March Leyton House 881 au 1/43e

J'ai craqué pour cette March Leyton House 881 au 1/43e. Elle est proposée par Panini. Oui, le fabriquant d'albums d'images s'est lancé dans les miniatures avec fascicule...

Après la Red Bull, ça me fait donc deux F1 au 1/43e en un mois, alors que j'en avais acheté zéro ces quinze dernières années !

J'ai cédé car j'adore les March Leyton House et leur livré turquoise. Je leur avais consacré l'un des tous premiers post de ce blog. L'écurie ayant fini 6e du championnat 1988. Il n'y a bien que moi que cela intéresse ! Je n'ai même pas eu besoin d'ouvrir le cahier pour compter son histoire...
Avant internet, votre seule source d'information, c'était les journaux. Or, en France, à chaque Grand Prix, les reportages se limitaient à la rivalité Prost-Senna (avec bien sûr, un parti-pris pour le Français), à Renault et à des encarts pour la demi-douzaine de Français alors en F1.

Les écuries de milieu de grille, comme March Leyton House, n'avaient droit qu'à des miettes. C'est peut-être pour ça, d'ailleurs que je me passionnais pour cette écurie dont on ne parlait presque jamais.

Mauricio Gugelmin connu son quart d'heure de gloire au Grand Prix de France 1989. Le Brésilien se paya la Benetton de Thierry Boutsen et rebondit sur la Ferrari de Nigel Mansell, au départ de la course. Un beau crash, mais sans gravité. De quoi garnir les bêtisiers, comme ce numéro d'août 1993 de l'Automobile Magazine.
Car 9 mois avant Imola, le crashs de F1, cela faisait rire les lecteurs. On pensait que les blessures graves, voire les décès, appartenaient au passé...
En 1969, Max Mosley, Alan Rees, Graham Coaker et Robin Herd créèrent March (dont le nom correspondait à leurs initiales.) L'objectif était de disputer de front F1, F2, F3, Formule Ford et CanAm à l'horizon 1970 ! Mosley, Rees et Coaker étaient trois gentlemen-drivers. Rees, avait même disputé quelques Grand Prix et il connaissait bien la F1. Mosley était avocat (et manager de Jochen Rindt) et Coaker, comptable. Quant à Herd, c'était un ingénieur aéronautique, qui avait intégré McLaren, puis De Tomaso (donc Williams.) Ces quatre second-couteaux trentenaires faisaient bien rire les observateurs. March était surnommé "Most Advertise Racing Car Hoax" (l'intox ayant eu le plus de pub, dans le sport auto.)
Pourtant, en 1970, March construisit effectivement dix châssis de sa 701 de F1 ! Jackie Stewart s'imposa au Grand Prix d'Espagne (pour le compte de Tyrrell), tandis que l'écurie "usine" (aux couleurs de STP) termina 3e. Ronnie Peterson termina vice-champion, en 1971.
Ensuite, la saison 1972 fut loupée, malgré la construction de trois voitures différentes ! Coaker parti dès 1971 et il se tue avec la F2 qu'il reçut pour son "départ en retraite". Alan Rees, qui était le team-manager, parti chez Shadow, avant de cofonder Arrows (dont il fut le "AR".) Mosley, lui, prit du champ pour se consacrer à la F1CA -devenue FOCA-. Restait donc Herd, qui était davantage un ingénieur qu'un patron. Son modèle économique était de commercialiser un maximum de châssis, auprès de privés. Niki Lauda fit ainsi ses débuts avec March, Lella Lombardi marqua un demi-point (le meilleur résultat d'une femme pilote) et Victorio Brambilla remporta un improbable Grand Prix d'Autriche 1975. March créa une F1 à six-roues, la 2-4-0, qui ne couru pas. Puis, en 1978, Herd vendit la structure F1 à Gunther Schmid et son ATS.

