Les voitures Chinoises de Xcartoys


Ça a été un peu long, mais j'ai réussi à reconstituer à peu près l'histoire de l'automobile Chinoise, en miniature, via Xcartoys. J'étais au complet, le post était prêt. Puis j'ai découvert qu'ils proposaient aussi une SAIC-Volkswagen Santana. Muß es sein? Es muß sein!

Maintenant que je suis au complet, je peux y aller !

Outre les modèles reproduits, Xcartoys se distingue par sa manière de les reproduire.
D'ordinaire, à cette échelle, les fabricants partent sur une longueur commune. A savoir two inches (environ 4,5cm.) Comme cela, vous pouvez reprendre les roues, voire le châssis d'un modèle à un autre. Du coup, les poids-lourd se retrouvent quasiment en HO et les micro-citadines, au 1/55e.
Chez Xcartoys, c'est échelle commune. Tant pis pour la commonalité des moules ! Le collectionneur, lui, y gagne en précision. Ce sont davantage des modèles réduits à collectionner que des jouets.


Après, je suis conscient que vu comme ça, ces miniatures n'ont pas grand chose d'excitant. C'était le talon d'Achille de mon livre. Le camion militaire est suffisamment désuet pour attirer le regard (pour peu que vous vous intéressiez aux vieux PL.) Le tout-terrain peut intéresser pour son exotisme. Mais une Daihatsu Hijet, une Charade, une Jeep Cherokee et une Volkswagen Passat, ça n'a rien de collector. Ce n'est pas avec ça que l'on peut remplir un numéro de Youngtimers Magazine ! Pour autant, à l'instar des tracteurs de Rétromobiles, plus que les véhicules, ce sont les histoires qu'ils ont à raconter, qui importent...
FAW Jiefang CA10
En 1953, la Chine dévoila son premier plan quinquennal, calqué sur le modèle soviétique. Il y avait trois chapitres, chacun disposant d'objectifs de développement : industrie, agriculture et infrastructures. Au sein de l'industrie, on trouvait cinq axes, classés du plus important au moins important : sidérurgie, hydrocarbures, machine-outil, industrie agroalimentaire et enfin, industrie militaire.


Voilà pour la théorie. En pratique, l'une des priorités de la jeune Chine communiste, c'était de disposer d'un camion militaire.
L'excuse, c'était qu'il y avait de nombreuses tensions. Lorsque le plan fut dévoilé, la guerre de Corée (où la Chine soutenait activement le Nord) battait son plein. Le Tribunal de Tokyo (le Nuremberg du Japon impérial) fut un demi-succès et les Chinois craignaient une reformation de l'impérialisme Japonais. Enfin, la Chine devait faire face à des révoltes, dans sa périphérie (Xinjiang, Tibet...) et la stratégie Chinoise était d'occuper le terrain. Compte tenu de l'immensité du territoire Chinois, le camion était un mode des transport incontournable pour déplacer personnel et équipements.


Les Japonais avait laissé derrière eux des usines d'assemblages de camions et de blindés légers. Ainsi, c'est à Changchun, l'ex-capitale du Mandchukuo (elle s'appelait alors Xinjing) que les Chinois établirent leur première usine de camion. Elle s'appela donc First Auto Works (première usine d'automobiles) ou FAW. Le CA10 profita de transferts de technologies du grand-frère Soviétique et il serait proche du ZIL-157 (lui-même copié sur le Studebaker.) Il fut surnommé Jiefang (libération.)
La production débuta en 1958. Comme la Chine niait être un état autoritaire, les photos de propagandes montraient des Jiefang bleus, destinés aux civils. Par la suite, des camions réformés ont servis à des utilisations civiles. Mais sauf erreur, tous les Jiefang étaient olive et destinés à l'Armée de Libération Populaire (PLA.)


Quoi qu'il en soit, les Jiefang connurent une vie de forçat, projetant hommes et matériel dans l'arrière-pays. Là où parfois aucun véhicule motorisé n'était venu, sautillant sur des pistes, traversant des gués, franchissant des cols de très hautes altitudes et des dunes... 
Une photo de famille avec son successeur, l'EQ240 de Dongfeng.
BAW BJ212
En 1959, pas de second plan quinquennal, mais un Grand Bond en Avant. Mao Zedong avait fait un bras d'honneur à Nikita Kroutchev et l'aide Soviétique se tari. Pas grave, la Chine allait se développer toute seule et même faire mieux que l'URSS ! De nouveau, les priorités étaient la sidérurgie, l'agriculture (avec sa mécanisation) et les infrastructures, avec un petit nouveau : l'aérospatiale.

