'Tobec

De temps en temps, ici, on parle deux-roues. L'autre jour, j'ai croisé cette Motoconfort monocylindre, parquée entre un restaurant à thème et un réparateur de motos (elle appartient à lequel des deux ?)

La moto française, c'est une tragédie. Traditionnellement, il y avait deux types d'acheteurs de motos. D'un côté, un public d'ouvriers qui cherchaient un moyen de transport bon marché. Il n'était pas rare de voir des familles entières à bord d'un side-car. De l'autre, il y avait un public beaucoup plus restreint de marginaux. Grâce à L'équipée sauvage, on vit apparaitre ce mythe du marlou bagarreur et libre. Avec la variante, c'était l'aspirant-pilote. De nombreux pilotes de Grand Prix, de Tazio Nuvolari à Jean-Pierre Beltoise, en passant par Jean Behra, ont commencé sur deux roues, faute de petites catégories en circuit. Il y avait même un usage militaire, les side-cars servant de véhicule léger rapide.
Aux Etats-Unis, la clientèle ouvrière disparu dès les années 20. Avec la Ford T, un ouvrier ayant un peu d'économies pouvait s'offrir une voiture. Ca aurait du servir d'avertissement aux Européens. Au lieu de cela, ils ont poursuivi dans cette voie. Notamment Motobécane et sa filiale Motoconfort (d'abord dédiée aux grosses cylindrées.) L'usage militaire disparu pendant la seconde guerre mondiale, avec l'arrivée de la Jeep. Après la guerre, les Européens se spécialisèrent sur les motos "popus". Gnome-Rhône produisit des engins très lourds, dont les policiers et gendarmes se lassèrent vite. L'arrivée de petites voitures bon marchés (comme la 2cv) amenait les constructeurs vers une voie de garage. En parallèle, des législations imposaient le permis moto. L'examen consistait en un tour de pâté de maison à bord d'un side-car, sans compter ceux qui l'ont passé lors du service national. Mais c'était suffisant pour tuer le marché. En 1958, ce fut le tour de la France. Du jour au lendemain, 130 000 motards préférèrent mettre en vente leur bécane, plutôt que de passer le permis. Ruiné, Terrot, le N°3 Français, revendit à Peugeot. Motobécane, lui, abandonna les motos et Motoconfort. Il se spécialisa dans les 50, avec la fameuse mobylette "bleue". Britanniques et Italiens avaient fait le choix des marginaux, avec des modèles sportifs. Mais 'Tobec restait fidèle aux ouvriers. Il lança une 125 et envisagea une 500 (qui resta un prototype.) Mais l'image de Motobécane était complètement ringarde. Il n'y avait guère qu'une clientèle âgée et rurale qui voulaient bien d'une "bleue". Les jeunes, ils voulaient un scooter, un cyclo ou une motocross... Sans surprise, Motobécane fit naufrage en 1981.
Peugeot, lui, a pris le virage des scooters. Au point que la filiale deux-roues (qui appartient désormais à 50% à Mahindra) s'appelle Peugeot Scooters. Il y eu l'aventure MF, puis l'aventure Voxan. Mais la France n'a plus de constructeurs de motos.

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