Carros nacionais


J'ai fait des affaires sur Ali Express ! Une dizaine de miniatures à 5€ pièce ! Comment résister ?

En apparence, ce sont des miniatures à rétrofriction assez grossières et à une échelle très incertaine. Cf. cette Willys Dauphine aux côtés d'une Renault Dauphine Solido au 1/43e...

Si vous connaissez un peu ce blog, vous savez que si j'ai acheté de tels jouets, c'est qu'ils ont quelque chose de particulier...

En l'occurrence, il s'agit de miniature de la collection "Carros nacionais", qui retrace en miniatures l'historique de l'industrie auto Brésilienne. C'est visiblement le pendant Brésilien des miniatures des éditions Altaya, Hachette et cie. J'imagine la pub, façon Chico-do-Brasil... "Salou, tou aimes les voitures do Brasil ? Tou achètes'ch la coleção Carros nacionais chez ton marchanch de journaux ! Va, va chercher bonheur !"



Malheureusement, point de fascicules joints. Juste des miniatures. Dommage, car si quelques Hommes-clefs de l'automobile Brésilienne nous sont parvenus, nul doute qu'il y en eu beaucoup d'autres qui réussirent des prodiges...

Willys Aero 1960
Commençons par le commencement.

Au lendemain de la guerre, l'Amérique Latine était le royaume du Prêtre Jean des constructeurs Américains indépendant.
En 1949, alors que Preston Tucker était mis en examen pour escroquerie, il expédia une Torpedo au Brésil. Il tenta ensuite d'y produire un modèle, la Carioca.
En 1951, Kaiser-Frazer rencontra le gouvernement Argentin. Cela abouti à la création d'IKA, en 1956.

A la même époque, Willys cherchait un second souffle. Sa Jeep "civile" était une voiture de niche. Même munie de portes, d'un toit, d'un moteur plus puissant et de quelques chromes (un SUV avant la lettre !) la Willys Wagon restait trop spartiate pour l'Amérique opulente. Les licences de fabrication de Mahindra, Hotchkiss et Mitsubishi étaient insuffisante pour payer les factures. En 1951, Willys tenta un retour dans les berlines avec l'Aero.
Alors en 1952, Willys tenta une aventure Brésilienne. Willys do Brasil fut fondée à l'été 1952, en collaboration avec la famille Vargas, laquelle s'engageait à bâtir un réseau. C'était le premier projet de production de voitures particulières au Brésil. Quelques mois plus tard, en 1953, Getùlio Vargas, le président Brésilien, surtaxa les importations de voitures. Toutes les voitures allaient être surtaxées, sauf celles dont sa famille était actionnaire. Sans être Alex Jones, on peut trouver que c'était une drôle de coïncidence... En prime, des Jeep CJ 3B furent importées sans surtaxes, en les faisant passer pour des CKD...
Mais l'usine d'assemblage de São Bernardo do Campo avançait à un rythme de tortue. En 1955, la Willys Aero disparu du tarif US. Mais il fallu attendre 1960 pour que la chaine Brésilienne ne la produise enfin. Brook Stevens (le roi du lifting low-cost, également à l’œuvre chez Studebaker) remodela la berline durant son transport.

Bien que datée, la Willys Aero [do Brasil] fut un best-seller. On la vit dans L'homme de Rio poursuivant Jean-Paul Belmondo dans le chantier de Brasilia.
Volkswagen Karmann-Ghia
Si vous avez trouvé l'histoire de Willys do Brasil passionnante, lisez celle de Volkswagen do Brasil !

Biographie officielle : en 1950, Friedrich Wilhelm Schultz-Wenk vint voir Heinrich Nordhoff, tout juste nommé PDG de Volkswagen. "Salut mon gars, je pars au Brésil. Je suis sûr que la Cox ferait un carton là-bas ! - Ah oui ? Tient, voici de quoi bâtir la toute première usine extra-allemande de Volkswagen !"

Avec le recul, la version de VW ne tient pas : pourquoi est-ce que le PDG d'une marque naissante aurait confié une fortune à un inconnu, sans expérience managérial, diplômé d'architecture d'intérieur ?