Reste que Mao aimait son armée, qui le lui rendait très bien. Lorsqu'en 1963, une délégation Française débarqua en Chine, elle s'attendait à vendre des engins de T.P. Et à sa grande surprise, elle vendit surtout des camions militaires ! Et donc plutôt que de motoriser les civils, le PCC s'appliqua à fournir un tout-terrain léger aux militaires.
Shanghai Auto Works (l'ancêtre de SAIC) avait tenté de cloner la Willys CJ2A, vers 1958. Elles étaient équipées de moteur de GAZ 69 Soviétique, produits sous licence. Plus tard, le fabriquant de fusils ChangJiang tenta sa chance. Il manquait de savoir-faire et il finit par jeter l'éponge (il revint beaucoup plus tard à l'automobile, sous le nom de ChangAn...)
La Beijing Auto Works fut créée en 1953. A partir de 1958, elle devint une usine de camions. En 1961, BAW présenta la BJ210. Les Chinois avaient visiblement pu assister aux tests du UAZ 460 (produit bien plus tard, sous le nom de UAZ 469.) Le BJC210 était encore assez proche du ChangJiang avec son moteur de GAZ 69 relookée. Vers 1965, il reçu une carrosserie de UAZ 460 et devint BJ212. Avec sa carrosserie en tôles pilées, il était simple à assembler. BJC était incapable de répondre à la demande et la BJ212 fut assemblées à travers tout le pays. Parmi les assembleurs, il y avait Tianjin [Huali] et Beifang, qui devint beaucoup plus tard Byd Auto...


Au fil des années, le BJ212 gagna des portes (!), un toit en toile, puis il fut décliné en version à toit fixe et à châssis long à 5 portes.

Pendant ce temps, les Chinois souffraient. 

Pour les occidentaux, la période 1965-1975, c'était les Beatles, Woodstock, les cheveux longs, le flower power, le summer of love... En résumé, l'éloge de la liberté et de la jeunesse. 

Pour les Chinois, par contre, c'était l'austérité et un univers digne de 1984. On dénonçait son voisin pour "pensées droitières", avant qu'il ne vous dénonce. Et on n'était même pas fusillé, comme sous Staline. Des centaines de milliers, peut être des millions de Chinois furent battus à mort ou lynchés par la foule. Après une "autocritique", les supliciés imploraient non pas la pitié, mais qu'on les punisse au plus vite. Ils avaient forcément fautés, car le Patri ne se trompait jamais. Dans le Guangxi, plusieurs centaines de supposés "contre-révolutionnaire" furent mangés.
Et cela venait s'additionner aux millions de morts de la famine conséquente au Grand Bond en Avant, dans une comptabilité macabre.
 

Certains Français étaient présents en Chine. Dans Varda par Agnès, la réalisatrice n'exprima aucun remord. Au contraire, elle loua la vie devenue colorée des Pékinois, grâce à Mao.
Tianjin Huali Dafa
Deng Xiaoping prit les commandes de la Chine en 1978. Les usines étaient alors livrées aux ronces et aux inquisiteurs depuis une dizaine d'années. Sa première tache fut de tenter de redémarrer l'outil industriel. La berline Shanghai, jusqu'ici assemblée à la main, fut produite à un rythme davantage industriel. Reste qu'avec 10 000 unités annuelles (VL+VU), la production Chinoise était insuffisante (euphémisme.)


La Chine et le Japon se détestent cordialement depuis des siècles. Reste qu'à la fin des années 70, l'archipel cherche des débouchés pour son industrie automobile et l'autre souhaite des usines clef-en-main. Alors, chacun mit son pince-nez et s'assit à la table. 
La Chine produisait alors presque exclusivement des camions. Le Japon n'était guère doué dans les poids-lourd. Par contre, il savait construire des minivans et des rigides. Alors va pour les utilitaires légers et moyen.
Ensuite, le PCC joua les marieurs. La PLA, à la tête d'un patrimoine considérable, fournit le chéquier. L'armée choisit donc des sites parmi ses fournisseurs. L'ex-Changjiang (devenu ChangAn) et le fabricant d'hélicoptères ChangHe produisirent des Suzuki Carry. Quant à Tianjin Huali, il obtint l'outillage du Daihatsu Hijet. Il fut produit sous le nom de Dafa.


C'était dans un contexte d'une timide libéralisation économique. L'artisanat était l'unique forme d'entreprenariat tolérée. BTP, transport (hommes et marchandises), services... Le minivan était le symbole de cette libéralisation.
Pouvoir prendre en main son destin ; un concept résolument neuf dans la Chine post-maoïste. Les Chinois avaient été conditionnés pendant si longtemps et avec une telle intensité que certains en étaient complètement perdus.


Beijing-Jeep Cherokee
Reste qu'il y eu très loin, de la coupe aux lèvres. La machine bureaucratique Chinoise fut implacable et les minivans se faisaient désirer. Aussi l'état Chinois voulu miser sur plusieurs chevaux.

