ARTS AND CARS


Osenat, suite. Nous voici cette fois en plein Paris, pour une vente Arts and Cars, sous le parrainage de Baptiste Nicolosi.


A vente exceptionnelle, lieu exceptionnel. Le garage Renault du quai de Grenelle est sorti de terre en 1954. Dans un quinzième arrondissement encore "popu". Un navire-amiral, qui faisait la part belle à l'entretien et à la mécanique, comme souvent à l'époque.

En 2021, la firme au losange annonçait qu'elle allait "réduire son empreinte immobilière" à Paris. Un choix de mot habile, qui sonne comme "empreinte carbone". Un euphémisme progressiste pour dire que Renault ferme des points dans la capitale. Jusqu'ici, le losange ne fermait que des concessionnaires de quartier. Trop petits et incompatible avec l'image moderne d'un constructeur. Maintenant, les grosses succursales sont touchées. On peut imaginer qu'un tel lieu est difficile à rentabiliser. Sans compter la pression foncière, les assurances, les normes...
On est tout de même bien loin du régime drastique de l'ex-PSA. D'ailleurs, il reste encore une douzaine de points de vente.


A l'intérieur, j'espérais des souvenirs anciens, comme les fresques de l'Alambra. Hélas, il n'y avait que des panneaux et des posters modernes. Curieusement, les mots "Renault" et "Dacia" sont systématiquement rayés ou effacés... Alors que les enseignes Renault sont toujours présentes, à l'extérieur.

Bientôt, les bulldozers s'occuperont de faire place net. Capelli, promoteur novice sur Paris, doit transformer les lieux en appartement de standing. Ils ont remporté l'appel d'offre "réinventer Paris 3" de la mairie de Paris.
On a de quoi froncer les sourcils. Car la municipalité nous a habitué à attribuer des marchés à des entreprises peu expérimentées. Pour des résultats bien en-deçà de ce qui avait été vendu...

Enfin, nous voilà au troisième étage, où se déroule l'exposition et la vente.

Baptiste Nicolosi... Ce nom est forcément évocateur.
Marc Nicolosi, son père, fut l'un des "pères" du mouvement des anciennes. Il avait ouvert le "Garage du collectionneur" dans les années 60. Puis il s'associa à Jean-Pierre Jouët (créateur du salon du nautisme, du salon auto-moto compétition, de la FIAC, de Marjolaine...) sur fond du lancement de l'encyclopédie illustrée Alpha Auto. Cela donna une exposition dans l'ancienne gare de la Bastille. L'année suivante, l'exposition se mua en salon : Rétromobile. C'était alors davantage une foire à la pièce détachée et aux petits négociants (comme son fondateur.) Pendant 19 ans, Marc Nicolosi accompagna le développement de Rétromobile. Il devint le salon incontournable de l'ancienne, avec des constructeurs, des émissions en direct sur Turbo...
Isabelle Nicolosi, elle, fut la créatrice de la galerie Vitesse. Un lieu dédié à l'art automobile (peintures, sculptures...)

Forcément, en étant tombé tout jeune dans la marmite, Baptiste Nicolosi ne pouvait être architecte !

Les stars de la vente, c'est un trio de cyclecars.

On commence par la "Lafont Spécial". Lorsque l'état Français lança la réglementation des cyclecars, Joseph Gardahaut sauta le pas, comme des centaines d'autres. Il lança G.A.R. en 1922 et se fournit en moteur chez Chapuis-Dornier (aucun lien avec les avions.) Tout cyclecariste se devait de participer au Bol d'Or. G.A.R. ouvrit un département compétition et embaucha Emile Lafont comme pilote/préparateur.
La réglementation cyclecar disparu en 1925 et la demande s'effondra. Chapuis-Dornier ferma ses portes et G.A.R. se retrouva dans l'incertitude. Emile Lafont parti avec quelques châssis et il courra sous ses propres couleurs. Bien plus tard, on le retrouva en essayeur chez Renault.

Dans les années 60, Serge Pozzoli récupéra des voitures de l'entre-deux guerres, faisant le tour de France des ateliers abandonnés. Deux Lafont Spéciales émergèrent. Marc Nicolosi en conduisit une. D'ailleurs, la principale source sur les Lafont Spéciales, ce sont des articles signés Baptiste Nicolosi !