En fait, "Bobby" Schultz était membre du parti nazi de la première heure. Il fut lieutenant-colonel de l'armée nazie, c'est ce qui convainquit Nordhoff de ses capacités de meneur d'hommes. En 1950, il avait conscience que les alliés ne connaissaient pas son CV complet. D'où un exil au Brésil et tant qu'à faire, autant y produire des Coccinelle.
Volkswagen do Brasil débuta réellement en 1953. Les importations étant surtaxées, Schultz mit en place un atelier de CKD, à Ipiranga.
La demande en Cox et en Combi fut si forte qu'en 1957, Volkswagen do Brasil se dota d'une usine à São Bernardo do Campo. Pour la diriger, Schultz choisit Franz Stangl. Cet ancien SS dirigea les camps de Sobibòr, Treblinka et Trieste. Il aurait ainsi supervisé l'assassinat de 900 000 personnes. Mis au repos pour surmenage, il exigea d'être affecté à un autre camp ! Et il assassinait encore, début 1945, alors que les alliés s'approchaient. Notez que Stangl se baladait au Brésil sous son vrai nom. Simon Wiesenthal réussit à obtenir son extradition, en 1967. Schultz, lui, ne fut jamais jugé. Il est vrai que les premiers procès de nazis concernèrent surtout la machine concentrationnaire.

En 1961, Volkswagen dépassa Willys comme premier constructeur Brésilien. La Karmann-Ghia fut également produite au Brésil. Néanmoins, comme sa fabrication était trop complexe, Karmann du bâtir sa propre usine. En 1964, le Brésil subit un coup d'état. Schultz aurait levé son verre pour saluer la dissolution du parlement et l'emprisonnement massifs des militants de gauche. Toute sa jeunesse... Il prit sa retraite en 1967 et mourut en 1969.
Willys Dauphine
On l'a dit plus haut : Willys do Brasil mit du temps à prendre son envol. Faute de Willys Aero, les responsables tentèrent d'obtenir d'autres véhicules. Vers 1956, Chrysler (au plus mal) songea à devenir coactionnaire et à produire des Plymouth Savoy à São Bernardo do Campo. Mais le groupe connu un rebond de ses ventes aux USA et il oublia le Brésil.

A la même époque, Renault souhaitait exporter. Mais l'état-actionnaire lui avait alloué un budget proche du zéro. La seule solution, c'était de trouver un partenaire à qui la firme au losange se contentait d'envoyer les plans et qui prenait en charge la production et la distribution locale. La 4cv produite par Hino servit d'exemple et avec la nouvelle Dauphine, la régie possédait un véhicule capable de séduire davantage.
Renault fut ainsi approché par l'Argentin IKA. La Dauphine fut ainsi produite à Cordoba, à partir de 1960. IKA appartenait à Kaiser ou plutôt, depuis 1955, Kaiser-Jeep (suite à la fusion avec Willys.) Kaiser-Jeep aiguilla aussi Renault vers Willys do Brasil.

Une usine en mal de voitures et un constructeurs en mal d'exportations : ils étaient fait pour s'entendre ! Dès 1957, Willys do Brasil produisit la Dauphine, bien avant l'Aero. La première voiture de Willys n'était donc pas une Willys ! Quoi qu'il en soit, elle connu un succès certain. Notez que les deux tiers des Dauphine brésiliennes étaient des Gordini.
FNM Duemila
Carros nacionais se focalise sur les productions de Willys/Ford et de Volkswagen. Mais l'aventure Brésilienne des années 50, 60 attira plein d'autres constructeurs : DKW (Vemag), Isetta (Romi), Simca... Et Alfa Romeo.

En 1942, la Fàbrica Nacional de Motores (FNM) fut créée par l'état Brésilien pour fabriquer des avions Curtiss-Wright. Après la guerre, elle se reconverti dans les frigos et les vélos. En 1948, FNM approcha Isotta-Fraschini pour produire des camions sous licence. Hélas, l'accord fit long feu : en 1951, Isotta-Fraschini mit la clef sous la porte. FNM s'associa alors à Alfa Romeo. Mais uniquement pour des camions.

Vers 1956, un homme d'affaires Brésiliens convainquit Alfa Romeo de produire des berlines 2000 au Brésil. La joint-venture s'appelait (Fábrica Brasileira de Automóveis Alfa.) Mais l'homme d'affaires aurait eu des doutes sur la viabilité de produire des premium au Brésil. Juscelino Kubitschek, alors président du Brésil, mit son grain de sel. FNM devint le partenaire d'Alfa Romeo et la 2000 serait produite à Xérem, près de Rio de Janeiro.
Les premières "Duemila" sortirent en 1960 et elles furent surnommées JK. Le logo de FNM était alors proche de celui d'Alfa Romeo, mais avec la croix Milanaise transformée en "F" et "nm" apparaissant sur le dragon.

