Hors-série Rétroviseur De rouille et d'or

Au moment où j'avais chroniqué 100 Collectors des années 50, je m'étais étonné du nombre de hors-série publié par LVA en 2019 (six.) Et j'avais dit, sur le ton de l'ironie, qu'après tout, La Vie de l'Auto avait encore le temps d'émettre un septième hors-série...

Voici donc De rouille et d'or, le troisième hors-série de Rétroviseur. Le vénérable magazine aura donc publié autant de hors-série en 2019 que sur l'ensemble des années 90... Le groupe LVA est visiblement au bout du rouleau et c'est attristant.

Et c'est dommage, car avec De rouille et d'or, le magazine démontre qu'il sait écrire du contenu original, avec des articles fouillés. En l'occurrence, on nous plonge dans le monde des épaves.
Première étape : la collection Dovaz. Michel Dovaz était un négociant en vins. Dès les années 50, il a commencé à racheter des grosses cylindrées des années 30 (notamment des Bugatti) et les utiliser au quotidien. On trouvait alors de belles voitures pour une bouchée de pain. Au bout d'un certain temps, la voiture ne tournait plus et les pièces étaient introuvables. Parfois, Dovaz les ferraillait et parfois, il les gardait dans un coin.
Au tournant des années 80, un proche persuade Dovaz de laisser photographier sa "collection". Les photos furent publiées dans Géo. Un autre l'a convaincu de mettre quelques épaves dans un "musée de l'épave", construit pour l'occasion, à Sarlat. Puis le musée fit faillite. Dovaz aussi, connu quelques revers et il perdit ses voitures.

Curieusement, en guise de préambule, Rétroviseur nous explique qu'ils n'avaient pas les moyens de s'offrir les photos de Géo. L'article est illustré par des images du défunt musée de Sarlat. Une drôle de précision, qui dessert le magazine.
En bonus, une interview de Michel Dovaz, 91 ans. Il est l'un des derniers témoins d'une époque où il n'y avait pas encore de milieu de l'ancienne. Où l'on envoyait à la casse sans scrupule. Pas de spéculation, non plus.
Et puis, il y a sa gouaille... Le nonagénaire tire à vue sur tout le monde ! On a perdu l'habitude de lire des interviews comme cela...

Rien que pour cela, achetez ce hors-série !
Ensuite, on passe à la collection Baillon. L'occasion de découvrir l'écart entre le story-telling d'ArtCurial, en 2015 et la réalité...

En gros, ArtCurial expliquait que Roger Baillon, un ancien patron d'une entreprise de transport, avait laissé derrière lui une collection de voitures. Ses héritiers avaient ainsi découvert une centaine d'anciennes, dans divers états. Une histoire digne de Robert Louis Stevenson !

En fait, Roger Baillon et son fils Jacques projetaient d'ouvrir un musée. Les voitures étaient entreposées provisoirement dans des hangars. Mais dans les années 70, le projet de musée capota et la société de transport fit naufrage. Pour payer leurs dettes, les Baillon vendirent un premier lot, puis un second dans les années 80. La collection Baillon était donc connu. Avec ces ventes, la famille pu payer certains créanciers, elle joua la montre avec les autres. Jacques Baillon mourut en 1996. Ce ne sont pas ses enfants, mais ses petits-enfants, qui, suite à la mort de Jacques, voulurent disperser la collection.
On passe ensuite à Gérard Gombert. Encore une vente eux enchères qui avait fait sensation. Ancien pilote moto, "la Gombe" s'était installé dans le sud-ouest où il faisait la fête avec les stars. Il récupéra nombre de voitures de ses amis et sa propriété devint une casse. Avec l'age, les amis et les fêtes se sont raréfiées. Gombert finit seul, dans un hôpital psychiatrique.
Faute d'héritiers, ses voitures furent vendues aux enchères. Morceaux de choix : deux Alpine A210 (dont une qu'il utilisa au quotidien !), une Lamborghini Miura ex-Christophe (à moitié enterrée) et une AC ACE transformée en Cobra pour Françoise Sagan !
On passe ensuite à des collectionneurs d'épaves. Dean Lewis, un ancien casseur US, a décidé il y a une douzaine d'années de transformer sa casse en attraction touristique. Il a ainsi mis en scène les carcasses dépouillées. Bienvenue chez un de ces excentriques typiquement ricains...
Michael Fröhlich est un peu le cousin Allemand de Dean Lewis. Pour ses 50 ans, en 2000, il a réuni 50 voitures produites en 1950. Il a fait un peu de mise en scène, avec une portion du Nürburgring, où il a posé une Jaguar XK120 et une Porsche 356 dessus et un vrai-faux mur de Berlin. Il laisse le temps faire son œuvre, avec la rouille et la végétation qui s'invitent sur les carrosseries...

Comme Lewis, la collection de Fröhlich est ouverte au public. Sur les réseaux sociaux, on voit régulièrement des photos prises là.
Et pour finir, une essai d'une Citroën Traction Avant 7C, que le propriétaire a maquillé en épave.

Attendez, ça me rappelle quelque chose...
Oui, elle était dans le hors-série Traction Avant, publié en mai dernier ! Rétroviseur aurait pu employer d'autres photos prises ce jour-là, changer l'angle du papier, etc. Non, c'est juste un Ctrl+C/Ctrl+V. On se croirait chez Patrice de Bruyne !

1) C'est d'un amateurisme crasse. On a l'impression qu'ils ont ressorti cet essai, histoire d'atteindre un quota de pages. Et qu'ils l'ont fait au dernier moment.
2) Pour un magazine qui tente de reconquérir son lectorat, ça la fiche mal.
3) Ils ont fait ça en toute fin d'ouvrage, donc c'est la dernière impression que l'on garde d'un hors-série, qui était pourtant jusqu'ici assez inédit.

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