Rétromobile 2018 : 20. McLaren

Cette année, Richard Mile rendait hommage à McLaren. Une première en France.

Bien en évidence, il y avait la McLaren F1 GTR de Lanzante Limited, victorieuse aux 24 heures du Mans 1995.

C'est Gordon Murray qui aurait convaincu Ron Dennis de créer la McLaren F1, en 1988. L'idée était de faire la supercar ultime, sans aucun compromis en terme de coûts. Pour le moteur, McLaren contacta d'abord Honda, qui refusa de lui fabriquer un V8 ou un V12. Murray refusa le V12 Isuzu, trop roturier. BMW lui proposa le V12 de la M8, un projet mort-né. Mais finalement, le constructeur Bavarois créa un moteur sur-mesure pour McLaren. La voiture fut dévoilée en 1992 et produite à partir de 1993. En théorie, les 100 exemplaires furent vendus sur le champ, malgré un prix astronomique. C'était ce que Dennis claironnait...
Pendant ce temps, Ray Bellm courrait en BTCC. Cet ancien concurrent du Groupe C (en tant que pilote et coactionnaire de Spice) avait entendu parler du BPR. A l'époque, le BPR était une discipline très franco-française avec des gentlemen-drivers et quelques vieilles gloires (Jacques Laffite, Henri Pescarolo, Jean-Pierre Jarier...) Le tout avec des voitures de coupe (Venturi, Carrera Cup, Ferrari Challenge) ou des GT quasiment de série. Proche de Murray, Bellm lui proposa de créer une version compétition, car elle avait du potentiel. Comme par hasard, McLaren disposait de châssis dont les clients avaient annulés leurs commandes... Après un premier essai avec des prototypes, quatre voitures étaient présentes à l'ouverture de la saison 1995. Au passage, des "ex-futurs", trentenaires, en profitèrent pour faire un retour en compétition : Pierre-Henri Raphanel, John Nielsen, Maurizio Sandro Sala, Andy Wallace, Olivier Grouillard... Sans surprise, les F1 GTR dominèrent la série. Aux 24 heures du Mans, il n'y avait pas moins de sept McLaren F1 GTR. Le constructeur leur a fourni un "pack Le Mans" avec freins carbones. Lanzante Limited joua les faux-nez de McLaren, en alignant la voiture de développement, confiée à JJ Letho, Yannick Dalmas et Masanori Sekiya. La F1 GTR souffrait de problèmes de jeunesse et la plupart des voitures renoncèrent. Letho-Dalmas-Sekiya s'imposèrent sur le fil, avec moins d'un tour d'avance sur la Courage de Bob Wollek, Eric Helary et Mario Andretti. C'est cette voiture qui est exposée sur le stand.
La F1 GTR avait ouvert la boite de Pandore. Profitant d'un règlement très léger (car taillé pour les gentlemen-drivers), Porsche créa la GT1, en 1996. Puis, Mercedes racheta la voiture de Jean-Denis Deletraz. Lourdement transformée, elle servit de laboratoire à la future CLK-GTR de 1997. McLaren répliqua avec la GTR 97. Les équipes privées étaient dégoutées. Ils se retrouvaient face à des constructeurs, avec des pilotes professionnels. Au point où faute de concurrent, le GT1 implosa fin 1998.
Ayrton Senna est devenu ambassadeur de McLaren à titre posthume. Alain Prost est bien vivant et il a eu lui aussi une longue carrière chez McLaren. Oui, mais Prost est déjà ambassadeur de Renault... Mika Hakkinen travaille pour Mercedes et David Coulthard, pour Red Bull. Quant à Emerson Fittipaldi ou Niki Lauda, ils sont trop vieux. D'où ce choix d'un disparu.
Pourtant, la relation avec le Brésilien ne fut pas simple. Surtout sur la fin. En même temps, on peut comprendre qu'avoir le poussif V12 Lamborghini dans le dos ou le fragile V10 Peugeot, ça ne l'ai pas trop branché. Déjà, chez Lotus, il avait poussé pour que l'équipe abandonne le V6 turbo Renault. Il avait vu son "meilleur ennemi" Nelson Piquet se griller au volant de la Lotus-Judd. Pas question de connaitre le même destin !
Les analystes sont généralement d'accord pour dire que la Williams de 1994 était supérieur à la Benetton. Malgré deux abandons durant les deux premiers Grand Prix, Senna aurait du décrocher un quatrième titre. Puis il serait parti chez Ferrari. Et après ? Quelle aurait été sa vie après la F1 ? Comment aurait-il pris cela, lui qui vivait pour la F1 (même s'il avait commencé à investir à droite et à gauche) ? Aurait-il été LE manager des pilotes Brésiliens, déambulant dans les paddocks pour recaser ses poulains ? Se serait-il contenté d'être l'ambassadeur d'Unibanco (qui a racheté Nacional, son éternel sponsor, en 1995), de Renault et d'autres entreprises ? Ou bien aurait-il sombré, car il n'aurait pas supporté de quitter la lumière ?
La toute première McLaren, la M1A de 1964 était une sport. Bruce McLaren était alors pilote Cooper et il sentait que l'équipe était de plus en plus larguée. Alors il construisit sa propre voiture. Cooper le laissait construire des voitures, tant qu'il ne s'agissait pas de F1. En 1966, il claqua la porte de l'équipe et aligna sa première monoplace, la M2B. C'est cette voiture blanche. Le moteur était un V8 Ford d'Indycar "descendu" à 3l. Chris Amon devait piloter la seconde M2B, qui n'arriva jamais...
McLaren fit son petit bonhomme de chemin. En 1968, il pu enfin aligner deux voitures. Son équipier fut son compatriote, avec lequel il courrait déjà en Canam, Denny Hulme. "The bear" avait été champion 1967, sur Brabham, d'où le dossard N°1. McLaren s'imposa à Spa. Hulme, lui, remporta Monza et Mosport. Il termina 3e du championnat et l'écurie fut vice-championne du monde.

