VELOCE COME IL VENTO

Cette chronique de films ayant trait à l'automobile devient une chronique mensuelle ! Un article d'Histo-Auto m'a donné envie de voir Veloce come il vento. Voici donc la chronique de ce film Italien, sorti en 2016. Il évoque une jeune femme pilote de GT et son grand-frère, ex-champion de de rallye à la dérive...
 

Triste Italie... Dire que naguère, c'était la capitale européenne du cinéma. Avec des géants comme Pier Paolo Pasolini, Roberto Rossellini, Luchino Visconti, Federico Fellini ou Bernardo Bertolucci... Une télévision qui refusa de financer le grand écran (contrairement à la France) et un manque de renouvèlement lui furent quasiment fatale.

Aujourd'hui, Nanni Moretti (67 ans) et Roberto Benigni (68 ans) sont bien les derniers à tourner des films distribués hors de la botte.

Le reste de la production transalpine a mauvaise réputation : productions cheap, sujets racoleurs, acteurs nuls... Pas de quoi me rassurer alors que je glissais la galette dans le lecteur...

Celle qui est "rapide comme le vent", c'est Giulia De Martino. A 17 ans, elle se lance en championnat italien de GT, dans l'écurie familiale. Mais à la mort du père, elle doit s'occuper seule de l'écurie, ainsi que de son petit-frère. Voilà qu'en plus, elle a son grand-frère qui débarque. Or, ce dernier a une grande faculté pour se fourrer dans des guêpiers... Avec tout cela, elle n'a pas beaucoup de temps pour vivre une vie d'adolescente normale...

Elle est jouée par Matilda de Angelis (qui aurait un vague lien de parenté avec Elio de Angelis.) L'actrice avait alors 21 ans, mais elle est crédible dans ce personnage qui veut grandir trop vite...

Loris de Angelis, c'est le grand-frère. Ex-rallyman, il est devenu accro au crack et s'est clochardisé. A la mort de son père, il vient squatter la maison familiale. Mais il finit par prendre Giulia sous son aile.

Tour à tour loque humaine et lion en cage, Loris est joué par Stefano Accorsi, une star Italienne.

Nico, c'est le petit-frère. Loris se moque de son éternelle moue triste. En même temps, il a perdu son père et sa mère a disparu des écrans de radar : il a des excuses pour être triste !

Tonino, c'est le fidèle mécano. Il a travaillé pour le père, le grand frère et désormais, il prépare la voiture de la sœur. Plus qu'un employé, c'est devenu un ami de la famille, qui accepte d'être payé tous les 36 du mois.

Le dernier personnage marquant du film, c'est Annarella, la copine de Loris. Camée jusqu'aux yeux en permanence, elle est incapable de se prendre en charge. Et tandis que la relation entre Loris, Giulia et Nico se coagule, elle part en vrille. Elle n'est faite que pour le chaos.

Ce que le réalisateur Matteo Rovere a bien compris, c'est que les De Martino ont la course dans le sang. La maison familiale est pleine de voitures, mais aussi, de trophées et de vieilles photos. Sur chaque plan du film, on voit des voitures !

Veloce come il vento nous emmène également dans l'Emilie-Romagne profonde. Avec son architecture particulière, ses villages, son soleil...

Après, le film est assez inégal.

Il y a des scènes bien scénarisées, bien filmées et bien jouées. Comme l'enterrement du père, avec la haie d'honneur de ses fans, devant le cimetière. Giulia, très religieuse, déposant sa combinaison sous son lit, après chaque course. Tel le prêtre déposant son étole, après la messe. Ou bien Loris, s'improvisant coach et jouant les Mickey Goldmill de supermarché. Car le crack a fini par faire des dégâts sur ses capacités de concentration...


Mais trop souvent, Matteo Rovere tourne des clips cheaps. Tel la "Italian race" (qui donne son titre au film pour les marchés anglo-saxons.) On a même droit au fameux cri de Wilhelm !

Et comment est dépeint le sport auto ? De la même façon, c'est très inégal.

Matteo Rovere a trainé sa caméra à Monza, sur le Mugello et à Imola. On a même droit à des prises de vue réalisées durant un vrai meeting, à Imola. Il filme le briefing, la cohabitation avec différentes disciplines, la concentration des pilotes (qui "écoutent" chaque bruit de leurs voitures), etc.