Et les autres disciplines ?
Au début des années 70, la plupart des constructeurs (Brabham, Lotus, Matra, mais aussi Tecno) se concentrèrent sur la F1. March eu donc un boulevard. Peterson lui offrit le titre 1971 (tout en finissant 2e de la F1 !) Jean-Pierre Jarier s'imposa en 1973 et Patrick Depailler, en 1974. Puis Elf débarqua avec ses Martini/Renault. La structure devint l'écurie Renault F1 et March retrouva sa domination. BMW en fit son écurie officielle. En parallèle, March vendait des F2 pour les championnats Japonais et Américains.
BMW chargea March de transformer la M1 en Groupe C, en 1981. Sportivement, ce fut un flop. Mais cette M1 servit de base pour toute une série de prototypes. Des deux côtés de l'Atlantique, de riches gentlemen-drivers voulaient faire du proto. Encore un marché lucratifs pour March...
Puis il y eu l'Indycar... En 1980, il y avait énormément de châssis sur la grille. Les Penske dérivaient de la PC4 de F1 (1976.) Il y avait des Eagle et des McLaren. AJ Foyt avait demandé à Bob Riley de lui créer la Coyote et même Jim Hall était retourné à la planche à dessin avec la Chaparral 2J ! La March 81C était inspirée de la 811 de F1, elle-même "inspirée" de la Williams FW07 (voir plus loin.) La 822 fut nettement plus adaptée. Surtout, March proposait une voiture clef-en-main aux indépendants. Tom Sneva s'imposa aux 500 Miles d'Indianapolis 1983. Penske et March s'étaient lancé dans une course à l'armement. Les autres n'avaient pas les moyens (ou l'envie) de suivre et ils se contentèrent d'acheter des châssis aux deux ténors... Puis Penske aussi, se fournit chez March. De 1984 à 1987, seuls une demi-douzaine des 33 voitures des 500 Miles d'Indianapolis n'étaient pas des March !
RAM avait aligné une March privée en F1, en 1977. Puis l'écurie s'offrit deux Williams FW07. En 1980, elle vint voir March pour qu'il lui crée une voiture. Une première depuis 1977. Ca donna la 811, très proche de la FW07. Une voiture loupée. La 821 de 1982 fit à peine mieux. RAM prit en main la structure dédiée et tenta de voler de ses propres ailes. Le fabricant de tabac à rouler "à la tienne" payait les factures. Mais en 1986, le sponsor les lâcha et RAM jetta l'éponge.

En parallèle, March connu des revers. Lola avait bien compris le jeu de March. Comme lui, il voulu envahir les championnats de F2 (devenue F3000), de Groupe C et d'Indycar. En Groupe C, March s'associa à Nissan. La March 88C fut un flop. Surtout, Jaguar, Mercedes-Benz et bientôt, Peugeot débarquaient en Groupe C, marginalisant les privés.
March tenta de se diversifier dans l'ingénierie industrielle, avec Comtec. Comtec acheva la conception de la Panther Solo. Panther était un modeste assembleur, incapable de développer seul une GT. La Solo, arrivée bien trop tard, fut un échec et Comtec n'eu pas d'autres clients. 
En 1986, le Genoa Racing remporta le championnat de F3000 avec Ivan Capelli (et un châssis March.) Cesare Gariboldi, le patron du Genoa Racing, voulu faire de la F1. Akira Akagi débarqua alors. Akagi était un de ces businessman Japonais, arrivé de nul part, typique des années 80. Il avait fait fortune dans le BTP et s'était offert Hugo Boss. Il était surtout sponsor de Kremer en Groupe C. Son groupe s'appelait Leyton House, une déformation de la Leighton House. La maison construite pour le peintre Frederic Leighton (que l'on voit notamment dans le clip Golden Brown, des Stranglers.)