Notez au passage le sponsoring de Gulf, qu'on associe plutôt à l'endurance...
McLaren essaye aujourd'hui de se construire une histoire. L'actuel McLaren Automotive n'est né qu'en 2011, avec la 12C. Face à Ferrari, à Lamborghini et à Porsche, McLaren fouille dans son passé. Et surtout, son passé hors de la formule un. En fait, après le demi-succès de la F1, c'est la Mercedes SLR qui permit au constructeur de développer ses compétences dans l'industrialisation de GT. Il redécouvre aussi ses programmes Canam et Indy.

Avant l'arrivée des sponsors, la solution pour un artisan, c'était de courir les primes de départ. Comme Lotus, Brabham et même Ferrari, McLaren disputa ainsi la Formule Tasman, la F2, la F5000, l'Indycar et donc, la Canam. La Canam était des épreuves sprint, bien rémunérés. McLaren et son compère Hulme se partagèrent les lauriers de 1967 à 1970. Puis ce fut le tour de Peter Revson... Sur McLaren. Et c'est en testant une barquette de Canam que Bruce McLaren se tua, à Goodwood, en 1970.
La McLaren M23, celle avec laquelle Emerson Fittipaldi décrocha le premier titre de l'équipe, en 1974. A la mort de Bruce McLaren, Teddy Mayer prit les commandes. Il resta jusqu'à la prise en main par Ron Dennis et Mansour Ojeh, au début des années 80.

Mayer était un fils de bonne famille, qui avait commencé des études de droit aux Etats-Unis. Il plaqua tout pour aider son frère Timmy à faire carrière dans le sport auto, avec Revson, un autre fils de bonne famille. Timmy Mayer fut l'un des premiers pilotes de McLaren. En tant que "gars qui avait fait des études", Teddy fut parachuté gérant de l'écurie. Timmy se tua, mais Teddy poursuivit.
La postérité ne fut pas tendre avec Mayer. Les uns le traitèrent d'abruti (et que le vrai gérant de McLaren, c'était "rouge et blanc".) Pour d'autres, c'était un cynique. Prêt à faire rouler une voiture non-conforme, voire à faire construire un cercueil roulant, pourvu qu'il gagne.
Pour autant, il fut décisif. La Canam, la F5000 et l'Indycar demandaient de plus en plus de moyens. Impossible pour McLaren de courir tout ces programmes. Il revendit la structure US, qui devint un temps une entité indépendante, confiée à un ex-pilote de F5000 et sa concentra sur la F1. Surtout, grâce à lui, McLaren décrocha ses deux premiers titres pilotes, avec Fittipaldi et James Hunt (en 1976.) On remarquera que l'époque était difficile. BRM et Surtees disparurent. Des équipes comme Amon, LEC ou Trojan furent des feux de pailles. Mayer avait donc un certain mérite à avoir maintenu McLaren.
Notez qu'un peu plus loin, du côté des artistes, il y avait une McLaren MP4-8 Ford, la dernière de Senna, en 1993. C'était une drôle d'époque. Grâce à Mario Andretti, Ron Dennis recrutait son fils Michael, champion 2011 d'Indycar. Senna s'était fait désiré. Honda était parti. McLaren discuta avec Renault. Mais le bloc Français était lubrifié par Elf et McLaren était alors lié à Shell. Dennis négocia un bloc Ford. Non pas un bloc "client" comme ceux de Lotus et Minardi, mais un bloc "usine", alors que Benetton était censé en avoir l'exclusivité. Flavio Briatore fulmina (du coup, en 1994, Ford ne bougea pas le petit doigt lorsque la FIA se déchaina contre Benetton.) En tout cas, Senna accepta de signer pour 1993. Mika Hakkinen, qui avait quitté Lotus pour McLaren se retrouva "3e pilote".
Le Ford ne pouvait être qu'une solution de transition. Lamborghini, en mal de top team (et mis sous pression par Chrysler) lui proposa son V12 avec la promesse qu'il sera plus nerveux en 1994... Peugeot avait un contrat avec la modeste écurie Larrousse. Dennis lui chipa le Peugeot et lui refila le Lamborghini. En sachant pertinemment que les Italiens ne poursuivraient pas avec une petite équipe et qu'il venait d'escroquer Larrousse.
Pendant ce temps, Andretti fit un flop. Lent et démotivé, il fut renvoyé après Monza (où il avait pourtant décroché un podium.) Hakkinen hérita de son baquet, terminant 3e au Japon. Senna ne pouvait pas faire grand chose face à la Williams de Prost. Il remporta les deux dernières courses de la saison, empêchant sur le fil Damon Hill de signer un doublé au championnat.

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