Dealerships : que s'est-il passé ?
Un garage Volkswagen abandonné, ce n'est pas banal ! Parmi tous les anciens concessionnaire que j'ai croisé, ce n'est que le deuxième cas. Volkswagen est a priori le premier de la classe des généralistes Européens. Certes, la marque Volkswagen n'a plus l'éclat d’antan. Néanmoins, avec des marques fortes comme Škoda, Audi et dans une moindre mesure, Porsche, c'est la bousculade en concession ! Alors pourquoi est-ce qu'un point fermerait ?
Il est installé en face de la gare SNCF de Nangis, ce qui élimine l'enclavement. Il n'a pas été réaffecté, donc pas de problème de foncier. Notez aussi, sur le côté, la partie vitrée (le coin muré semble avoir été également vitré.) Donc un vaste show-room lumineux, de quoi faire plaisir au concédant. En résumé, aucune cause évidente de fermeture.
Le plus étonnant, c'est qu'il semble être très, très ancien. Dès les années 80, Volkswagen proposait un aménagement extérieur standardisé. Il est donc antérieur à cela. L'explication, c'est peut-être le flottement qu'a connu Volkswagen à la fin des années 70.
Le tout-Cox
Dans les années 50, la demande en Cox ressemblait au tonneau des Danaïdes ! En 1950, Wolfsburg se dota d'une seconde ligne pour produire des Combi.
En 1956, face à la submersion de bons de commandes, Volkswagen transféra le Combi dans une usine construite ad hoc, à Hanovre. La Cox récupérait ainsi une ligne d'assemblage supplémentaire... Puis elle envahit Hanovre.
En 1964, le constructeur ouvrit cette fois une usine à Emden. Elle fabriquait exclusivement des Cox dédiées à l'export.
Toujours en 1964, Volkswagen rachetait Auto-Union à Mercedes-Benz. Le site d'Ingolstadt produisit à son tour des Cox. L'acheteur s'intéressait presque exclusivement à ses moyens de production. L'Audi 100 (1968) fut la voiture de la dernière chance : sans elle, Ingolstadt serait devenue une simple usine Volkswagen. Cette berline fut un succès et Volkswagen consentit à se doter d'une seconde marque.
Enfin, Volkswagen s'offrit NSU. Le petit constructeur s'était ruiné avec la Ro80. Et bien sûr, Neckarsulm se mit à assembler des Cox.
Cela nous faisait donc cinq sites où étaient produites des Coccinelle. Rien qu'en Allemagne. Car Volkswagen avait également bâti des sites d'assemblage un peu partout, du Brésil au Nigéria, en passant par l'Irlande et l'Australie !
La poule aux œufs d'or
L'insecte, c'était a priori un rêve de constructeur. Conçue dans les années 30, elle n'avait reçu qu'un développement minimal depuis. Elle était vendue à un prix plancher, mais grâce à des volumes astronomiques, l'outil industriel était vite amorti. Et pour les pubs, Volkswagen avait opté pour un style minimaliste et décalé, qui s’avérait efficace... Et bon marché.
Dans l'immédiat après-guerre, son succès était logique, vu qu'elle était l'unique offre cohérente et abordable, en RFA. Néanmoins, alors que les restrictions avaient disparues, elle continuait d'être N°1 des ventes. Elle cartonnait également à l'export, malgré la présence de concurrentes.
Volkswagen pouvait même s'offrir le luxe d'un président incompétent. A savoir Kurt Lotz, quasiment nommé par le chancelier Kurt Georg Kiesinger, en 1968. Lotz envoya au placard le projet de citadine EA276, conçue par Porsche.
Le colosse aux pieds d'argile
Le seul cas similaire, c'était la Ford T. Comme la "tin lizzie", la Coccinelle approchait le million d'unités produite chaque année.
Comme Ford, Volkswagen faisait de la monoculture. Certes, il produisait d'autres modèles. Pour autant, les Combi, Karmann-Ghia, Type 3 et 181 ne contribuaient qu'à une part marginale du chiffre d'affaires.