L'arrière en pointe et les demi-pare-brises ne sont pas d'origine. C'était pour lui donner un air moins raide.

Malgré sa restauration et son historique "Pozzoli", elle a trouvé preneur à 56 400€.


Germain Lambert fut davantage un bricoleur de "spéciales" qu'un vrai constructeur. Dans les années 30 et 50, il produisit une poignée de véhicules, parfois tout seul, au gré de ses finances. Un vrai génie maudit. Rétromobile lui avait rendu hommage, en 2013.

Le catalogue Osenat parle de vingt voitures produites, dont huit CS... Mais cette voiture portait le numéro vingt-quatre et la dernière, le vingt-neuf ! Celle-ci courut en rallye. En 1950, le constructeur Georges Irat connu de graves difficultés et il dût vendre une partie de ses actifs. Lambert récupéra ainsi un stock de moteurs Ruby, qu'il prépara.

Pour 1950, le style est désuet. D'ailleurs, elle s'intègre bien à côté de voitures près de vingt ans plus vieilles qu'elles. En tout cas, c'est une voiture quasi-unique ! Pourtant, elle est restée à quai.

Enfin, la petite bleue est la Chevallier 1000 de Paul Chevallier. En 1930, Paul Chevallier construisit son propre cyclecar, en vue du Bol d'Or 1931. C'était sa première course et Chevallier ne construisit pas d'autres voitures. Chevallier disputa plusieurs courses, cette saison, dont un meeting de voitures à Monza, remporté par Luigi Faglioli (futur "3e F" d'Alfa Romeo en Grand Prix) et d'Achille Varzi. Mais ensuite, il se calma, se contentant de deux ou trois courses par an. Au Bol d'or 1934, il tomba en panne, en vue de l'arrivée, alors qu'il menait. Le second, Philippe Maillard-Brune, ne parvint pas à refaire son retard. Chevallier et Maillard-Brune furent classés ex-aequo ! Il n'y avait pas de chronométrage et le classement se faisait au nombre de tours. Lors du Bol d'or moto, trois pilotes furent classés septième !

Maillard-Brune pilotait une MG. L'ère des cyclecars était terminé. Paul Chevallier réapparu ensuite au Bol d'or 1935, puis il rangea sa voiture et raccrocha le casque pour de bon.

Adjugée à 126 000€, soit 6 000€ de plus que la fourchette basse.


Une Simca 9 Sport de 1953. Simca avait fait les choses progressivement. D'abord la Simca 8 Sport, basée sur la Simca 8. A l'arrivée de l'Aronde, la Simca 8 Sport poursuivait son chemin, mais avec le moteur de la nouvelle venue. Puis, en 1953, arrivée de la 9 Sport, qui était une 8 Sport adaptée au châssis de l'Aronde. Et enfin, en 1956, la Simca Sport "tout court", qui reprenait la silhouette de l'Aronde !
Par rapport aux autres voitures exposées, la 9 Sport semble si moderne... Elle n'a pourtant que 3 ans de moins que la Lambert ! 14 ans de moins que la Compound... 16 ans de moins que la Salmson S4, toujours en production lorsque cette Simca 8 Sport sorti de son usine de Dreux. C'est dire l'évolution technique et stylistique de ces années. 16 ans, ça nous ramène en 2008. Le temps lointain des DS3, Peugeot RCZŠkoda Yeti...

Partie pour 12 000€.


Une Austin Seven de 1931, naguère exposée au musée Jean Tua de Genève.

Vendue 11 400€, tout de même.


Passons à une série de marques Françaises oubliées.

