Mise au point post-francfortoise sur l'électrique...

Les voitures électriques, j'en parle régulièrement. De plus, je vais régulièrement prendre le pouls des professionnels. Donc, je sais (à peu près) de quoi je parle.

L'un des thèmes à retenir du salon de Francfort, c'est que l'électrique était omniprésent. Avec beaucoup d'annonces, quelques prototypes... Mais aucun véhicule de série.
Parmi les annonces, il faut bien distinguer celles du types "dans 5 ans, toute notre gamme sera déclinée en électrique et en hybrides" (Jaguar, Volkswagen, Volvo...) et celles disant "en 2030, on ne produira plus aucun véhicule thermique" (ce qu'aucun constructeur n'a dit.)

L'annonce 1) signifie simplement que demain, chaque véhicule sera décliné en hybride ou en électrique. Les modèles essence et diesel resteront au catalogue. Mitsubishi nous promettait déjà cela en 2011. La SpaceStar électrique et le Pajero hybride, on les attend encore...
a) La norme Euro 6c sera très contraignante, avec un cycle d'homologation plus "réaliste". De plus, la communauté européenne impose une moyenne des émissions à 98g de CO2 par constructeurs. Avec de l'électrique, on fait baisser la moyenne, quand bien même on en vend 10 par an... D'où cette envie d'électrifier les gammes.
b) Le dieselgate et les annonces type vignette crit'air ont été autant de coups durs pour le diesel. En Grande-Bretagne, un gros quart des possesseurs de diesel s'est promis de ne pas racheter un diesel. Un autre gros quart hésite. L'avenir à court-terme, ça sera des petits moteurs équipés de turbo et d'un super-stop&start, qui fonctionnera quasiment comme un moteur électrique auxiliaire (mais en basse-tension.) De quoi pouvoir accéder aux centre-ville.
c) L'électrique progresse. Les téléphones portables servent d'accélérateur sur les recherches concernant les batteries. Non seulement elles ont plus d'autonomie, moins "d'effet mémoire", elles sont plus légères, moins chères... Et plus stables (la leçon des incendies de Samsung Galaxy Note 7 a été retenue.) Après, bien sûr, on parle de quelques pourcents de progrès. Mais les 100km en utilisation réelle ne sont plus inatteignables.
d) Cette année, il se vend environ 10 000 voitures électriques par mois en Europe, c'est 30% de mieux qu'en 2016... Mais ça ne représente que 1% des ventes totales de voitures particulières. Et encore, si on enlevait les flottes et les voitures de direction, il ne resterait plus grand chose. Dire qu'avec la Zoe, Renault tablait sur 100 000 ventes par an... La plupart des constructeurs (généralistes et premium) avait un "plan électrique" vers 2010-2015. Renault est celui qui a été le plus loin et ça lui a couté très cher (y compris politiquement, au sein de l'Alliance.) Ils sont tous un peu échaudés. Néanmoins, Tesla fait un carton. Aujourd'hui, le premium US qui fait rêver, ce n'est plus Cadillac ou Lincoln, c'est Tesla ! Demain, Byd, Detroit Electric et l'un des 1001 constructeurs chinois d'électrique (dont au moins 1000 n'ont plus donné de nouvelles ces derniers mois...) pourraient débarquer. Les constructeurs ne peuvent pas attendre les bras croisés que des nouveaux venus s'installent dans l'électrique et verrouillent le marché...

Le cas 2), ce sont essentiellement des politiciens qui déclarent qu'en 2030, ils chasseront les voitures thermiques de leur contrée. Pour l'instant, aucune loi n'a été votée. Les mandats électoraux ne vont pas aussi loin et les politiciens ont beau jeu de faire de telles annonces. Demain, on rase gratis...
a) 2030, c'est loin et c'est proche. C'est aussi proche que 2004. 2004, c'était hier, non ? Sauf que la planète automobile était très différente. GM était un grand groupe mondialisé disposant d'une vingtaine de marques. Ford possédait PAG, son pôle luxe (Aston Martin, Jaguar, Land Rover et Volvo.) Volkswagen était le roi du pétrole avec ses TDI. C'était l'apogée des monospaces compacts ; la plupart des constructeurs n'avaient pas de SUV à leur catalogue. Personne n'avait entendu parler de Tata, Mahindra ou Geely (mis à part les pervers qui lisent le "tour du monde de l'insolite"...) Bref, l'air de rien, ça n'avait rien à voir avec la situation actuelle. Bien malin, qui, en 2004, pouvait prévoir la situation de 2017. Les constructeurs payent cher des analystes pour anticiper. Néanmoins, ces analystes doivent faire face à des facteurs macro-économiques et culturels difficile à anticiper. Donc, du tout-électrique en 2030, pourquoi pas ?
b) On nous promet éternellement une "vague" d'adoption de l'électrique. Le diesel a décollé suite au choc pétrolier de 1973. Quelle sera l'étincelle de l'électrique ? Aura-t-elle lieu en 2018 ? 2020 ? 2025 ?
c) L'électrique pourrait profondément redessiner les paysages. Il faudrait des bornes de recharges partout, bien sûr. Mais aussi, les stations services disparaitraient. Avec elles, les camions-citernes et les raffineries. Les voitures électriques n'ont ni pot d'échappement, ni parties à vidanger : ça serait la fin des centres autos. Est-ce que la proportion des flottes dans l'électrique restera ? Si oui, les automobilistes ne seraient plus que des locataires. Donc exit le marché de l'occasion. Et à quoi serviraient les autoroutes s'il n'y a plus de voitures capables de faire de longues distances ? Le trafic autoroutier s'effondrerait ; terminées, les grandes migrations estivales. Lorsque vous faites un "plein" en électrique, vous devenez vous arrêtez a minima une heure. Les anciennes station-services d'autoroute pourraient ainsi se transformer en centre commerciaux avec cinémas, hypermarchés, etc. Vu que les automobilistes auront davantage de temps... Et ainsi de suite. L'enjeu est de taille. Et beaucoup d'acteurs se retrouvent impliqués. D'où de grandes incantations...

Voilà, j'espère que vous y voyez plus clair...

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