Et comme Ford, Volkswagen fut victime du désamour soudain de son best-seller.
Alarm!
En 1971, les ventes plafonnèrent. Lotz, plus en odeur de sainteté politiquement, fut remplacé par Rudolf Leiding.
Leiding avait compris que l'ère de la Coccinelle était terminé. Il fallait prendre un virage à 90°. Le lancement de l'EA266, une citadine à moteur à porte-à-faux, fut avorté... Alors que la presse avait assisté à une présentation mondiale, où elle avait pu en prendre le volant !
Contrairement aux Anglais, Leiding pensait que l'avenir, c'était la traction et les moteurs refroidis par eau. NSU en avait justement étudié toute une gamme. La NSU K70 fut ainsi produite sous le nom de Volkswagen K70. Avec ses lignes carrées, la K70 était l'antithèse de la Coccinelle. Mais c'était la nouvelle voie.
Le projet EA337 (commandité par Lotz) connu un développement à un train de sénateur. Il abouti sur la Volkswagen Golf (1974.)
Ferdinand Piëch fut embauché pour revitaliser l'ex-bureau d'études de NSU. L'Audi 50 (1974) dérivait très probablement d'un projet NSU. Dans la foulée, elle eu une version badgée Volkswagen, la Polo...
De pire en pire
Leiding tablait sur une courbe des ventes de la Coccinelle en faux-plat. La montée en cadence des Golf et Polo allait donc pouvoir compenser.
En pratique, dès 1972, ce fut le plongeon. La crise du pétrole n'arrangea rien, bien au contraire.
En bonne voiture de conception ancienne, le katrapla de la Coccinelle avait un rendement très faible. La solution trouvée fut d'augmenter la cylindrée. Ainsi, avec son 1,6l, la 1303 affichait 60ch. De plus, de par sa conception antédiluvienne, le katrapla était vorace. La montée en cylindrée aggrava le phénomène et la 1303 d'afficher 10l aux 100km !
Autant dire qu'en ces temps de restriction de carburants (à court terme) et de craintes sur l'approvisionnement en pétrole (à moyen, long terme), la Coccinelle était volontiers boudée.
Les invendus s'accumulaient. Les cinq sites de Volkswagen se retrouvaient sur la sellette, avec des centaines de milliers d'emplois à la clef. Leiding fut remercié, au profit de Toni Schmücker.
L'après-Coccinelle
Schmücker arrêta et reconverti une à une les chaines de montage des Coccinelle. Ingolstadt fut bien sûr affecté à la seule marque Audi. Neckarsulm faillit être fermé. Il rebondit avec la production des Porsche 924, puis 944. Emden devint l'usine de la Passat. Hanovre devint un site Volkswagen utilitaires, le LT venant appuyer le Combi.
Le 19 janvier 1977, la dernière Coccinelle sorti de Wolfsburg, après 15 733 600 unités. L'usine Karmann d'Osnabrück produisit encore des Cox cabriolet. Volkswagen France ne croyait pas en la mort de la Coccinelle. Les voitures des millésimes 1978 et 1979 provenaient du Mexique. Apparemment, ce fut un flop et VW France jeta l'éponge.
Schmücker avait su arrêter l’hémorragie. Volkswagen ne connu pas un destin à la British Leyland. Il est vrai que la RFA n'était pas le Grande-Bretagne ; il fallait sauver à tout prix ce gros pourvoyeur d'emploi. Les Lander et les banques furent mis à contribution.
De plus, la RFA sortait du scandale aboutissant à la démission de Willy Brandt ; le pays était déstabilisé. Il ne fallait pas y ajouter une crise sociale. La grève des ex-NSU de Neckarsulm avait fait suffisamment de bruit, pour qu'Helmut Schmidt décide de lâcher un maximum de lest, afin d'éviter une grève générale de VW.
