Crit'air 25

L'avantage des bouchons parisiens, c'est que lorsqu'une vieille voiture passe, vous avez largement le temps de la photographier sous toutes les coutures ! Comme cette Trabant 601 S. Avec son moteur 2 temps, elle doit créer une alerte antipollution à elle toute seule !
L'histoire de la Trabant et de son usine de Zwickau est passionnante.

A la fin des années 30, Auto-Union fut nationalisée de facto, comme la plupart des grandes entreprises allemandes. Richard Bruhn, fondateur du groupe et membre du parti nazi, fut un subordonné zélé.
Zwickau était l'usine Horch. Elle produisait des limousines et des tracteurs agricoles (NDLA : à ne pas confondre avec le constructeur Horsch.) En 1940, fin de la production civile. Horch se lança dans les camions de transports de troupe et les tanks. Pour remplacer les ouvriers, partis au front, Auto-Union fit venir 20 000 déportés à Zwickau, ainsi qu'à l'usine DKW de Chemnitz voisine. Les mauvais traitements étaient fréquents et 4 000 n'en revinrent pas.
En 1945, les Soviétiques débarquèrent dans la région. L'usine de Zwickau avait été bombardée. Les Soviétiques en prirent le contrôle et la production des limousines Horch reprit. Elle lança même un nouveau tracteur, le RS01 pionnier. Les Soviétiques considéraient que c'était une usine appartenant à des nazis et que partant de là, ils n'avaient aucun scrupules à la confisquer. De toute façon, il n'y avait pas grand monde chez Auto-Union pour protester... Les cadres étaient en fuite, en prison -comme Bruhn- voire carrément morts. En 1949, Auto-Union refit surface, à Ingolstadt -à l'ouest-. Les cadres se plaignirent de cette usine renégate.

La zone sous contrôle Soviétique créa des entreprises d'état. L'ex-Horch devint une filiale du conglomérat IFA. Grâce à la captation du savoir-faire de l'ex-usine DKW de Chemnitz, IFA produisit des moteurs 2-temps. A partir de là, les ex-Horch en furent équipées ! En théorie, Américains, Britanniques, Français et Soviétiques géraient ensemble l'Allemagne. Mais en cette année 1949, le gouffre politique devint béant. A la création de la RFA, les Soviétiques répondirent par la création de la RDA, à l'automne. Officiellement, tout allait bien. Les objectifs de production étaient dépassés et les ouvriers étaient heureux de travailler pour l'avenir de la RDA. En pratique, les cadres, parachutés par le parti, étaient incompétents. Et gare aux forte-têtes. A partir de 1950, la stasi embarquait les meneurs, qui avaient tendance à tomber dans l'escalier... Même le club de football amateur de Zwickau était fliqué ! IFA fut éclaté et la structure AWZ prit le contrôle de Zwickau. Finalement, AWZ passa sous la coupe d'un nouveau conglomérat, Sachsenring (d'où le logo en "S".) Ces nombreux changements trahissaient des difficultés d'organisation.
L'AWZ P70 de 1955 était la première petite voiture de l'ex-Horch. Sa plateforme et son évolution 600cm3 du 2-temps ex-DKW firent du chemin ensuite... Elle introduisit également la carrosserie en duroplast. Un mélange de plastique et de fibre de soja (l'une des dernières idées d'Henry Ford.) Avec l'arrivée de Nikita Kroutchev, la doctrine avait changé. Les pays communistes devaient développer l'industrie civile, notamment les biens d'équipements. C'est dans ce contexte qu'arrive la Trabant 601, en 1963. Elle reprenait nombre d'éléments des précédents modèles, dont la P70. Normalement, dès 1970, la berline 4 portes P100 aurait du prendre le relais. Mais le projet fit long feu. Idem pour le projet de citadine 3 portes à moteur rotatif, ainsi qu'un projet de compact. La 601 resta donc au catalogue. Les Est-Allemands devaient attendre plusieurs années pour en obtenir une. Et très vite, elle devint techniquement obsolète. C'était un symbole de la stagnation économique de la RDA.
Début 1989, la RDA semblait immuable. En fait, la révolte grondait. A l'été 1989, des milliers d'Est-Allemand fuirent, passant à travers l'Europe centrale pour pouvoir atteindre un unique point de passage en Autriche. En novembre, le mur de Berlin tombait. Le réformateur Lothar de Maizière arrivait au pouvoir et il pensait pouvoir sauver la RDA, en la modernisant. Mais au bout de quelques mois, sa mission bascula sur une gestion de la réunification. Ou plutôt, de l'absorption de la RDA par la RFA.

Les ex-conglomérats étatiques de la RDA étaient à vendre. La Treuhand jouait les intermédiaires. Helmut Kohl, chancelier de la RFA, poussait la main des industriels de l'ouest.
Volkswagen mit la main sur Zwickau. L'objectif était d'y assembler des Polo, lesquels prêteraient leur mécanique à la Trabant.
Mais non seulement la Trabant était obsolète, mais l'outil industriel laissait rêveur. Pour ajuster les panneaux, il fallait s'accrocher de toutes ses forces au panneau et donner des coups de pieds pour obtenir la forme voulue (si, si, regardez les vidéos sur Youtube !)
Volkswagen préféra bâtir un site ex nihilo à Brunswick. Opel fit de même à Eisenach, alors qu'on lui offrait l'usine de la Wartburg sur un plateau. La production de la 601 s'arrêta en 1991. Les Est-Allemands n'en voulaient plus ; cela leur rappellait trop de mauvais souvenir. Pendant, 13 ans, Zwickau fut une énième friche industrielle de l'Est. On pouvait encore lire "Horch" sur le toit de l'usine. En 2004, Audi y implanta son musée.

Commentaires

Articles les plus consultés