Dans une logique absurde de "les ennemis de mes ennemis sont mes amis", Mao fit des appels du pied aux Etats-Unis, afin de lutter ensemble contre l'URSS ! Néanmoins, celui qui joua les diplomates, ce fut Coca-Cola. Il souhaitait mettre une canette dans la main des Chinois et il força la main des Américains pour que le pays initie des relations avec l'Empire du Milieu.
Nous voici à la fin des années 70, alors qu'American Motors était au plus mal. Il profita du chemin ouvert par Coca-Cola pour prospecter en Chine. AMC s'apprêtait à lancer le Cherokee. Or, BAW cherchait un tout-terrain civil. Va donc pour le Cherokee ! Il s'agissait non pas d'une production sous licence, mais d'une joint-venture.

Dés 1985, les premiers kits de Cherokee furent expédiés en Chine, pour assemblage par BAW. Le Cherokee servit d'abord à la police. Le grand public ne put en profiter que dans les années 90, découvrant au passage les joies du hors-piste, puis du rallye-raid.
Cette joint-venture, héritage d'AMC, devint bien pratique, lors de la ruée des années 90. Contrairement à Ford et GM, Chrysler disposait d'une tête de pont Chinoise. Hyundai, éphémère propriété de Daimler-Chrysler, en profita pour créer sa propre joint-venture avec BAIC. Quant à Mercedes-Benz, il décida, en 2005, d'arrêter la production du Cherokee et de produire des Classe E dans une usine flambant neuve. BAIC racheta l'outillage et en 2009, il relança à son compte, la production du vénérable tout-terrain.
SAIC-Volkswagen Santana
Voici la fameuse Santana ! Dans l'histoire de l'automobile en Chine, elle est tout simplement incontournable.


Comme le projet d'assemblage de Cherokee trainait, le Parti lança un troisième chantier : produire une berline, afin d'envoyer la vieille Shanghai à la retraite. Sur l'appel d'offres, la Chine tablait sur 10 000 unités par an (à titre de comparaison, la Shanghai dépassa à peine ce chiffre au bout de 30 ans de carrière.)
Citroën tenait la corde avec la CX, l'amitié franco-chinoise était vivace (merci, Paul Berliet) et la marque aux chevrons n'avait pas hésité à soudoyer les officiels (en leur offrant des CX.) Pourtant, Volkswagen décrocha la timbale ! Au début des années 80, Volkswagen était en pleine convalescence et ces 10 000 voitures, c'était déjà ça. En France, la Santana fut vite intégrée à la gamme Passat, dont elle ne fut que l'exécution 4 portes.

Avec l'idée permanente de s'appuyer sur le savoir-faire existant, c'est SAIC qui produisit les Santana. Il fut désigné en tant que principal constructeur de voitures du pays (avec sa célèbre berline Shanghai.) Un premier lot fut assemblé en 1983, prenant ainsi de vitesse les minivans et les Cherokee !
Ce fut le début de la success-story Chinoise de Volkswagen. Hong Qi, l'autre constructeur de VP, assembla des Audi 100 à partir de 1988. Hong Qi étant une filiale de FAW, les Allemands s'en servir pour créer une coentreprise et FAW de fabriquer des Jetta en 1991. Le constructeur eu une politique axés sur le long-terme, ajoutant des nouveaux produits et augmentant la valeur ajoutée, au gré des capacités de ses partenaires.

La Santana fut d'abord la voiture des hauts fonctionnaires. Avec la seconde vague de réformes économique, dans les années 90, la Santana fit parti de la panoplie du jeune patron de PME. C'était la première voiture de la famille, du quartier. A la campagne, c'était parfois la première voiture particulière que les gens voyaient !
Tianjin Xiali
Vers 1990, la production était de 100 000 voitures (dont un peu moins de la moitié de VL.) Le plan Chinois de 1978 était 1) moderniser les usines de PL avec des minivans 2) diversifier ces usines avec des petites voitures Japonaises 3) utiliser l'expérience pour concevoir des voitures 100% Chinoises. Mais ce n'était pas parce que l'offre restait insuffisante que les Chinois allaient acheter n'importe quoi...

Au salon de Pékin 1988, Tianjin Huali dévoila une Daihatsu Charade censément assemblée par lui. C'était la mise en application du 2), avec un véhicule techniquement proche d'un minivan. Bien sûr, il fallu passer l'obstacle bureaucratique.
Vers 1992, alors qu'au Japon, on lançait une nouvelle Charade (qui fut brièvement importée en France), Huali commençait enfin à assembler la génération sortante ! Pour autant, en 1992, la Chine ne possédait quasiment aucun équipementier. Comme pour les Santana et les Cherokee contemporaines, les voitures arrivaient en kit d'Ikeda et les ouvriers jouaient de la clef Allen. Or, avec les surtaxes sur les importations, le prix de vente de cette Charade était à peine plus bas que celui d'une Santana !
En 1995, la ville de Tianjin construisit une usine dédiée uniquement à la Charade. Désormais, elle portait la marque Xiali. Surtout, la valeur ajoutée locale était plus importante et le prix de vente devint plus raisonnable. Néanmoins, ce ne fut pas la cohue.


