AUTOMOBILES DE COLLECTION • LA VENTE D'ÉTÉ


J'apprécie ces ventes aux enchères. Certes, Aguttes diffuse toujours un catalogue et il réalise des teasers sur les réseaux sociaux. Pour autant, il y a toujours des surprises.

On commence par cette Aston Martin Lagonda. Une Série 3 ; la dernière, donc la plus aboutie. A l'époque, ses lignes et ses proportions avaient beaucoup vieillies.

La fiche précise qu'elle a été recalée au contrôle technique pour "défaut majeur". Vendue 36 676€, tout de même.

L'une des têtes d'affiche de cette vente : cette Rolls-Royce Silver Shadow. Elle a été carrossée par Michelotti, pour un bijoutier parisien. Une création étonnante, en exemplaire unique.

Là encore, Aguttes prend les devants. Après avoir été remisée 15 ans, elle a été repeinte. Il y a des points de rouille et d'autres sont sans doute masqués par la jolie peinture... 36 720€, un tarif plus qu'honnête pour un unica, même fatigué.

Les Maserati sont des habituées de ces ventes aux enchères. Face aux prix délirants atteints par les Ferrari -y compris les modèles moins prestigieux-, la marque au Trident apparait forcément comme une alternative.

On a ici une Ghibli SS 4,9, avec freinage à refaire. Vendue pour 113 708€.

Et juste à côté, une Merak SS. La Merak étant peu ou proue une Bora, mais équipée du V6 de la SM.

En tant que Maserati de la fin de l'ère Citroën, elle possède une réputation détestable. A Modène, c'était tous les jours le vendredi après-midi ! Celle-ci date de 1976, alors que les comptes étaient dans le rouge écarlate.
Pourtant, parmi les véhicules évoqués, c'est la première du lot à avoir été vraiment refaite à neuf. Le maillet est tombé à seulement 46 908€.

On reste dans les moteurs Maserati avec cette SM VHC. Dans les années 2000, Damien Ancelin a décidé de devenir pilote. Il s'est offert plusieurs DS et SM et fonda le Classic Racing Team. Cette SM fut ainsi préparée par SM dans l'esprit des prototypes vus au débuts des années 70. D'où ce bleu de l'écurie Paris-Ile de France chère à René Cotton...

Comme les autres, elle est vendue, mais à un prix bas : 24 260€. A peine plus que les deux autres SM "normales" présentes.

A la toute fin des années 90, un jeune pilote venu de nul part collectionnait les podiums en GT-FFSA : Cyril Château. Cyril avait de qui tenir : il était le fils de Jean-Louis Château, vu au Mans dans les années 70. Pour les 24 heures 1976, il construisit une 930 Turbo avec des éléments de Carrera RSR et de 934. Il revint en 1977, sans succès et la voiture brûla peu après.

En 2021, Sébastien Crubilé construisit une réplique, sous la direction de Jean-Louis Château. Elle couru au Mans Classic. Malgré une mise à prix "Bob Marley", elle s'envole à 292 460€.


Outre les Maserati, on note la présence récurrente de "belles Américaines" dans ces ventes. Ici, il y a notamment cette Chrysler Saratoga V8 de 1952.
Comme beaucoup d'autres, Chrysler avait complètement renouvelé sa gamme au début des années 40. Sa nouvelle ligne étant déclinée en Dodge, Plymouth et De Soto. En 1946, à la reprise de la production, il se contenta d'un toilettage des modèles d'avant-guerre. Les voitures adoptèrent la fameuse calandre "harmonica", vue sur les Solido au 1/43e ou la voiture de la célèbre pub des ponceuses Bosch. Les clients Américains réclamaient des nouveautés et les "Trois Grands" s'exécutèrent... Sauf chez Chrysler, qui se contenta du service minimum : passage du "dos rond" à une carrosserie trois volumes et nouvelle calandre. En 1952, les lignes étaient déjà démodées, avec leurs passage de roues semi-intégrés à la carrosserie ou le parebrise en deux parties. Et cela dura jusqu'en 1955...

Visez tout de même le traitement très élégant de ce break, avec peinture deux-tons, chromes et vitre arrière mobile. Seules les grosses charnières du hayon font "utilitaire". Mais on est loin de l'aspect spartiate des breaks Européens contemporains.

Il semble loin, le temps où les Américaines étaient les reines du marché de la collection. Cette Chrysler reste à quai.