Bon point : ce sont des scènes avec de vraies voitures. Paolo Andreucci joue les doublures. Sa propre 208 IRC apparait d'ailleurs dans une séquence. L'utilisation des images de synthèse est relativement modérée. 

Et d'autres fois, on a hélas l'impression de regarder un mauvais clone de Michel Vaillant, le film.

La scène du début, lorsque Giulia finit dans le bac à sable, tandis que son père est victime d'un AVC fatal est particulièrement lamentable.
Et puis, il y a le fait que l'équipe de Giulia se limite à Tonino et à Loris. Ce qui n'est guère crédible dans le sport auto professionnel moderne.

Le film souligne qu'il s'inspire d'une histoire vraie.

Originaire du Piémont, Carlo Capone fut une révélation de la coupe A112 Abarth. Il fut intégré à Tre Gazzelle, l'écurie semi-officielle de Lancia, aux côtés d'Henri Toivonen et Markku Alén. Consécration : il remporta le championnat d'Europe 1984 au volant d'une 037 Rally. Mais Lancia choisit de faire "monter" Toivonen en championnat du monde (avec Sergio Cresto, jusqu'ici coéquipier de Capone.)
Capone, personnage taciturne, s'en prit dans la presse à Lancia, aux sponsors, au championnat du monde... Brûlé dans le paddock, le pilote passa une saison 1985 quasi-blanche. Comble de malchance, sa fille, âgé de quelques mois, mourut et sa femme demanda le divorce.
Devenu dépressif, Capone couru ici et là jusqu'à la fin des années 80. Puis il disparu des radars. Après des séjours en hôpital psychiatrique, il est aujourd'hui en maison de retraite.

Notez que Toivonen et Cresta se tuèrent lors du Tour de Corse 1986, avec une Delta S4. Capone a peut-être évité le pire.
Cela rappelle la fortune de Jean-Pierre Jarier. Fin 1973, Ferrari le voulait, mais March refusa de le libérer. La Scuderia embaucha Niki Lauda à la place. Très philosophe, "Godasse de plomb" déclara : "J'aurais pu remporter trois titres (NDLA : en référence à la domination de Ferrari de 1975 à 1977), mais j'aurais aussi pu mourir (NDLA: rapport au grave accident de Lauda en 1976.)"

Antonio Dentini vint voir Matteo Rovere avec une fiction basée sur la vie de Capone.
Le pilote Lancia du Piémont, taciturne et dépressif devint un pilote Peugeot d’Émilie-Romagne, exubérant et drogué. Ce qui fait un certain nombres de différences...

Tonino est inspiré de Dentini.

Capone aurait voulu former un jeune pilote. Il était persuadé que ça l'aura sorti de sa dépression.
D'où le personnage de Giulia. Ils se sont très librement inspirée de Francesca Linossi, jeune pilote Italienne de GT. Francesca Linossi est fille de pilote. Pour l'anecdote, elle ne vient pas non plus d’Émilie-Romagne ; elle est Lombarde. Et bien sûr, elle n'a jamais croisé Capone.
Lors de ses débuts en championnat Italien de GT, c'était un coupe sprint, réservée aux GT3. Mais le temps de débuter le tournage, le championnat s'est mué en championnat d'endurance, avec deux pilotes et présence des GT2. Voilà pourquoi Giulia pilote seule une 911 GT3 et qu'il y a une scène incongrue d'arrêt aux stands, au tout début du film (car il s'agit de prise de vue réelles, à Monza.)

Au final, cela ne fait plus beaucoup de véracité dans ce récit...

A l'arrivée, il est comme At any price : un film sur un sujet original, qui aurait mérité d'être projeté en France.
Le film retranscrit bien la passion avec cette Giulia qui veut utiliser jusqu'à son dernier euro pour courir. Ou ce Loris, avec sa 205 GTI déglinguée, qui se croit toujours au volant de sa 205 Turbo 16...

Après, sur le fond, comme sur la forme, il y a des faiblesses. C'est un film distrayant. Ce qui est surprenant, c'est que la critique italienne est exaltée. Il a même reçu trois prix aux Nastro d'argento (les Césars italiens) ! C'est dire le niveau du reste de la production...

(Capture d'écran de Veloce come il vento.)

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