Top 10, 2010 vs 2020

Auto-Moto vient de diffuser une comparaison 2010 vs 2020 pour 31 marques. C'est un peu trop touffu et bien sûr, je ne suis pas d'accord avec leurs remarques.

Voici donc les 5 grands gagnants de la décennie et les 5 grands perdants. Par manque d'objectivité et par devoir de réserve, je m’abstiendrai de jauger les marques de l'Alliance.

Les tops

1. Tesla
Je n'aime pas Tesla. Je n'aime pas Elon Musk. C'est de l’esbroufe permanente. Surtout, je n'aime pas ses fan-boys, complètement aliénés.

Ceci étant, on ne peut que s'incliner. Il y a dix ans, Tesla se contentait de poser des blocs-batteries dans des châssis fournis par Lotus. Ce n'était alors ni le plus abouti, ni le plus ambitieux constructeur de VE. Son ascension est inédite dans l'automobile occidentale contemporaine. Qui plus est, Tesla a disrupté le paradigme du VE. On est passé de la micro-citadine pour post-baba-cools au premium pour CSP++ technophiles.

  • Ventes 2010 : 1 500 unités
  • Ventes 2019 : 367 500 unités

2. Geely
Que ceux qui connaissaient déjà Geely en 2010 lèvent la main ! En une décennie, ce constructeur a su se construire un pôle automobile conséquent : Volvo, LEVC (ex-London Taxi), la majorité de Proton (donc de Lotus) et 50% de Smart. Sans oublier l'organisation de la F4 China, les circuits de Ningbo et l'Utah Motorsport Campus (ex-Miller Motorsports Park), ainsi que les droits TV de l'Indycar pour la Chine !

Li Shu Fu, son fondateur, dénote complètement dans le paysage Chinois : un fils de paysans, qui n'a jamais été au collège et ne parle qu'un dialecte local. Longtemps rejeté par le Parti, il est aujourd'hui l'un des chouchous de Xi Jinping !

Difficile de connaitre les ambitions à long-terme de Geely. D'ailleurs, Li n'en a peut-être même pas ! En tout cas, il compte développer Polestar et Lynk&Co, deux marques sino-suédoises. Et il y a le projet de relance de Smart, via des SUV électriques made in China. Sans oublier les motos Benelli, pour lesquels Li voudrait que le législateur Chinois assouplisse ses règles (les plus de 125cm3 étant interdites dans de nombreuses villes.)

Dans une moindre mesure, signalons les succès de Byd, avec ses bus électriques et de SAIC, via la reprise de MG et Maxus (ex-LDV.)

  • Production 2010 : 802 319 unités
  • Production 2019 : 2 178 000 unités (en comptant Proton et Lotus.)

3. PSA
PSA a vendu moins de véhicules en 2019 qu'en 2010. Néanmoins, sa situation s'est grandement améliorée. Carlos Tavares a bousculé les dogmes. 30 ans après la liquidation de Talbot, PSA redevenait un groupe tricéphale avec l'arrivée d'Opel. L'occasion également de prendre pied en Europe du Nord, là où PSA était jusqu'ici très franchouillard. De plus, avec l'ouverture de l'usine de Kenitra, au Maroc, PSA espère conquérir le continent Africain. Prochaines étapes : le retour en Inde et aux Etats-Unis.
Et surtout, il y a Stellantis, la fusion de PSA avec FCA...

  • Production 2010 : 3 605 524 unités
  • Production 2019 : 3 490 000 unités (avec Opel)

 


4. Jaguar Land Rover

Je l'ai placé en queue de top 5, car c'est une réussite plus contrasté. En 2010, JLR restait marqué par l'ère Ford. Il continuait de fournir moteurs et composants à son ex-filiale. Même le Range Rover Evoque, lancé en 2011, reposait sur une plateforme modifiée de Ford Focus.

