retrouve suffisamment grand pour accueillir un lycée avec une équipe de football américain et une équipe de basket ! Clairement, la scène finale de l'accident de la route devait être trop sanglante pour l'éditeur ; elle fut censurée. Pour compenser, Henry Felsen rédigea un long épilogue, puis un épilogue de l'épilogue. On sent aussi que parfois l'auteur annonce que tel évènement va se produire... Et effectivement, quelques pages plus loin l'évènement se produit ! Néanmoins, Henry Felsen savait maintenir le suspens. Chaque chapitre se termine sur un "à suivre". On a donc envie de connaitre la suite !
C'est surtout un livre à lire pour son aspect historique.
Après
Le message d'Henry Felsen, c'était : "Regardez ces graines de voyoux, qui trafiquent de vieilles voitures et roulent à 160 avec !" Il a disséqué la culture rod, pour mieux la critiquer.
Néanmoins, les lecteurs retinrent surtout que Bud Crayne et les siens passaient un temps fou sur leurs voitures. L'auteur détaillait les nombreuses modifications effectuées. Il y a aussi des scènes où les protagonistes ont des shoots d'adrénaline, alors qu'ils prennent tous les risques. Forcément, cela donnaient envie de construire un hot-rod !
Hot Rod fut un succès en librairie. Henry Felsen dut signer un second bon à tirer en 1950, puis il fut réédité en 1951, 1958 et en 1963 !
Ainsi, il y eu un effet pygmalion. Avant Hot Rod, les hot-rods n'étaient qu'un phénomène limité à Los Angeles. Après, ce fut l'explosion à travers les Etats-Unis. Exactement comme les groupes de bikers après l'Equipée Sauvage.
Hot-Rod Magazine, lancé peu avant, vit ses ventes exploser. Des jeunes gens comme Mickey Thompson ou
"Sonny" Balcaen s'identifièrent à Bud Crayne. En 1951, la NHRA organisa les premières courses professionnelles de dragster. Bientôt, des films à petit budget allaient singer le livre (Running wild, Dragstrip riot, Hot rod girl...)
Henry Felsen n'aimait pas les hot-rods. Mais il était bien content de tenir enfin un succès éditorial. Il écrivit cinq autres histoires de hot-rods, avec des titres comme Road rocket, Crash Club, Fever Heat...
Bien après
Au milieu des années 60, les royalties d'Hot Rod diminuèrent. Henry Felsen devint prof à l'université. En 1977, il décida d'arrêter d'écrire et il parti en voyage jusqu'à son décès en 1995.
Quelques années plus tard, le web émergea. Dans les forums de voitures, on tressait des louanges sur Hot Rod. Il était décrit comme le livre-fondateur de la culture rod. Les plus vieux racontait comme Hot Rod leur avait donné le virus. Les plus jeunes fouillaient les bourses aux livres, espérant y trouver un exemplaire de l'ouvrage.
Holly Gregor Felsen n'y fut pas insensible. Elle y vit un moyen de faire vivre l'héritage de son père. Accessoirement, en tant que prof retraitée, cela pouvait mettre du beurre dans les épinards. En 2010, elle fit rééditer Hot Rod. Puis, en 2014, elle s'associa à Octane Press pour rééditer les six livres consacrés aux hot-rod.
Henry Felsen écrivit hot-rod alors que sa femme était enceinte d'Holly. Cette dernière reconnait qu'elle n'a que très peu de souvenirs de ce livre. Ca ne l'a pas empêchée d'ajouter une postface à Hot-Rod, ni de réaliser une tournée promotionnelle sur le thème "je n'étais pas là, mais j'ai tout vu." Holly Felsen créa également un site web et elle se rapprocha du milieu rod. Hélas, depuis 2017, tout semble en friche.
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