Cette voiture très raide possède de faux airs de Jaguar et en plus, son volant est à gauche. Pourtant, il s'agit d'une Ariès Super 10/50 de 1936. Le baron Petiet fonda la marque peu après sa sortie de Centrale, en 1904. "Ariès" est le nom latin du signe astrologique du bélier. La marque connu une belle croissance jusqu'à la Première Guerre Mondiale. Ariès séduisit l'armée française, avec ses camions. Mais c'est Berliet qui reçu le gros du marché.
Après-guerre, Citroën entraina Renault et Peugeot dans une course à l'armement. Difficile de résister dans le milieu de gamme. Le baron Petiet se mue en lobbyiste, prenant la tête du salon de l'auto et du CCFA. En 1928, il fut approché par Chenard & Walcker, qui tentait un "General Motors à la Française" avec Delahaye, Donnet, Rosengart -et un temps Unic-. C'était avant tout une alliance Delahaye-Chenard & Walcker ; les autres acteurs devaient se contenter d'accepter les décisions. Ariès eu tôt fait de claquer la porte.
Ariès était de plus en plus largué. Il abandonna sa 1100, pas assez compétitive, pour se concentrer sur la Super 10/50, lancée en 1934. En 1936, Chenard & Walcker revint voir Ariès, pour lui proposer une alliance avec Latil, Licorne et Unic. Un vrai club des moribonds ! Le Baron Pétiet refusa d'ouvrir son capitale ou même de passer la main. Et l'on ne parle même pas d'adapter sa Super 10/50 aux canons de "l'aérodynamisme" alors en vogue... En 1938, le Baron Petiet ferma boutique...
En 1941, Vichy le plaça à la tête de la Générale Française de l'Automobile, avec Bernard, Delahaye, Laffly, Simca et Unic. Un consortium essentiellement centré sur les camions. Avec les restrictions imposées par l'Allemagne nazie en matière de production et de développement, le GFA fit peu de choses. A la Libération, le Plan Pons reprit l'idée. Le GFA prit enfin son envol, toujours avec le baron Petier à sa tête.
A près de 70 ans, le baron ne voulait pas entendre parler de retraite ! Il racheta les bougies BG et lança des moteurs 50cm3 ABG, dans l'ancienne usine Ariès de Courbevoie. Ils étaient commercialisés sous la gamme VAP. En 1957, ABG lança ses propres mobylettes VAP, via un accord avec Cazenave. En 1958, le baron mourra. Lucer, un fabricant Français absorba ABG/VAP, produisant chez lui moteurs et deux-roues. Lucer ne survécu pas au mouvement de concentration des deux-roues. Pour des raisons commerciales, l'importateur Sachs employa la marque VAP, puis on la vit sur des motoculteurs !

Osenat en espérait 15 000€, elle est partie à 24 000€.


Amilcar est une marque davantage connue. Mais on se souvient d'elle pour ses cyclecars. Pas pour ses petites voitures...

A la fin des années 20, le mouvement cyclecar s'essoufflait. Amilcar connu un trou d'air et les fondateurs, Joseph Lamy et Emile Akar, durent prendre du recul. Le constructeur voulu tourner la page cyclecar avec la Type M, une petite voiture.
La première erreur était une erreur de perception. En 1928, le marketing n'existait pas. On concevait un modèle au doigt mouillé, puis charge aux service commercial de le vendre ! Les cyclecars étaient à l'origine des voitures destinées à motoriser la France. Amilcar avait été fondé sur les cendres de Le Zèbre, pionnier de la voiture populaire. Donc, Amilcar se voyait comme un constructeur de petites voitures, là où le public le percevait comme une marque sportive.
Le second problème est qu'Amilcar n'était pas outillé pour faire du volume. Son unité de production de Saint-Denis était davantage un atelier d'assemblage qu'une usine. Il n'était même pas au niveau de poids moyens comme Donnet ou Mathis. Enfin, son réseau était composé de petits garagistes. Des gens qui souvent bricolaient et pilotaient leurs Amilcar le week-end. Alors qu'on commençait à voir apparaitre des show-rooms et de véritables commerciaux...

La M, lancée en 1928, fut sans surprise un demi-succès. Dès 1929, elle évolua en M2, à la finition très artisanale. Voici donc une M2 de 1929. Il y eu une M3, puis une M4. Mais Amilcar restait incapable de dépasser le milliers d'unités par an. En 1934, Amilcar, au bord du gouffre, dû vendre son usine de Saint-Denis. Une poignée du plus gros modèle, la Pégase, furent assemblée à Boulogne-Billancourt, dans un atelier.

Avec la Lambert, c'est la seule qui n'est pas partie. Osenat vendait par ailleurs une remorque d'époque. Une "trên-car", réalisée par le carrossier Labourdette. Faute d'attache-remorque, en 1920, la trên-car se terminait par un crochet, à passer à travers votre roue de secours. Bien sûr, elle n'avait ni freins, ni éclairage. 8 400€, tout de même.