La voiture débuta en 1987, avec un unique châssis à moteur Ford atmo, pour Ivan Capelli. Notez que la voiture était dessinée par un jeune ingénieur, un Anglais que Lola avait envoyé en CART pour s'occuper de la voiture de Mario Andretti, puis de Bobby Rahal. Il n'était pas mécontent de rentrer en Europe. Son nom ? Adrian Newey. L'Italien accrocha une 6e place à Monaco.
Pour 1988, March Leyton House aligna une seconde voiture, pour Mauricio Gugelmin. Le Ford atmo étant dépassé, l'équipe poussa John Judd a développer un moteur de F1. Ancien préparateur de Ford pour Brabham, Judd s'est révélé avec ses blocs de CART et de F3000.
1988 était une saison de transition, la dernière des turbo. McLaren capta le Honda turbo, tandis qu'Alfa Romeo abandonna la F1 du jour au lendemain. Williams et Ligier (ex-futurs clients respectifs de Honda et Alfa Romeo) se retrouvèrent sans moteur et ils se tournèrent vers Judd. BMW aussi, claqua la porte et Arrows du faire avec des blocs dégriffés, les Megatron. Cela fit autant d'équipes en roues libres, en attendant 1989.
Un châssis bien-né et des concurrents en plein désarroi, voilà le cocktail qui permit à March Leyton House de finir 6e du championnat. Capelli accrocha même deux podiums (Belgique et Portugal.) Et au passage, Newey gagna ses galons de génie de la planche à dessin...
En 1989, Gugelmin commença la saison par un podium, à domicile, au Brésil. Puis plus rien. La donne avait changé. Williams s'était trouvé un moteur (et quel moteur...) Le V8 Ford DFV avait lui trouvé une deuxième jeunesse. Du pain béni pour Tyrrell, Arrows et Benetton. Autant d'écuries qui s’intercalèrent entre March et les points.
Qu'à cela ne tienne, Akagi racheta l'ensemble des activités de March ! Pour Herd, cela tombait bien. En F3000, March avait de plus en plus de mal à convaincre des clients et l'arrivée de Reynard était un coup de grâce. Quant à l'Indycar, Penske avait repris la fabrication de châssis et Lola était le nouveau mètre-étalon. March ne survivait plus que grâce à des programmes autour d'Alfa Romeo et de Porsche (qui firent tous les deux long feu.)
En 1990, ce fut à Capelli d'obtenir le podium annuel, sur le Paul Ricard. Newey recruté par Williams, il fut remplacé par Gustav Brunner. Brunner était l'auteur de l'ATS D6 de 1983, la première F1 vraiment conçue en fonction des possibilités du châssis carbone. Ironie de l'histoire, il passa ensuite chez RAM. Soit deux équipes fondées à partir de March F1 et le voici dans un troisième avatar ! La voiture s'appelait Leyton House CG901 (CG comme Cesare Gariboldi.) Le nom de March avait disparu.

En 1991, Capelli du se contenter d'un unique point. L'action, elle se passa loin des circuits...
Le Japon avait connu une bulle immobilière. Les terrains autour de Tokyo connaissaient un doublement annuel de leur valeur. De plus, les occidentaux investissaient les yeux fermés au Japon. Cela faisait autant d'occasions pour les investisseurs peu scrupuleux.
En 1991, la bulle spéculative éclata. Les faillites s'accompagnèrent de scandales : sociétés bidons, blanchiment d'argent des yakuza, corruptions de politiciens, participation croisées entre entreprises pour gonfler la capitalisation, filiales crées pour absorber les dettes... Et plus généralement, des liens incestueux dans les milieux politico-économiques de l'archipel. Le ministre est le beau-frère du PDG et le banquier, son cousin... Ça faisait tâche, par rapport à l'image d'un Japon propre sur lui, où le code d'honneur faisait figure d'évangile...
Akagi a été gourmand. Très gourmand. Trop gourmand. Et trop seul aussi. Un self-made-man, ça ne passe pas dans un pays de culture confucéenne. Akagi et quelques autres ambitieux ont été vite interpellés. Certains diront qu'il a payé pour les autres, mieux protégés.