Néanmoins, Schmücker manquait d'ambition. En 1981, il céda sa place à Carl Hahn, l'homme qui donna une dimension mondiale au groupe Volkswagen. Pour saisir cette crise, il faut voir que d'Heinrich Nordoff à Ferdinand Pïech, Volkswagen AG connu six patrons en plus de cinquante ans, dont trois sur quinze ans ! Il faut d'ailleurs noter que depuis 2003, entre le flop Bernd Pischetsrieder et le dieselgate, le groupe a connu quatre patrons en seize ans...
Il est installé en face de la gare SNCF de Nangis, ce qui élimine l'enclavement. Il n'a pas été réaffecté, donc pas de problème de foncier. Notez aussi, sur le côté, la partie vitrée (le coin muré semble avoir été également vitré.) Donc un vaste show-room lumineux, de quoi faire plaisir au concédant. En résumé, aucune cause évidente de fermeture.
Le plus étonnant, c'est qu'il semble être très, très ancien. Dès les années 80, Volkswagen proposait un aménagement extérieur standardisé. Il est donc antérieur à cela. L'explication, c'est peut-être le flottement qu'a connu Volkswagen à la fin des années 70.
Le tout-Cox
Dans les années 50, la demande en Cox ressemblait au tonneau des Danaïdes ! En 1950, Wolfsburg se dota d'une seconde ligne pour produire des Combi.
En 1956, face à la submersion de bons de commandes, Volkswagen transféra le Combi dans une usine construite ad hoc, à Hanovre. La Cox récupérait ainsi une ligne d'assemblage supplémentaire... Puis elle envahit Hanovre.
En 1964, le constructeur ouvrit cette fois une usine à Emden. Elle fabriquait exclusivement des Cox dédiées à l'export.
Toujours en 1964, Volkswagen rachetait Auto-Union à Mercedes-Benz. Le site d'Ingolstadt produisit à son tour des Cox. L'acheteur s'intéressait presque exclusivement à ses moyens de production. L'Audi 100 (1968) fut la voiture de la dernière chance : sans elle, Ingolstadt serait devenue une simple usine Volkswagen. Cette berline fut un succès et Volkswagen consentit à se doter d'une seconde marque.
Enfin, Volkswagen s'offrit NSU. Le petit constructeur s'était ruiné avec la Ro80. Et bien sûr, Neckarsulm se mit à assembler des Cox.
Cela nous faisait donc cinq sites où étaient produites des Coccinelle. Rien qu'en Allemagne. Car Volkswagen avait également bâti des sites d'assemblage un peu partout, du Brésil au Nigéria, en passant par l'Irlande et l'Australie !
La poule aux œufs d'or
L'insecte, c'était a priori un rêve de constructeur. Conçue dans les années 30, elle n'avait reçu qu'un développement minimal depuis. Elle était vendue à un prix plancher, mais grâce à des volumes astronomiques, l'outil industriel était vite amorti. Et pour les pubs, Volkswagen avait opté pour un style minimaliste et décalé, qui s’avérait efficace... Et bon marché.
Dans l'immédiat après-guerre, son succès était logique, vu qu'elle était l'unique offre cohérente et abordable, en RFA. Néanmoins, alors que les restrictions avaient disparues, elle continuait d'être N°1 des ventes. Elle cartonnait également à l'export, malgré la présence de concurrentes.
Volkswagen pouvait même s'offrir le luxe d'un président incompétent. A savoir Kurt Lotz, quasiment nommé par le chancelier Kurt Georg Kiesinger, en 1968. Lotz envoya au placard le projet de citadine EA276, conçue par Porsche.
Le colosse aux pieds d'argile
Le seul cas similaire, c'était la Ford T. Comme la "tin lizzie", la Coccinelle approchait le million d'unités produite chaque année.
Comme Ford, Volkswagen faisait de la monoculture. Certes, il produisait d'autres modèles. Pour autant, les Combi, Karmann-Ghia, Type 3 et 181 ne contribuaient qu'à une part marginale du chiffre d'affaires.
Et comme Ford, Volkswagen fut victime du désamour soudain de son best-seller.
Alarm!
En 1971, les ventes plafonnèrent. Lotz, plus en odeur de sainteté politiquement, fut remplacé par Rudolf Leiding.