Il y eu vingt gouvernement de 1932 à 1940. L'un d'eux, mené par Léon Blum, décida de nationaliser l'industrie militaire. Hotchkiss perdit ainsi ses canons et mitrailleuses. Il décida de se muscler dans l'automobile. Il mit la main sur Amilcar, afin de compléter son offre vers le bas.

La Compound était inspirée par l'Adler Trumpf, dont elle reprenait la traction. Jean-Albert Grégoire, pionnier de cette technologie, donna un coup de main. Pourtant, le développement s'éternisa. Dévoilée au salon de Paris 1937, la production de la Compound ne débuta qu'en 1938, chez Hotchkiss. Un an plus tard, on en était encore au ramp-up, lorsque la Seconde Guerre Mondiale débuta. Michel Fouillhoux, agent Amilcar à Courbevoie, fonça chez Hotchkiss et mit à l'abri une berline destinée au salon de Londres et un projet de coupé.
Non, Osenat, ce ne furent pas les dernières Amilcar ! La production se poursuivit jusqu'à l'Armistice, puis elle reprit à dose homéopathique durant l'Occupation. Il y eu surtout la CGE Tudor, une Compound électrifiée par Jean-Albert Grégoire.

Elle a été vendue pour 22 800€.


Avec Amilcar, Salmson fut le seul constructeur de cyclecar a réussir sa reconversion. Les cyclecars Salmson étaient reconnaissables à leurs calandres barrées en "X". En 1929, la "Société des moteurs Salmson" dévoila la S4. Contrairement à Amilcar, Salmson fit le pari de l'access premium. Au fil des années, la S4 allait grandir et s'élargir, tandis que son moteur gagnait des cm3. Ainsi, elle resta toujours à la page.
L'erreur de Salmson fut d'avoir relancé la production en l'état, en 1947. Puis d'attendre le milieu des années 50 pour se dire : "Et si l'on étudiait un nouveau modèle ?"

Ici, on a une S4D de 1936. Notez qu'à l'époque, Salmson possédait une filiale Britannique, British Salmson. Presque tous les modèles des années 30 y furent produites, ainsi qu'une inédite S6.
Le précédent propriétaire comptait la restaurer et il laisse surtout un lot de pièces détachées.
Notez les vitres jaunies et ayant des bulles : c'est le celluloïd. Dans les années 30, on réfléchissait déjà à la sécurité. Les accidents provoquaient une déformation du châssis et les vitres explosaient. Or, c'étaient autant de shrapnel qui provoquaient des coupures, voire des blessures. Solution : glisser une feuille de plastique entre deux couches de verre. En cas de choc, le verre était brisé, mais il ne produisait pas d'éclats. Le premier plastique produit en grande quantité, c'était le celluloïd. Il avait tendance à prendre feu et lorsqu'il vieillit, le celluloïd jaunit et se cloque.


Une Lancia Belna. Une Italienne, donc ! Non, car il s'agit d'une Lancia-Bonneuil, assemblée donc à Bonneuil-sur-Marne.

L'Augusta était un projet de "petite Lancia", afin de faire du volume. Pour la développer encore plus, la firme Italienne créa un atelier de CKD dans l'est Parisien. Vicenzo Lancia s'est-il inspiré du projet Simca, monté par son rival Fiat ? L'Augusta/Belna permit à la marque de se développer, mais moins qu'espéré. La faute à la 508 Ballila. La leçon fut comprise avec l'Ardea.

Ici, on a un très élégant exemplaire de 1936, carrossé par Paul Née. Bien que restaurée dans les moindres détails, elle partie à 26 400€. Un témoignage du manque d'intérêt pour les voitures de l'entre-deux guerre. Au moins, Osenat et Baptiste Nicolosi ont osé une vente originale, à défaut d'être rémunératrice.


Pour finir, un Reymond Simplex. Les informations sont plutôt rares. Reymond construisait déjà des tracteurs agricoles dans les années 30. Néanmoins, il profita du plan Marshall pour changer de dimension. C'est à cette occasion qu'il développa ce Simplex à moteur (arrière !) de 4cv. Par la suite, Reymond employa un moteur de 203, avant de passer au diesel sous licence Ricardo. A priori, l'entreprise périclita vers 1960.


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