Contrairement à Willys et à Volkswagen, FNM ne connu pas de développement spectaculaire. La production resta de l'ordre de quelques centaines d'unités. Il est vrai que pour les militaires qui arrivèrent ensuite au pouvoir, FNM n'était qu'un héritage des gauchistes... La gamme comportait un inédit coupé Onça, aux faux airs de Mustang. La 2000 reçu un 2,2l, puis un 2,3l. La 2300 s'offrit également un lifting façon Alfetta.
Alfa Romeo monta au capital et la marque FNM disparu. Hélas, le constructeur Milanais traversait des difficultés et il n'avait pas un real à investir dans sa filiale Brésilienne. En 1974, l'état Brésilien imposa des moteurs à alcools. L'ex-FNM eu alors de nombreuses 2300 sur les bras. Alfa Romeo tenta de les écouler en Europe sous le nom de "2300 Rio". Mais outre leur archaïsme technique, la finition était minable. A la fin des années 70, la 2300 reçu des chevaux avec la TI, puis la TI4. Lorsque l'état Italien vendit Alfa Romeo à Fiat, le constructeur turinois récupéra l'ex-FNM. Il tenta de trouver des synergies avec sa propre filiale Brésilienne, avant de la liquider pour de bon, en 1990.
Volkswagen Zé do Caixão
Volkswagen do Brasil fut très vite une entreprise prospère. La Fusca (Coccinelle) envahit les rues des cités Brésiliennes. Friedrich Wilhelm Schultz-Wenk avait également compris que dans un Brésil instable politiquement, il fallait être au mieux avec le Prince, quel qu'il soit. "Bobby" fit donc du lobbying tout azimut, chez les paramilitaires, chez les communistes, chez les libéraux, chez les nationalistes...


Comme la Fusca, le Combi et la Karmann-Ghia avaient connu le succès, Volkswagen do Brasil tenta d'y lancer le quatrième modèle de la maison-mère, la Type 3. São Bernardo do Campo la lança en version 4 portes (1968), puis en version break 2 portes (1969), cette dernière portant le nom de TL.
La Type 3 4 portes fut le premier bide de Volkswagen do Brasil. Les Brésiliens la surnommèrent Zé do Caixão. Zé do Caixão (José le croquemort) était un personnage récurrent de slasher cheap de José Morinca Marins, un réalisateur nanardisant (qui jouait également -mal- le personnage.) Tout l'humour brésilien était dans le surnom donné à cette voiture !
Imaginez une Kaiser "Plan 9 from outer space" ou une Citroën "Jean Rollin"... Dès 1970, la Zé do Caixão disparu du tarif.
Volkswagen Brasilia
En 1968, Rudolf Leiding succéda à Friedrich Wilhelm Schultz-Wenk. Premier directeur de la production de Volkswagen, Leiding fut chargé de redresser Auto-Union après son rachat par VW, puis on l'expédia au Brésil, où la production plafonnait.

Il faut se rappeler qu'en 1968, Volkswagen n'était qu'un petit généraliste. Leiding prit un shaker géant, il y versa un moteur de Coccinelle, une plateforme de Karmann-Ghia et une carrosserie de TL. Il secoua le tout et cela donna la Brasilia ! Le nom, celui de la toute nouvelle capitale, était destiné à caresser le patriotisme Brésilien dans le sens du poil...
Lancée en 1973, la Brasilia fut la toute première Volkswagen conçue pour le Brésil. Le résultat fut si probant que le constructeur décida de la produire également au Mexique et au Nigeria. Des voitures furent exportées jusqu'aux Philippines et en Espagne.

