Aguttes : la vente d'été

Je vais régulièrement voir les ventes aux enchères d’Aguttes. Une de plus ? Une de trop ! Mais au fil des publications de la maison de vente, la tentation devenait de plus en plus forte…

Pour cette vente, il y avait un ensemble de Panhard/DB/CD. Il s’agit d’une dispersion de la collection de Pierre-Henri Mahul.


On commence par une Panhard PL17 Break aux couleurs de DB. C’est une création récente, « dans l’esprit de… » comme le Laffly « Gordini » de Rétromobile. Elle date de 1965. Or, à cette date cela faisait quelques temps que Charles Deutsch et René Bonnet étaient parti chacun dans leur coin (on y reviendra.) Par ailleurs, il s’agit également de l’une des dernières PL17.


On poursuit avec cette DB Le Mans de 1958. Après le succès de l’HBR5, DB commercialisa ce cabriolet, toujours à moteur Panhard. Le style est très tourmenté, voire surchargé, façon Daimler SP250. On est loin de la pureté aérodynamique chère à Charles Deutsch. Ce dernier n'aurait d'ailleurs quasiment pas participé à sa conception. Sauf erreur, la Le Mans était distribuée dans le réseau Panhard. Hasard ou coïncidence, Alpine développait à la même époque un véhicule assez similaire (mais sur base Dauphine), l’A108 Cabriolet. On a ici affaire à une version suréquipée de la Le Mans, la Grand Luxe.
Ce fut le champ du cygne de DB. Après le départ de Charles Deutsch, René Bonnet installa un moteur « Ventoux » de Dauphine Gordini, à la place du Panhard et il la renomma « Missile ». La Missile fut pilotée en course par un motard désireux de passer à quatre roues, un certain Jean-Pierre Beltoise


Après sa rupture professionnelle avec René Bonnet, Charles Deutsch lança CD. Cette CD de 1964 est l’une des dernières créations à moteur Panhard. Sentant le constructeur chanceler, Charles Deutsch se tourna vers DKW et Peugeot. Mais Peugeot n’aimait pas la compétition et DKW était sur le point de disparaitre, au profit d’un retour d’Audi. Alors, Charles Deutsch investit la soufflerie Eiffel et se reconverti comme bureau d’études. 

Lors de son arrivée aux 24 Heures du Mans, Audi sorti des images de la CD-DKW afin de légitimer son engagement.

La dernière Panhard, la voici : la PL24. Citroën était déjà le premier actionnaire de la marque lorsque ce coupé sorti. La firme aux chevrons s’intéressait surtout au bureau d’étude et au réseau de la marque. Ainsi qu’à sa coentreprise avec NSU, concernant les moteurs rotatifs… Les projets de Panhard (berline 6 cylindres, PL24 4 portes ou 4 cylindres) furent liquidés. La PL24 disparut en 1967, mettant un point final à la doyenne des marques Françaises. Notez que le châssis de la PL24 pouvait encaisser bien plus que le bicylindre : un exemplaire servit ainsi de mulet pour le V6 Maserati de la SM

L'affiche de la vente (au propre, comme au figuré), c’est cette superbe DB HBR de 1957. Jo Schlesser (alors novice) et Jean-Claude Vidilles s’en partagèrent le volant aux 24 Heures du Mans. La voiture fut accidentée et déclarée détruite auprès de l’assureur. DB lui apposa alors une nouvelle plaque de châssis, ainsi qu’une nouvelle carrosserie. Elle fut restaurée en configuration 1957.