Tata a du repartir d'une feuille quasi-blanche. JLR a du réapprendre à développer intégralement un véhicule. Ce qui impliquait à la fois des investissements dans le bureau d'études et l'ingénierie industrielle. Il a fallu bâtir des usines en Europe continentale, en Chine et aux Etats-Unis pour se rapprocher de la clientèle. Le tout avec une refondation du réseau et un plan marketing inédit.

Après des années de croissance à deux chiffres, les ventes ont plafonné. Globalement, elles ont progressé de 1,5 fois au cours de la décennie.

La crainte des analystes, c'est que JLR a encore beaucoup de chemin à faire pour rattraper les Allemands. Or, Tata traverse une crise économique et managériale durable. Il manque donc de moyens pour financer le prochain train d'investissements.

  • Ventes 2010 : 232 839 unités
  • Ventes 2019 : 557 706 unités (avec Opel)

5. BMW

Vu de France, il y a peu de mouvements chez BMW : 70 000 ventes en 2010 et 85 909 en 2019. Mais hors d'Europe, pardon ! En Amérique du Nord, on est passé de 298 300 unités à 457 932 unités. Surtout, en Asie, les 286 300 unités se sont transformées en 923 999 unités, tirées par un marché Chinois qui reste prospère.

La Chine fut un dopant pour le premium et le luxe. La firme à l'hélice avait écoulé 65 814 série 7 en 2010. En 2019, le chiffre a atteint 105 331 unités. Une activité très lucrative, qui permet à BMW -mais aussi à son frère-ennemi Daimler- de conserver son indépendance. 

Pourtant, il y a 10 ans, on nous jurait que le premium ne pouvait atteindre une taille critique et que les acteurs étaient condamnés à s'adosser à un généraliste...

  • Ventes 2010 : 1 461 166 unités
  • Ventes 2019 : 2 520 307 unités
Les flops

1. GM
En 2010, GM avait vendu 8 389 769 véhicules. Il échouait de peu à la 2e place mondiale, derrière Toyota. Il y avait polémique, car Toyota incluait les résultats des PL Hino dans son total. Or, GM ne produit pas de PL. A périmètre équivalent, GM était N°1 mondial en 2010.
Aujourd'hui, ces débats semblent loin. Avec 7 717 930 unités, il a glissé au 4e rang. Et c'est désormais lui qui leste ses poches, avant de monter sur la balance. Ainsi, les "7 717 930" comportent 1 632 992 Wuling et Baojun, dont il ne possède qu'un tiers des actions.

Barack Obama avait imposé une cure d'amaigrissement à GM, en 2008. Puis, dans un objectif purement financier, le vieux groupe s'est mis à la diète. Les années 10 furent une interminable litanie de renoncement : retrait de Chevrolet d'Europe, revente d'Opel à PSA, fermeture de l'usine Holden, retrait de Russie, fermeture d'usines en Corée du Sud, revente de l'unité Vietnamienne (N°1 locale) à Vinfast, revente de la filiale Indienne à SAIC (qui l'emploi pour MG), revente de l'usine Thaïlandaise à Great Wall/Haval, arrêt de production des berlines, dissolution annoncée de Holden...
De fait, GM n'est plus présent que l'ombre de ce qu'il a été. Nul doute qu'à moyen terme, il pourrait fusionner ou être absorbé par un autre.

  • Ventes 2010 : 8 389 769 unités
  • Ventes 2019 : 7 717 930 unités

2. Volkswagen
Peut-on parler de flop ? N°3 mondial en 2010, il est passé N°1 mondial en 2020. En Chine et en Europe Centrale, ses ventes ont doublé. En Amérique du Nord, il frôle le million d'unités. Même en Europe de l'ouest, sur des marchés saturés, il progresse.

La crise que traverse Volkswagen est davantage identitaire. Ferdinand Piëch fut omniprésent pour le meilleur et pour le pire. Ses successeurs n'ont pas su impulser quelque chose de neuf. Puis il y a eu le dieselgate. Comme Toyota en 2010, Volkswagen a avant tout payé pour son arrogance auprès des Américains. Depuis 5 ans, c'est la valse des dirigeants ; du jamais-vu depuis les années 70. Côté produits, VW semble naviguer à vue avec des SUV à tous les étages et des labels VE (I.D. et e-Tron) qui ont du mal à "prendre".

