Réfugiée de la République Espagnole
Les anciennes étant bannies des rues de Paris, c'est dans les parkings souterrains qu'on les déniche.
C'est en cherchant une place que je vis cette voiture blanche : "Oh, une Fiat 600 ! C'est plutôt rare... Cela méritera une photo pour mon compte Instagram !" Mais lorsque je m'approchais, je vis que c'était non pas une Fiat 600, mais une Seat 600.
Il faut savoir qu'il y en a très peu de ce côté-ci des Pyrénées. La 600 fut produite jusqu'en 1973, mais Seat France ne vit le jour que 4 ans plus tard (avec la 1430 Sport.)
Je m'étais promis de ne plus faire de post "spotting". Néanmoins, là, je suis obligé de faire une exception pour l'exceptionnel.
Au collège, on n'apprend pas grand chose sur l'Espagne. 1er avril 1939, Franco proclamait la fin de la guerre d'Espagne et la victoire sur les Républicains. Le 20 novembre 1975, Franco mourrait et l'Espagne d'entrer dans une transition vers la démocratie. Aucun mot ce qu'il s'est passé durant cet intervalle de 36 années.
Pour ma génération, à l'école, l'Europe s'arrêtait au Lande de Hesse. Au-delà, c'était le glacis Soviétique, où les mentalités restaient bloquées sur 1945.
Pour la génération précédente, il y avait une autre frontière. Au sud Saint-Jean-de-Luz, c'était les derniers régimes fascistes Européens, héritages des années 30. L'Europe ne comptait alors que six états-membres : la France, la RFA, l'Italie et le Benelux.
L'occident avait un rapport ambigu avec Franco et Salazar. On pourrait résumer ce lien au mot de Franklin D. Roosvelt sur Somoza : "C'est un fils de pute, mais c'est notre fils de pute." (NDLA : sous-entendu, il n'est pas communiste.)
Franco avait réprimé sauvagement les Républicains et cela continua bien après 1939. Deux mois avant sa mort, il fit exécuter des membres d'ETA. En 1945, l'Espagne Franquiste accueilli à bras ouverts collaborateurs et nazis, tel Degrelle, le responsable Belge de la SS ou Pavelić, sanglant dictateur Croate pro-nazi. Ce fut plus tard également la base arrière du Milieu Français, puis une plaque tournante du trafic de drogue. Néanmoins, face à la menace communiste, l'occident choisi une relative complaisance.
Dès 1940, les franquistes songèrent à une marque espagnole. Un consortium d'industriel privés et de banques fondèrent la Sociedad Ibérica de Automóviles de Turismo (SIAT.) Il leur manquait un acteur ayant l'expérience de la construction automobile. 10 ans plus tard, Fiat les rejoignait. Le constructeur Italien avait eu une usine d'assemblage à Guadalajara. Mais Fiat Hispania fut un dommage collatéral de la guerre civile. Ainsi naquit la Sociedad Española de Automóviles de Turismo (Seat.) Elle fut installée dans la zone franche de Barcelone.
Vittorio Valletta, alors patron de Fiat, avait eu des sympathie pour Mussolini. Ce qui lui valu une brève mise à l'écart, en 1945. Mais c'était surtout un patron cynique, livrant des usines clef-en-main à tout le monde. Comme la Yougoslavie de Tito (Zastava), mais aussi avec le Turc Cevdet Sunay (Tofaş), l'Indienne Indira Ghandi (Premier) ou la Corée du Sud de Park Chung-hee (Kia.)
Les premières Seat étaient des Fiat à peine rebadgées, à savoir la 1400. En 1957, Seat lança la 600, dans le but de motoriser l'Espagne. C'était El Milagro español, un développement économique confié à des proches du Caudillo.
Depuis 1946, l'Espagne était boycottée par la communauté internationale. Un boycott vidé de sa substance au fil des ans. L'isolement diplomatique fit long feu, pas l'isolement économique. Mais puisque les Européens boycottaient les produits Espagnols, l'Espagne allait surtaxer les importations.
Dans l'automobile, face à l'émergence de Seat, les autres constructeurs Européens réagirent avec des usines locales. Dès 1951, Renault avait posé un pied dans le pays avec FASA. En 1954, DKW s'associa à IMOSA pour produire des utilitaires. Puis ce fut l’accélération avec Authi (Austin), Santana (Land Rover), Viasa (Jeep), Barreiros (Dodge), etc. A la mort du dictateur, le parc automobile espagnol avait été décuplé.
Ce qui était intéressant, c'est que l'automobile espagnole développa son propre écosystème, avec des véhicules spécifiques, comme la Renault 7. Certains modèles survécurent bien après les originales, comme les Alpine A110 de FASA ou les Talbot Solara locales...
La 600 était identique à sa cousine Turinoise (et à la Zastava 600.) Dès 1963, Seat développa un modèle inédit : la 800, une 600 rallongée et quatre portes. Elle montrait déjà sa volonté d'indépendance. En parallèle, Seat exportait ses véhicules dans les pays où Fiat était peu, voire pas présent. La 1200 Sport de 1976 (alias "Bocanegra") fut la première Seat à la carrosserie spécifique. C'est pour cela qu'elle pu être exporté en France.
A la même époque, l'Espagne tournait la page du franquisme. Le pays s'ouvrit vers la Communauté Européenne et elle réforma ses entreprises plus ou moins étatiques. Les constructeurs Européens en profitèrent pour racheter leurs associés Ibères et bientôt, ces marques rentrèrent dans le rang. Seat, lui, connu des relations compliquées avec Fiat. Le divorce fut prononcé au milieu des années 80, avec le rachat -d'abord partiel- par Volkswagen.
Intéressant article comme toujours.
RépondreSupprimerJ'ai du mal avec certains éléments de chronologie par contre : « Vittorio Valletta, alors patron de Fiat, avait eu des sympathie pour Mussolini. Ce qui lui valu une brève mise à l'écart, en 1945. Mais c'était surtout un patron cynique, livrant des usines clef-en-main à tout le monde. Comme la Yougoslavie de Tito (Zastava), mais aussi avec le Turc Cevdet Sunay (Tofaş), l'Indienne Indira Ghandi (Premier), la Corée du Sud de Park Chung-hee (Kia) et la Pologne de Todor Zhivkov (FSO/FSM.) »
Polski Fiat a été crée en 1920. Rien à voir donc avec la Pologne sous le diktat de Moscou. La Fiat Polski 508, première grande série, remonte à 1932.
Par ailleurs, Todor Zhivkov est Bulgare.
Effectivement. J'ai corrigé depuis
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