Samba !

Une Talbot Samba, surprise sous une pluvieuse nuit parisienne. Aucun signe distinctif dessus. A vue de nez, je penche pour une GL.

J'ai toujours eu un faible pour les marques en difficultés, voire disparues. En particulier pour Talbot. Et en particulier pour la Samba.
La Samba n'a pas eu une genèse heureuse, loin s'en faut. A la fin des années 70, Chrysler Europe va très mal, des deux côtés de la manche. Le manque d'investissement s'est traduit par des produits vendues bien au-delà de leur date de péremption. Surtout face à des concurrentes (R5, VW Golf, Austin Allegro...) très ambitieuses.
Chrysler obtint un chèque du gouvernement Britannique. En 1976, il développa à la hâte une remplaçante unique pour les Simca 1000, Sunbeam/Hillman Imp et Sunbeam Avenger : la Chrysler Sunbeam, alias Talbot Sunbeam. Sous sa robe relativement moderne, elle cachait en fait une Avenger, avec son architecture propulsion. Comme le chèque venait des Britanniques, Chrysler n'a pas écouté Simca, qui proposait une traction. Qui plus est, cela permettait de conserver l'usine Ecossaise de Linwood (celle de l'Imp), qui avait coûté un bras à Rootes...

C'était des solutions de bout de chandelle. En 1977, lorsqu'il racheta à la fois Simca-Chrysler et Chrysler UK, PSA se rendit vite compte que la situation était désastreuse. Il fallait une vraie citadine. Et vite. De toute façon, PSA a programmé la fermeture de Linwood pour 1981. Les dessinateurs de Simca héritèrent de plan d'une 104 reliftée.
Simca pu rallonger la 104 ZS à 2,34m et lui donner une avant "Talbot-isé" inspiré des Horizon et Solara, avec optiques rectangulaires et calandre à barres horizontales. L'arrière, lui, reste quasiment "stock".

Pour le nom, PSA s'est-il inspiré des tubes Brasilia Carnaval de Chocolate's (1975) et Samba Mambo (1976) de France Gall ? Brasilia Carnaval était un titre festif, vaguement Sud-américain, produit par Marcel de Keukelaire (qui produisit peu après La danse des canards) et ouvrant la voie au Lambada, Tic tic tac et autres Macarena... Quant à Samba Mambo, c'était un titre "social" (comme souvent chez les productions Michel Berger.) Le clip, tourné en playback et en plan fixe avec un vent de force 5, vaut le détour !
En tout cas, à la fin des années 70, "samba" évoquait pêle-mêle le Brésil, la fête, l'exotisme, la jeunesse...
La Samba fut lancée en 1981, sous 9 ans après la 104. Pourtant, les observateurs la trouvaient moderne. Et contrairement à la LN/LNA, on n'avait pas l'impression que c'était un rebadgage à la diable (alors que c'en était un.) Il faut dire qu'autant Citroën avait une image bien définie, autant Talbot/Simca n'évoquait pas grand chose. Dans ce contexte, difficile de taxer une voiture d'être une "fausse Talbot".
Toutes les Samba étaient produites à Poissy, y compris les versions vendues en Grande-Bretagne dans l'ex-réseau Chrysler UK.

En 1981, PSA apportait les dernières touches à son chef d’œuvre, la 205. Pour la 205, Peugeot ne voulait pas juste lancer un véhicule. Il souhaitait le doter d'un univers. Comme Renault l'avait fait avec la R5 avec la BD Supercar. Car à l'époque, Peugeot trainait une image vieillotte et c'était l'une des raisons du demi-succès de la 104.
A mon avis, la Samba servit de laboratoire à un service marketing de PSA en pleine éclosion. Peugeot-Talbot découvrit notamment les joies des séries spéciales (un artifice de Citroën et Renault.) Une bande latérale, quelques logos, un béquet, un radio-cassette ou un deuxième rétro et vous créez une voiture fun ! La Samba inaugura également la version Rallye, le partenariat avec Rolland Garros, le cabriolet "panier de pique-nique" signé Pininfarina... PSA réalisa ainsi que ce n'était pas compliqué de donner une image cossue à une citadine.
Et même si elle n'était proposée qu'en 3 portes, la Samba grignotait des parts de marchés face à une R5 qui commençait à avoir fait son temps.
Hélas, la Samba ne marcha pas longtemps sur l'eau.

En 1983, la 205 arriva, avec tambours et trompettes. C'était un raz-de-marée sur le marché Français et la frêle Samba fut balayée.

Puis il y eu des grèves. En 1981, François Mitterrand était arrivé au pouvoir et les syndicats comptaient bien rappeler les promesses faites par le candidat Mitterrand, aux ouvriers... Qui plus est, Talbot-Simca était travaillé par des conflits internes. Jusqu'en 1977, la CSL dominait le front syndical de Poissy. PSA avait subtilement fait monter la CFDT et la CGT. La CSL conservait la majorité, mais il n'était plus le syndicat unique de Poissy. Et il ne comptait pas disparaitre sans se battre. Au milieu, il y avait des ouvriers immigrés, souvent Magrébins, qui se retrouvaient désemparés. On les avait fait venir en France dans les années 60, ils y avaient fait leur vie, s'étaient mariés, avaient eu des enfants. Quel était leur avenir dans un secteur automobile en crise ? Est-ce qu'on allait les ramener de force au bled ?
Une première vague de grèves eu lieu en 1982 (à Poissy, mais également dans presque toutes les usines tricolores, y compris en province.) La CSL se fit quasiment expulsée manu militari de Poissy. La France découvrit des images des grévistes basanés. Gaston Deferre y vit une manipulation des mollah Iraniens (NDLA : un non-sens complet.) PSA (qui n'avait pas l'habitude de négocier avec des syndicats) fut très marqué. Dès 1982, le paradigme avait changé : il n'était plus question de redresser Talbot ; les modèles ne seront pas remplacés. La future remplaçante de l'Horizon (appelée "Arizona" par la presse auto) sera une Peugeot (NDLA : la 309.)
Poissy devait donc être sacrifié. Un plan social fut annoncé à l'été 1983, immédiatement suivi d'une grève. La CSL fit appel à des casseurs d'extrême-droite (alors que le syndicat comprenait des immigrés) pour disperser ses rivaux. Puis il y eu une résurgence en décembre. En avril 1984, PSA annonça la fermeture pure et simple de Poissy. Nouvelle grève.
La demande en 205 était telle que PSA eu besoin du site pour en produire. La production des Samba et Solara fut de plus en plus marginale. Les dernières voitures sortirent en 1986 (la production de Solara continua quelque temps en Espagne.) Le réseau conservait le nom de "Peugeot-Talbot" et Jacques Calvet, fameux PDG, jurait que Talbot allait revenir. Un Evasion/806/Ulysse/Zeta badgé Talbot fut même envisagé...

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