Les prévisionnistes (Chinois ou étrangers) partaient sur un schéma calqué sur l'Europe de l'après-guerre. Avec un modèle bon marché qui permit de motoriser tout un pays (cf. la Coccinelle, la Fiat 500, la 2cv...) Plus récemment, il y eu le cas de l'Inde avec la Maruti 800. Avec la Xiali, la Chine pensait avoir trouvé sa Coccinelle ! Les prévisionnistes auraient du davantage s'attarder à des exemples culturellement plus proche : le Japon et surtout, la Corée du Sud. Dans ces deux pays, la motorisation s'est faite par le milieu de gamme, auprès des classes moyennes.
Dès le début des années 90, l'automobile devint un marqueur social, en Chine. Chaque année, pour le nouvel an, le fils retourne chez ses parents. Il est d'autant plus scruté avec intention que c'est la politique de l'enfant unique et parfois, la famille étendue s'est cotisée pour lui financer ses études. Le fils prodige se doit d'arriver dans une voiture statutaire, avec de la place à l'arrière (où s’assoiront ses parents.) A tout prendre, mieux valait venir en bus, qu'au volant d'une Xiali ! Et puis, s'il explique qu'il économise pour s'acheter une grosse berline, le fils aura l'air d'un bon gestionnaire.


Les citadines ne percèrent que dans les provinces les plus misérables, où le besoin de mobilité était plus fort que tout. A la ville, la citadine ne furent socialement tolérée que comme voiture pour femmes. Soit pour les jeunes conductrices, soit comme seconde voiture du ménage. Les Xiali, ChangAn-Suzuki Alto (un autre cas de constructeur de minivan ayant tenté de basculer), Chery QQ et même la SAIC-VW Polo (malgré une campagne marketing et un buzz favorable sur internet) furent des demi-succès.
Quant au 3), il ne s'est quasiment jamais produit. Dans les années 90, les Shanghai, Hong Qi et BJ212 quittèrent la scène, au profit de modèles de joint-ventures. Dans une joint-ventures, le constructeur étranger fournissait un modèle clef-en-main, il participait à sa mise en production et assurait même la promotion. Pourquoi s'embêter à développer ses propres modèles ? De plus, les FAW, SAIC, BAW, DongFeng, ChangAn, etc. étaient avant des usines de production, sans fonction support. SAIC et GAC furent les seuls qui parvinrent à créer des "marques pures", au prix de lourds investissements pendant plusieurs années.
Dès la fin des années 90, l'état Chinois vit poindre des constructeurs appartenant totalement ou partiellement à des investisseurs privés. Pour y faire face, il força des concentrations. BAW reçu Foton et FAW, Haima (créé avec l'aide de Mazda), Huali et Xiali. Les constructeurs étatiques devinrent des usines à gaz, avec un empilement de filiales. Huali fut livré à lui-même et il ferma en 2010. Xiali, lui, resta en contact avec Daihatsu et Toyota (propriétaire de Daihatsu.) La Xiali 2000 (une Toyota Platz -Yaris 1 à 4 portes-), puis la Vizi (une Yaris 1) ne permirent pas de redresser la barre. Depuis 2012, la Xiali originelle n'est plus produite et FAW tenta de partir sur une marque inédite, Junpai.

Commentaires

  1. Chouette article, toujours aussi bien documenté !
    Points de détails sans importance :

    A ce que j'en comprend, le ZIL-157 a directement engendré le CA-30, copie sous licence.
    Le CA-10 lui est copie du ZIS-150.

    Que le ZIS-151 a effectivement remplacé les stocks de Studebaker US6 importés pendant la IIème guerre mondiale soit.
    Maintenant, un rapide coup de d'oeil suffit pour voir que ce n'est pas une copie (pas même empattement, ni même longueur, ni même poids à vide- en tout cas pas au sens des copies sous license chinoises des camions russes. http://www.krasnayazvezda.com/terre/materiels/camions/zis151.php

    Sinon, le titre du film, c'est Varda par Agnès et pas l'inverse :-)
    Ceci étant, Jean-Paul Sartre et Jacques Vergès sont des références française. Rien n'est plus naturel que de soutenir des entreprises criminelles dans les milieux artistiques français.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Qu'est-ce que vous en pensez ?

Articles les plus consultés