Privé d'Akagi, Leyton House était comme un poulet sans tête. Capelli s'enfuit chez Ferrari et Gugelmin, chez Jordan. Plusieurs cadres -dont Brunner- se sont associés pour reprendre l'écurie. Herd fut rappelé et il donna son accord pour que l'écurie redevienne March. Ca sentait la galère. Paul Belmondo était bien le seul à vouloir s'embarquer dans cette galère. L'occasion pour le Français de débuter en F1. A ses côtés, Karl Wendliger, dont Mercedes-Benz payait les émoluments.
La CG911 de 1991 servit pour un deuxième service. Alors que Belmondo avait du mal à se qualifier, Wendliger était plus véloce. Il réussit une 4e place inespérée au Canada, avec une voiture aux couleurs d'un restaurant de Montréal ! Mercedes-Benz eu ensuite besoin de lui pour développer la Sauber de 1993. Emmanuele Naspetti prit sa suite. Puis l'improbable Jan Lammers remplaça Belmondo. A 36 ans et après dix années loin de la F1, le Néerlandais pensait débuter une nouvelle carrière !
Quelques mois plus tard, pour l'ouverture de la saison, Lammers débarqua à Kyalami. Cette fois, c'était avec Jean-Marc Gounon. Il y trouvèrent une March CG911, sans moteur. L'écurie n'avait pas les moyens de s'offrir les Ilmor qu'elle convoitait. Ce fut la fin de l'histoire March. Jordan racheta l'usine. Herd tenta plus tard de monter une écurie d'Indycar.
La F1 des années 85-95 était assez folle. Les écuries apparaissaient et disparaissaient. Les écuries de F3000, voire de F3, rêvaient toutes de l'élite. Seule Jordan réussit à s'implanter durablement en F1. En 1995, le regretté Jean-Claude Driot avait tenté lui aussi sa chance. Adrian Reynard (le prédécesseur de Brunner chez RAM !) lui construisit une DAMS F1. Lammers la pilota. Malgré le revers de 1993, il espérait encore un come back !
Des aventures comme DAMS, il y en eu d'autres... Outre les Japonais, les Italiens étaient des as de la double-comptabilité. Sponsoriser une équipe de F1, c'était aussi un moyen de donner une légitimité à une société de blanchiment d'argent. L'opération Mani pulite de 1992 éclaboussa la F1. Comme de par hasard, dans les années qui suivirent écuries et pilotes transalpins s'évaporèrent de la grille... Même Minol, le pétrolier d'ex-RDA qui déclencha l'affaire Elf, a été sponsor en F1 !
Tout ça, la F1 ne voulait plus en entendre parler. Bernie Ecclestone rêvait de faire coter en bourse la F1. Mosley, lui, rêvait de députation européenne. Il fallait se donner une apparence plus digne. Exit les hommes d'affaires louche ; place aux constructeurs. Les accords Concorde de 1996 limitaient le plateau à douze franchises.

La bourse n'a pas voulu de la F1 et la politique n'a pas voulu de Mosley (car fils d'un proche d'Hitler.) Les constructeurs sont venus, puis repartis. Alors la F1 a rouvert ses portes aux petites écuries. Ca donna Caterham, HRT et Manor, puis Haas.
Il reste deux franchises de libre. Liberty, le nouveau gestionnaire, jure qu'il a "plein" de candidats. Or, les écuries de formule de promotion ont trouvé d'autres moyens de subsistance. ART Grand Prix, Arden, Carlin, Charouz ou PREMA sont présentes aux différents étages : F4, F3 et F2. Elles savent qu'elles ont tout à perdre à tenter l'aventure de la F1. Au mieux, leurs patrons, comme Christian Horner (Arden) et Frédéric Vasseur (ART Grand Prix) se font embaucher par une écurie de F1. Quant aux anciens pilotes, ils préfèrent rester chez eux à faire des affaires. Ou bien pousser leur fiston dans un baquet. Alain Prost, les Stewart père et fils ou Niki Lauda se sont brûlés les ailes à jouer les patrons. Fernando Alonso est arrivé avec tambours et trompettes en Formule Renault. Or, l'ex-double-champion n'aime pas s'impliquer dans le day-to-day. Sauf erreur, il n'a assisté qu'au premier meeting du "FA Racing". Quant à l'imaginer à la tête d'une équipe de F1...

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