Deux spider Fiat rouge. Une Fiat 1500, dont certaines furent produites chez Osca. Et une Dino, dont la version 2.4 allait être assemblée chez Ferrari. Deux témoignages des liens presque féodaux entre Fiat et les artisans transalpins.

D'après la légende, "Dino" Ferrari dessina un V6 de son lit d'hôpital. Le V6 Dino serait sans doute davantage l'œuvre de Vittorio Jano (sorcier des Alfa Romeo de compétitions de l'entre-deux guerre.) Enzo Ferrari aimait bien ce genre de légende, cela rajoutait un côté mystérieux... Et dans le cas présent, cela permettait de minorer le travail de ses ingénieurs...
Le moteur V6 était bien adapté à la F1 1,5l. Enzo Ferrari songea un temps à s'engager en F2. La CSI imposait 500 exemplaires. D'où cet accord avec Fiat, pour motoriser la Dino Spider (la Lancia Stratos reçu également le V6.) Un moyen pour Enzo Ferrari de flirter avec Fiat, après que les négociations avec Ford soient tombées à l'eau...

La Fiat Dino était en couverture du tout premier Rétroviseur que j'ai acheté. Elle me rappelle aussi ce documentaire sur la French Connection. Avec un trafiquant, réfugié en Espagne au début des années 70, qui disait : "A l'époque, j'avais une Ferrari Dino... Fiat... On n'en voyait pas des comme ça, en Espagne. Les filles, elles montaient dedans, la culotte à la main !"


Encore des habituées des ventes : des Ferrari V8. On a ici une 328, une 308 et une ??? Il s'agit d'une 308 GTSi avec kit Kamei. Dans les années 80, la RFA connaissait une croissance insolente et les riches Allemands de l'Ouest avaient un égo démesuré. Le tuning était une expression de ce narcissisme ostentatoire. Beaucoup d'artisans s'attaquaient aux Mercedes ou au Porsche, mais les plus audacieux n'hésitaient pas à tuner des Ferrari -ce qui était perçu jusqu'ici comme un sacrilège-. Kamei s'est contenté d'un nouvel avant.
Le tuning germanique, c'était tout un univers, que l'on retrouva dans Calandre et chez Option Auto du regretté Michel Guegan. On imaginerait bien cette 308 dans une mise en scène un peu coquine, un peu cocasse et avec beaucoup de filtres, signée Dingo.

Comme plusieurs voitures de cette vente, cette Ferrari a échoué au contrôle technique. Et chez Ferrari, dés que l'on ouvre le capot, la facture atteint les cinq chiffres... Aguttes en espérait au moins 55 000€. Elle est partie à 35 584€. La 308 "stock", elle, est restée sur le carreau.


Pas moins de cinq Triumph à vendre, dont cette TR8. Longtemps, les TR7/TR8 ont été malaimées. Elles représentaient le pire de BL : mauvais choix stratégique (MG avait été sacrifiée car ils jugeaient Triumph plus évocatrice), manque d'écoute du consommateur (à l'origine, la TR7 n'était proposée qu'en coupée) et surtout, finition horrible. Aujourd'hui, elles sortent du purgatoire. Par contre, je n'ai pas vu de Stag nulle part et je ne parle pas des Acclaim...

7 024€ pour ce roadster équipé du Rover V8, la version la plus aboutie des TR7/TR8. C'est très correct, même si cette voiture n'a pas de contrôle technique.


Au fond de la salle, deux voitures frappées du "+" : un Tahoe et surtout, une Independance Phaeton carrossée par Holden.

Un certain James Holden fonda un sellier au milieu du XIXe siècle, en Australie. Son petit-fils, Edward Holden, se diversifia dans la sellerie automobile. Puis il ouvrit un carrossier. Holden obtint son premier gros contrat auprès de Ford (le seul constructeur à posséder une vraie chaine de production en Australie.) Au cours des années 20, il fournit des carrosseries à tous les importateurs présents sur l'île-continent. En 1926, General Motors ouvrit à son tour une usine de production, en Australie et il se tourna vers Holden pour les carrosseries. En 1931, GM racheta son sous-traitant, afin de maitriser toute la fabrication. Cette Chevrolet Australienne est donc l'une des dernières à disposer d'une carrosserie produite à l'extérieur.
Il faudra tout de même attendre 1948 et l'Holden 48-215 produise des voitures inédites. Bien plus tard, Holden muscla son savoir-faire en faisant venir des cadres de Vauxhall. GM multipliant les avantages (notamment un véritable village anglais pour les expatriés) pour les attirer et ce n'est que là qu'Holden décolla vraiment.