Celle-ci est présentée comme une « CD-Panhard 1964 ». En fait, il s’agit d’une CG à moteur Simca, de 1971. Pierre-Henri Mahul avait fait une infidélité au bicylindre Panhard ! Lorsque Jean Rédélé créa l’Alpine A106, il n’avait aucun moyen industriel. Il se tourna vers l’un des rares carrossiers sachant travailler la fibre de verre, Chappe et Gessalin. L’assemblage final étant réalisé dans Paris. Cet artisan avait jusqu’ici surtout construit des « spéciales », ainsi que des éléments de sous-traitance. Alpine fut le premier à lui proposer un contrat de moyenne série. Au fil des ans, la marque au « A » fléché se développa. Chappe et Gessalin pu emménager dans des locaux plus grands, à Brie-Comte-Robert et à embaucher. En parallèle, Alpine commençait à disposer de ses propres locaux de production. En 1964, le constructeur se passa des services de Chappe et Gessalin. Ces derniers avaient le savoir-faire et les hommes : ils se muèrent en constructeur, sous la bannière CG. Pour la ligne, ils reprirent carrément les traits de l’A110. Pour la mécanique, ils se tournèrent vers Simca. Le constructeur de Poissy, soucieux de marquer Renault à a culotte, accepta. La CG 1000 (au moteur issu de la Simca éponyme) débuta en 1966. Puis il y eu la 1200 S, la 1300… Comme l’A110, la CG monta en grade. Avec néanmoins des volumes de production 10 fois inférieurs ! Pendant ce temps, Jean-Luc Lagardère cherchait un moteur pour ses Matra de route. Il passa lui aussi un accord avec Simca, lui vendant 50% des parts. C’était une voie sans issue pour CG, qui venait de se faire doubler. En 1974, l’entreprise ferma ses portes. Jean-Michel Ribot-Bruno, de la Société Geriplast, racheta l’outillage et créa ses confidentielles Geri.

Une Venturi Trophy « vice-championne 1992 ». Le Trophée Venturi est né dans des circonstances incroyables. Stéphane Ratel s’amusait à organiser des courses illégales, façon Cannonball. Certains participant lui demandèrent de créer une coupe circuit. Rappelons qu’en 1991, il n’y avait guère de place pour les gentlemen-drivers. Stéphane Ratel alla voir Venturi, qui n’avait aucun service compétition. Il demanda lui-même à Gérard Godfroy de transformer le coupé en bête de course. Avec son aileron et sa baie moteur en plexiglas, l’inspiration de la F40 semble évidente. Stéphane Ratel voulait du « VIP », la Trophy fut dévoilée à Saint Moritz… Or, Didier Primat, alors PDG, envisageait de liquider purement et simplement la marque ! Jean-Philippe Vittecoq, pilote de développement de la Bugatti EB110, fut chargé du déverminage. Dans un contexte où la marque naviguait à vue, Stéphane Ratel organisa son trophée. L’intéressé racontait qu’il ne connaissait rien au sport auto, d’ailleurs, il n’avait jamais mis les pieds sur un circuit ! En tout cas, cela dynamisa l’image de la marque. Beaucoup de pilotes, comme Eric Graham, Michel Neugarten, Jean-Luc Maury-Laribière ou Jacques Tropenat se prirent au jeu. Ils exigèrent une voiture pour les 24 Heures du Mans 1993. A la même époque, en Grande-Bretagne et en Italie, on assistait à un retour des GT. Faute de Groupe C, les organisateurs complétaient la grille avec des Carrera Cup ou des GT de série « coursifiées ». Sentant qu’il y a un filon, Stéphane Ratel se rapprocha de Jürgen Barth, responsable de la compétition chez Porsche et de Patrick Peter, qui venait de ressusciter le Tour de France Auto. A Jarama, le trio organisa la toute première épreuve de BPR. Nombre de participants du Trophée Venturi migrèrent en BPR. Certaines voitures étant transformées plusieurs fois, au fil des évolutions, voire converties ensuite en 400GT de route.

De loin, on dirait une Peugeot 404 Coupé. Pourtant, il s’agit d’une Osca 1600 S de 1965. Pininfarina étant un adepte de la technique dite de la photocopieuse… Dans l’immédiat après-guerre, en Europe de l’Ouest, les fabricants de voitures de sport pullulaient. Les gentlemen-drivers se plaisaient à acheter une voiture construite sur-mesure. Il y avait ensuite des carrossiers et des préparateurs de moteurs. Et les normes d’homologation étaient si légères qu’avec des phares et une immatriculation, vous pouviez circuler avec sur route ! Ainsi, lorsqu’en 1947, les frères Maserati claquèrent la porte de la marque éponyme, ils partirent fonder leur propre marque. Faute d’avoir le droit d’employer le nom « Maserati », ils la prénommèrent « OSCA » (Officine Specializzate Construzione Automobili.) Dans un premier temps, les affaires marchèrent bien. Tant sur le plan sportif, qu'industriel. Mais au fil de la décennie, suivant le phénomène classique de l’innovation, des artisans prirent du poids et ils firent le vide autour d'eux. Les gentlemen-drivers voulaient désormais du prêt-à-porter, Ferrari était capable de vous fournir une sport capable de gagner les 24 Heures du Mans. Pourquoi aller voir ailleurs ? Osca tenta de se positionner dans les moyennes cylindrées. Pininfarina assemblait des cabriolet 1500 pour Fiat. Osca en proposa un dérivé équipé d’une culasse à double-arbre-à-came. Elle évolua en 1500 S, puis en 1600 S. Les frères Maserati obtenant 100ch du 1,6l Fiat. Autant que Citroën avec le 2,1l de la DS21 contemporaine ! Mais le navire gitait. En 1963, les frères Maserati vendirent à Domenico Agusta ; restant néanmoins présents comme conseillers. En 1966, la Fiat 124 Spider succédait à la 1300/1500 sur la chaine de Pininfarina. Ce fut le coup de grâce pour Osca, qui ferma ses portes en 1967.