Grâce à Leiding et à la Brasilia, Volkswagen do Brasil augmenta sa production de 50%. Mais entre-temps, Leiding était rentré à Wolfsburg, où il devint PDG. Au Brésil, Werner Schmidt lui succéda, en 1971.
Né en 1932, Schmidt était trop jeune pour avoir eu un quelconque rôle dans l'Allemagne nazie. En revanche, il se montra complaisant avec la dictature brésilienne. Dès 1972, le site de São Bernardo do Campo laissait entrer l'armée pour y interpeler des ouvriers proches des communistes. Ensuite, Volkswagen do Brasil établi lui-même des listes de ses employés "rouges". Elle mit à disposition de l'armée un entrepôt, où elle interrogeait des opposants (qui avaient tendance à tomber dans l'escalier...) Lula da Silva, alors responsable du syndicat des ouvriers métallurgistes "visita" cet entrepôt.
Schmidt retourna plus tard en Allemagne, où il devint directeur de Volkswagen AG, puis membre du conseil d'administration du groupe. Bien que son nom fut cité dans le rapport interne du constructeur, il ne fut ni inquiété, ni limogé.
Ford Belina
Revenons à Renault. Outre la Dauphine, Willys assemblait l'Alpine A108 (sous le nom d'Interlagos.) Plutôt que de produire la R8 au Brésil, la firme au losange voulu enchainer directement avec la R12. Le changement étant conséquent, Renault s'y est prit à l'avance. Plans et outillages furent expédiés au Brésil avant même la mise en production, en France.
Seulement, à la même époque, Kaiser-Jeep connaissait des difficultés. La solution fut de lâcher du lest. Renault récupéra ainsi IKA, en 1967 et peu après, Ford s'offrit Willys do Brasil... Avec de quoi produire des R12.

Or, la R12, petite berline traction avant, intéressait bigrement Ford. Ford USA n'avait rien d'aussi petit dans sa gamme. Ford Europe était en pleine consolidation, quant à collaborer avec Ford USA... La R12 reçu un ovale et fut lancée fin 1968, sous le nom de Ford Corcel. Elle devança d'ailleurs d'un an la R12.
La Corcel connu des débuts modestes. Ford do Brasil en déclina des versions 2 portes et break 3 portes, qui se vendirent mieux que la 4 portes. Cette dernière fut donc éliminée. En 1977, la Corcel II était maquillée en Granada. La version break 2 portes fut baptisée Belina.
Volkswagen Parati
La Brasilia était la voiture de Rudolf Leiding. L'erreur historique de Leiding fut de ne pas voir plus loin que la Coccinelle et ses dérivés à moteur quatre cylindres-à-plat et refroidissement par air. En 1977, deux ans seulement après le lancement de la Brasilia, Werner Schmidt lui voulu déjà une remplaçante.

São Bernardo do Campo produisait alors depuis peu la Passat. Or, lors de la création de la Golf, Volkswagen avait testé des mulets (5 portes) reprenant sa plateforme B2. La mévente de la Corcel 4 portes incita Volkswagen do Brasil à exiger plutôt une 3 portes. C'est ainsi que naquit la Gol, en 1980. Ce fut très vite la voiture la plus vendue au Brésil. Elle fut déclinée en 2 portes, 4 portes (produite aux USA sous le nom de Fox) et dans l'esprit de la Brasilia, en break 2 portes.

Malgré l'agressivité commerciale de Fiat do Brasil, la Gol reste un hit, 39 plus tard ! Elle permit à Volkswagen do Brasil de tourner la page de la Fusca. En 1992, Itamar Franco devient président d'un Brésil qui connait une récession économique. Pour relancer l'industrie, il implora Volkswagen de produire de nouveau la Fusca. Mais le scarabée ne put rien faire face aux citadines modernes. La voiture emblématique de Volkswagen do Brasil quitta la scène pour de bon, en 1996.
Ford Del Rey
Dans l'automobile Brésilienne, les solutions provisoires durent ! Dans les années 80, le marché atteignit le million de ventes annuelles. Pourtant, les constructeurs rechignaient toujours autant à apporter de vraies nouveautés. Ils se disaient (et ils se disent encore) que l'acheteur voulait avant tout frimer ; il ne s'intéressait pas à ce qu'il y avait sous le capot, à la tenue de route, la sécurité, etc.

En 1981, nouveau gros lifting et changement de nom pour la Corcel. La Del Rey marquait le retour de la 4 portes... Mais la plateforme restait celle de la R12. D'ailleurs, le moteur "Ventoux", hérité de la Dauphine, était toujours proposé !

Elle fut commercialisée jusqu'en 1991. Elle fut alors remplacée par la Versailles, une VW Santana "fordisée" !

Les mauvaises langues disent que Lana Del Rey s'est inspiré d'elle pour son pseudonyme.

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