La formule flop de Honda


C'est officiel : Honda se retirera de la F1, à l'issue de la saison 2021. Sportivement, le bilan est plutôt bon : 5 victoires en 6 saisons, dont le superbe succès de Pierre Gasly. Il faut se souvenir qu'à la précédente tentative (2000-2008), le compteur était resté bloqué sur le triomphe chanceux de Jenson Button en Hongrie.

Par contre, en terme de gestion et surtout de marketing, ce fut une série de mauvaises décisions. Conférant à l'amateurisme.

Le péché originel, c'était le projet. Ou plutôt son absence. Pourquoi est-ce que Honda souhaitait revenir en F1 ? Quelles étaient ses ambitions ? Honda est venu à la F1, en 1964, pour se faire connaitre et gagner en crédibilité, à l'heure où il se lançait dans l'automobile. 1983 correspondait surtout à une envie de conquérir le monde. Battre sur la piste des constructeurs comme BMW, Ferrari ou Renault, avant de les vaincre commercialement ! Dans les années 90, Honda avait un sentiment de symphonie inachevée. Après plusieurs cartes postales, il revint avec le dessein d'imposer un châssis Honda, avec un Japonais au volant. En plus, il fallait couper l'herbe sous le pied de l'ennemi-intime Toyota. Par contre, en 2015, l'objectif était flou. Il ne correspondait pas à un programme d'envergure, sportif (1) ou commercial.

La seconde erreur, c'est le time to market. Honda débarqua en 2015. Or, la réglementation V6 hybride est entrée en vigueur l'année précédente. Les constructeurs (Ferrari, Mercedes-Benz et Renault) fournissent chacun trois ou quatre équipes, auxquels ils ont fait signer des contrats léonins. La seule équipe disponible, c'était un McLaren plongé dans un divorce interminable avec Mercedes-Benz.
Bien sûr, McLaren et Honda, cela évoquait la période dorée de 1988-1991 où ils moissonnèrent 4 titres pilotes et 4 titres constructeurs en autant de saisons. Mais il y avait deux différences de taille. Le McLaren de 1988 était en phase ascendante ; celui de 2015 ne cessait de reculer dans la hiérarchie. Surtout, en 1988, McLaren n'était qu'une PME de la F1, connue des seuls initiés. Pour les autres, c'était avant tout une Honda. "Rouge et blanc" distribuait d'ailleurs des autocollants "[Rouge et blanc] Honda World Championship Team" et le nom de McLaren n'apparaissait nul part. En 2015, McLaren était désormais connu du grand public ; Honda n'était qu'un fournisseur.
D'emblée, ce nouveau rapport de force joua des tours au motoriste. Car les débuts furent laborieux : lors des débuts officiels, Stoffel Vandoorne ne fit que cinq tours en deux jours. Fernando Alonso réussit à accrocher une 5e place en Hongrie ; le reste du temps, les McLaren fermaient la marche. En prime, leurs power unit cassaient comme du verre. L'écurie de Woking n'hésita pas à charger publiquement son motoriste et Yasuhisa Arai, le patron de Honda F1, dut être écarté. Yusuke Hasegawa lui succéda.

Les saisons 2016 et 2017 furent du même tonneau. En 2018, les contrats des différentes écuries arrivaient à terme. Sans surprise, Honda et McLaren se séparèrent. Honda est le seul motoriste sans équipe "châssis". Il aurait pu profiter du naufrage de Caterham ou de Manor pour les reprendre et en faire une équipe Honda. A minima, il aurait pu s'allier à une équipe malléable, comme Haas ou Williams. Et ainsi, elle aurait adopté les couleurs de Honda.
Au lieu de cela, Honda misa sur Red Bull, avec Toro Rosso, puis l'écurie éponyme. Christian Horner claironnait que Red Bull s'était beaucoup impliqué dans le design des blocs. Max Verstappen s'imposa trois fois en 2019. Néanmoins, pour une large partie du public, là aussi, Honda n'était qu'un fournisseur... Et pour les observateurs plus avisés, tout le mérite revenaient aux ingénieurs "moteurs" de Red Bull. Même à Monza, lorsque Pierre Gasly triompha, le nom du constructeur fut à peine évoqué.

La seule solution aurait été de motoriser d'autres équipes, en plus de Red Bull. Afin de démontrer que c'était bien le moteur -et son géniteur- qui faisait la différence. Mais, Honda se l'interdisait. Il s'était lui-même mis sur une voie de garage.

Enfin, Honda n'a même pas réussi sa sortie. Le contexte économique difficile aurait volontiers servi d'excuse. Sauf que Honda est bien le seul à renoncer, au plus haut niveau. Au contraire, Alpine et Peugeot viennent d'annoncer leur arrivée en WEC ! Même Maserati revient en compétition ! Ils font donc figure de mauvais perdants.

En bonus, le communiqué de presse annonçant l'alliance de Honda et McLaren. Je savais bien que c'était un collector...

(1) Honda est présent, aux Etats-Unis, en Indycar, en F3 et en IMSA (via Acura.) Néanmoins, il s'agit de programmes gérés par HPD, l'antenne Américaine, laquelle possède son propre écosystème.

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