Malgré son exotisme et son intérêt historique, la Chevy est partie à 10 004€, alors qu'Aguttes en espérait au moins 12 000€. Crikey !


On reste dans l'entre-deux guerres avec cette Citroën 5cv "trèfle". En prenant en photo l'habitacle vu de dessus, on comprend l'origine du surnom... Cela dit, accéder à la place arrière est une vraie galère, car il n'y a ni porte, ni marchepied et la banquette avant est fixe. Notez aussi les coffres, de part et d'autres du siège. Ce sont les uniques rangements (sauf à faire fixer une male arrière.)

Les collectionneurs portent un intérêt aux "popus" de l'entre-deux guerre proche du néant. Les prix sont pourtant retombées au niveau du niveau des années 80. Mais même à 4000€, cette 5cv un peu fatiguée n'a pas trouvé preneur.


Depuis près de 20 ans que je tiens ce blog, je ne m'étais jamais vraiment arrêté sur la R16. Il y a très longtemps, Renault avait exposé la contre-proposition de la R16 : un genre de grosse Simca 1100. On a carrément gagné au change ! Mais la R16, c'était surtout des projets mort-né de coupé, de break... La RNUR n'avait pas osé aller au bout de la logique, pour en faire une voiture vraiment statutaire. 
Le hayon était novateur au début des années 60. Puis d'autres voitures avec hayon sont arrivées et mécaniquement, elle perdit son avantage. D'autant plus que la banquette arrière est fixe. La R16 n'a jamais clivante comme la GS. Elle était juste devenue banale. Même ici avec des longue-portés, elle ne donne pas des torticolis !

10 004€ ; juste au-dessus de l'estimation.


Cette barge vert fluo est immanquable ! Il s'agit d'une AMC AMX de 1969.

George W Mason orchestra l'absorption d'Hudson par Nash... Puis il mourut juste après. William Romney, son adjoint, hérita des commandes. Il redressa la marque et lui évita le destin de Packard-Studebaker. Au prix d'une image de constructeur de voitures bon marché pour personnes âgées. Romney quitta AMC pour faire de la politique et les PDG défilèrent. Robert B Evans arriva au milieu des années 60. Il commandita la série de concept-cars AMX, dans le but de chercher de nouvelles directions. Flairant le marché des muscle-cars, il fit étudié une Javelin raccourcie (de manière à n'avoir plus que deux places), ultra-sportive et inspirés des concept-cars. Elle prit logiquement le nom d'AMX.
Pour souligner l'aspect sportif, il y eu des AMX de record et surtout, des pace-cars AMX en Indycar (mais pas à Indianapolis.)
Avec environ 20 000 ventes, l'AMX connut un succès moyen. En 1971, "AMX" devint une finition de la Javelin. Quant à Robert B Evans, il prit sa retraite en 1970, laissant AMC dans l'expectative, jusqu'à l'arrivée de Renault...

Les AMC ont ce côté marque obscur. Après, on dirait ces Américaines génériques dans les jeux vidéos sans licence de constructeur. Ici, on dirait une espèce de Mustang matinée de Chevelle. Au moins, elle est d'origine. Elle a trouvé preneur pour 30 220€, ce qui reste en dessous de l'estimation haute.


Aguttes aime bien les voitures "dans leur jus", quitte à ce qu'elles soient très abimées. Terminons ce tour d'horizon avec l'une de ces voitures à retaper : une Fiat 600 Multipla "Sabrina", carrossée par Fissore.

Dans les années 50, avec la généralisation des monocoques, les carrossiers n'avaient plus de raison d'être. Entre le prototypage et la sous-traitance de production, il restait un espace : la construction en moyenne série. C'est là que c'est engouffré Fissore, jusqu'au début des années 80.
Entre autres choses, il a donc offert une carrosserie complètement inédite à la 600 Multipla. Il faut dire que le style rondouillard de ce proto-monospace a vite été démodé. On dirait presque un chainon manquant avec le 600T/850T/900T. Fissore l'avait baptisé Sabrina. Là, les gens de ma génération vont chanter "Boys, boys, boys" ! Trêve de plaisanterie, la Sabrina se voulait plus cossue que la Multipla. A une époque où les monocorps étaient synonymes de taxis collectifs, Fissore avait compris qu'il y avait aussi une clientèle de particuliers. 15 ans avant les premiers prototypes de Matra...

Pas de "good times" en vue pour cette Sabrina, boudée par les acheteurs.

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