Le coin des Anglaises. Au début des années 50, aux Etats-Unis, la demande en roadsters Britanniques était immense. Or, aucun constructeur n’avait de représentant officiel. Des aventuriers se lancèrent dans leur importation, notamment « Wacky » Arnolt. Chez MG, la MGA se faisait attendre et la TF accusait le poids des ans. De passage au salon de Turin, notre homme eu une idée : demander à Bertone de créer une carrosserie plus moderne. D’où l’Arnolt-MG, en 1952. Les Italiens firent ce qu'ils purent avec ce châssis typique de l'entre-deux guerre (voies étroites et ceinture de caisse haute) « Wacky » Arnolt ne réalisait lui-même que les finitions des voitures et il s’occupait de la distribution aux Etats-Unis. Il fit de même avec Aston Martin, Bentley et Bristol. Entre temps, la situation s’était modifiée et les Britanniques pouvaient vendre en direct. L’Arnolt-Bristol eu de plus en plus de mal à s’écouler. En 1960, « Wacky » Arnold jeta l’éponge, mais il ne vendit sa dernière voiture qu'en 1968 !

Voici un cabriolet Ford Zephyr. Construit par Ford UK, mais à conduite à gauche. C’était les débuts de l’émancipation des filiales Européennes de Ford et de GM. Le crédo était d’adapter les traits Américains à une taille Européenne. Lancée en 1951, la Zephyr reçu un gros lifting en 1956. Avec 4,37m de long, la Zephyr n’était pas si petite que cela. Par contre, le moteur, lui, était loin des USA ! La Zephyr débuta avec un 6 cylindres en ligne 2,3l 68ch. Sur la Mk II, il fut réalésé à 2,5l, délivrant désormais 86ch. Ainsi, malgré son aspect grandiose, la Mk II atteignait à peine 146km/h en pointe…

Une Rolls Royce « Twenty » de 1925 (avec plaques d'immatriculations adéquates.) Elle appartenait au Maharajah de Jamu et Kashmir, d’où sa décoration typique de la sobriété indienne (peinture violette, klaxon en forme de cobra…) Fait intéressant, la calandre possède des barres horizontales. Ce n’est que plus tard que Rolls Royce adoptera des barres verticales.

Aujourd’hui, la moindre voiture des années 50 se négocie à 10 000€. Du coup, il devient intéressant d’importer un véhicule -qui n’était pas ou peu diffusé dans l’hexagone- et de le vendre en France. La marge couvrant les frais. D’où la présence de cette Triumph Renown. Triumph-Standard restait fidèle au « razor edge », typique du milieu des années 30. A son lancement en 1946, la Renown était déjà ringarde. Ce qui n’empêcha pas le constructeur de porter ce dessin sur la Mayflower. Ici, on a affaire à une voiture de 1954. Sans surprise, ce fut un flop. Standard-Triumph décida d’arrêter les frais dans les berlines et se concentrer sur la TR2. La Reknown fut de facto remplacée par la Standard Eight. Il fallu attendre l’Herald, en 1959, pour que Triumph produise de nouveau une berline.

Sauriez-vous l’identifier ? Même le logo « AS » n’éclaire guère le profane. Il s’agit d’une Armstrong-Siddeley Hurricane. Le nom faisait bien sûr référence à l’avion, produit par la filiale aéronautique de l’entreprise… Qui s’était renommée Hawker Siddeley. Au fil des années 50, Armstrong-Siddeley n’arrivait pas à sortir de l’ornière, tandis que l’aéronautique prenait toujours plus de place. Après une ultime tentative, la Sapphire, Armstrong-Siddeley jeta l’éponge dans l’auto.