Leiding avait compris que l'ère de la Coccinelle était terminé. Il fallait prendre un virage à 90°. Le lancement de l'EA266, une citadine à moteur à porte-à-faux, fut avorté... Alors que la presse avait assisté à une présentation mondiale, où elle avait pu en prendre le volant !
Contrairement aux Anglais, Leiding pensait que l'avenir, c'était la traction et les moteurs refroidis par eau. NSU en avait justement étudié toute une gamme. La NSU K70 fut ainsi produite sous le nom de Volkswagen K70. Avec ses lignes carrées, la K70 était l'antithèse de la Coccinelle. Mais c'était la nouvelle voie.
Le projet EA337 (commandité par Lotz) connu un développement à un train de sénateur. Il abouti sur la Volkswagen Golf (1974.)
Ferdinand Piëch fut embauché pour revitaliser l'ex-bureau d'études de NSU. L'Audi 50 (1974) dérivait très probablement d'un projet NSU. Dans la foulée, elle eu une version badgée Volkswagen, la Polo...
De pire en pire
Leiding tablait sur une courbe des ventes de la Coccinelle en faux-plat. La montée en cadence des Golf et Polo allait donc pouvoir compenser.
En pratique, dès 1972, ce fut le plongeon. La crise du pétrole n'arrangea rien, bien au contraire.
En bonne voiture de conception ancienne, le katrapla de la Coccinelle avait un rendement très faible. La solution trouvée fut d'augmenter la cylindrée. Ainsi, avec son 1,6l, la 1303 affichait 60ch. De plus, de par sa conception antédiluvienne, le katrapla était vorace. La montée en cylindrée aggrava le phénomène et la 1303 d'afficher 10l aux 100km !
Autant dire qu'en ces temps de restriction de carburants (à court terme) et de craintes sur l'approvisionnement en pétrole (à moyen, long terme), la Coccinelle était volontiers boudée.
Les invendus s'accumulaient. Les cinq sites de Volkswagen se retrouvaient sur la sellette, avec des centaines de milliers d'emplois à la clef. Leiding fut remercié, au profit de Toni Schmücker.
L'après-Coccinelle
Schmücker arrêta et reconverti une à une les chaines de montage des Coccinelle. Ingolstadt fut bien sûr affecté à la seule marque Audi. Neckarsulm faillit être fermé. Il rebondit avec la production des Porsche 924, puis 944. Emden devint l'usine de la Passat. Hanovre devint un site Volkswagen utilitaires, le LT venant appuyer le Combi.
Le 19 janvier 1977, la dernière Coccinelle sorti de Wolfsburg, après 15 733 600 unités. L'usine Karmann d'Osnabrück produisit encore des Cox cabriolet. Volkswagen France ne croyait pas en la mort de la Coccinelle. Les voitures des millésimes 1978 et 1979 provenaient du Mexique. Apparemment, ce fut un flop et VW France jeta l'éponge.
Schmücker avait su arrêter l’hémorragie. Volkswagen ne connu pas un destin à la British Leyland. Il est vrai que la RFA n'était pas le Grande-Bretagne ; il fallait sauver à tout prix ce gros pourvoyeur d'emploi. Les Lander et les banques furent mis à contribution.
De plus, la RFA sortait du scandale aboutissant à la démission de Willy Brandt ; le pays était déstabilisé. Il ne fallait pas y ajouter une crise sociale. La grève des ex-NSU de Neckarsulm avait fait suffisamment de bruit, pour qu'Helmut Schmidt décide de lâcher un maximum de lest, afin d'éviter une grève générale de VW.
Néanmoins, Schmücker manquait d'ambition. En 1981, il céda sa place à Carl Hahn, l'homme qui donna une dimension mondiale au groupe Volkswagen. Pour saisir cette crise, il faut voir que d'Heinrich Nordoff à Ferdinand Pïech, Volkswagen AG connu six patrons en plus de cinquante ans, dont trois sur quinze ans ! Il faut d'ailleurs noter que depuis 2003, entre le flop Bernd Pischetsrieder et le dieselgate, le groupe a connu quatre patrons en seize ans...
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