Volkswagen, c'était le premier de la classe Européenne. Il aidait les uns, tandis que les autres regardaient par dessus son épaule pendant les examens. Notre premier de la classe s'est pris un avertissement de discipline. Il a perdu de sa superbe et c'est toute la classe qui est perdue...

  • Ventes 2010 : 7 228 440 unités
  • Ventes 2019 : 10 834 000 unités

3. Ford

Ford était 5e en 2010, avec près de 5 millions de véhicules produits. Il a légèrement progressé durant la décennie, mais irrésistible Kia-Hyundai l'a sorti du top 5. Ironie de l'histoire : Ford avait aidé Hyundai, puis Kia, à se lancer dans l'automobile.

Auto-Moto a noté qu'en Europe, les ventes de l'ovale bleu se sont contractées de 300 000 unités et sa part de marché fut divisée par deux. La faute à une stratégie-produit trop timide. Idem en terme de déploiement international : Ford arrive toujours après la bataille. Comme GM, il compte abandonner les berlines. Le bon démarrage US du Bronco l'encourage dans sa stratégie du tout-SUV. En Chine, il souffre d'un allié, ChangAn, lui-même moribond.

Contrairement à GM, Ford n'a pas de "Opel" : impossible de revendre son entité Européenne, sauf à la rebaptiser. Impossible aussi de revendre ses usines Européennes : le marché est déjà en surcapacité. Il faut de très couteuses fermetures sèches (cf. Genk ou Bridgend.)
En attendant, le futur proche, c'est un rapprochement avec Volkswagen dans les VU et les VE.

  • Production 2010 : 4 988 031 unités
  • Production 2019 : 5 390 000 unités

4. FCA

Dans le journal de 2010 sur lesquelles les voitures pausent, on encense le rapprochement Chrysler-Lancia. Enfin le bout du tunnel pour la marque prémium !

La suite, on la connait. Un plan de développement interrompu à mi-chemin, faute de budget. Une Lancia sacrifiée. Un second plan de relance également interrompu à mi-chemin. La mort brutale du sherpa Sergio Marchionne. Depuis, plus grand chose avec un attentisme certain.

Parmi les 4,42 millions de voitures produites par FCA en 2020, il y avait 703 023 Ram destinés au seul marché US et 175 017 Fiat 500 pour l'Europe. C'est dire la surreprésentation de ces deux produits.

Désormais, d'aucuns ont les yeux tournés vers Stellantis. En espérant un rebond. Enfin.

  • Production 2010 : 3 988 509 unités (Fiat + Chrysler)
  • Production 2019 : 4 420 000 unités

5. Les Chinois et les Indiens

En 2010, on était persuadé qu'il y aurait au moins un acteur Chinois ou Indien dans le top 10 mondial. Or, même en comptant Proton et Lotus, il manquerait un bon million de voitures, à Geely, pour accéder au Graal. Quant à Tata, en additionnant JLR et Tata Motors (y compris les PL), on dépasserait à peine le million d'unités.

Le bilan des Chinois est décevant. Geely, Byd et SAIC ont avancé à pas de loup. Leurs compatriotes ont surtout essuyé des échecs cuisants. Chery et Haval, les ex-rois de l'export, ont aujourd'hui tendance à raser les murs. Lifan, cliniquement mort, loue ses usines à d'autres. Borgward, sortie des limbes par BAIC, n'a pas convaincu.
De l'autre côté de l'Himalaya, c'est également de la déconfiture au petit-déjeuner. La Tata Nano, censée envahir les campagnes Indiennes, fit un bide. Idem pour les ambitions internationales de Mahindra. Le rachat de Ssangyong n'a pas donné les bénéfices escomptés. Et il se saborda deux fois dans la course à la fourniture de camions pour les postes Américaines.


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