Et ce coupé noir ? Vous donnez votre langue au chat ? C’est une AC Saloon ! Oui, « AC », comme le constructeur de la Cobra. Comme beaucoup de constructeurs, juste après la guerre, il se contenta de toiletter un modèle de 1939. Le châssis d’origine Standard eu droit à une nouvelle carrosserie et le vieux 2l AC, à un troisième carburateur SU. Avec une centaine d’unités par an, la Saloon (ou « 2 litres ») connu une carrière confidentielle jusqu’en 1954.

Une Jaguar Mark V de 1950. La marque au matou n’était encore qu’un petit constructeur premium Britannique. Au même niveau de notoriété et de production qu’Armstrong-Siddeley ou AC. Il se contentait d’ailleurs de singer les Bentley contemporaines. C’est un peu comme écouter les Beatles au temps où ils jouaient dans les pubs de Liverpool…

Une Delahaye 135 de course… Ah, Taipei et son aéroport… Le descriptif parle « d’évocation ». Dans les années 80, Doris Blasquez prit une 135, rabaissa le châssis et en fit une voiture de course. Un genre de restomod avant la lettre. Le moteur provenait d’une 135M. De nombreuses voitures de l’entre-deux guerre avaient été recarrossés dans les années 50, pour rester moderne. Il y eu aussi la mode « néo-classic » : des excentriques roulèrent dans ces voitures, faisant rajouter des chromes pour souligner l’aspect vieillot. Tous ces véhicules étaient bien fatigués, au début des années 80. Or, ils commençaient à prendre de la valeur. Les restaurations à la truelle étaient monnaie courante. Faute de volonté, on ne se posait pas trop de questions sur l’aspect d’origine. Allez, hop ! Pointe Labourdette pour tout le monde ! Avec ça, vous pouviez obtenir une couverture dans un magazine d’anciennes. Aujourd’hui, on n’oserait plus faire ça à une 135. Au moins, Aguttes stabilote que c’est une réplique. D’autres seraient plus évasifs…

Il y avait tout un coin de Bentley et de Rolls Royce des années 60, 70, ainsi que cette Cadillac Seville. Un homme tournait autour, discutant en visioconférence avec visiblement un acheteur, en mandarin. Cette voiture est full option : roues fils, calandre façon Rolls Royce… Toute l’opulence yankee des années 70. On se croirait dans un film de Martin Scorcese.

Alfa Romeo 164 S. « S » ? Oui, car il s’agit d’une voiture fédéralisée. D’où les catadioptres latéraux, les pare-chocs spéciaux, le troisième feu de stop, etc. A la fin des années 80, Alfa Romeo passa un accord avec Chrysler, pour distribuer la 164 aux Etats-Unis. Pour simplifier les choses, il y eu une 164 L et une 164 S. Un loueur de voitures hollywoodien possède une 164 L. On la voit apparaitre dans les séries TV, lorsqu’une scène est censée se passer en Europe. Fait curieux : cette voiture-ci a été immatriculée au Pays-Bas et n'a jamais traversé l'Atlantique.

Gerhard Berger est mésestimé. Comme pilote de F1, il remporta tout de même 10 Grand Prix (dont la première et la dernière victoire de Benetton !) et termina deux fois 3e du championnat. Proche de Dieter Mateschitz, il fut un personnage-clef des débuts de Red Bull, comme sponsor, puis comme écurie. Il fut bien sûr co-responsable de BMW Motorsport, puis copropriétaire de Toro Rosso. Puis il fut responsable « monoplaces » à la FIA. Il tint à bout de bras la carrière de son neveu, Lucas Auer, qu’il fit embaucher par Red Bull. Un personnage discret, mais néanmoins essentiel. Gerhard Berger était également connu comme un fin négociateur pour son salaire. En 1986, après sa victoire au Grand Prix du Mexique avec la Benetton-BMW, il s’offrit une Lamborghini Countach… Mais juste après, Enzo Ferrari lui offrait un baquet. Pas question de débarquer à Maranello avec ! D’ailleurs, on ne l’aurait même pas laisser passer la barrière ! Il la revendit. Trois ans plus tard, Cesare Fiorio embauchait Alain Prost. De rage, il s’offrait une autre Countach ! C’est cette seconde voiture, une 25th Anniversary, qui celle est mise en vente.

Et en bonus, les anciennes du parking ! Une Coccinelle bien jaune (qui n'est pas celle croisée il y a quelques temps...), une Alfa Romeo 155 ventousée, une Citroën CX break, une Nissan 300ZX digne de F&F et une Subaru WRX STI.

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