Tactless fangirl

Après une semaine à San Carlos, retour à Manille. Fini de rire : il fallait faire des reportages ! Après tout, c'était le prétexte de ma venue aux Philippines...

Mon hôtel était en face d'un immense centre commercial. J'adore visiter les centres commerciaux, à l'étranger. A 60%, ils sont identiques d'un pays à l'autre. Reste les 40%, qui témoignent des goûts spécifiques aux populations locales...
Comme en France, les librairies se sont reconverties dans la papèterie (luxe et fantaisie), ainsi que les goodies (notamment les Funko Pop!) Les livres sont repoussés à la marge. Beaucoup de romans US, quelques biographies d'Hommes riches et célèbres... Et là, un tas de roman à l'eau de rose.

En plein milieu du présentoir, une Ferrari F430 F1 me fit de l’œil. Beaucoup de femmes fantasment sur les pilotes de course. Alain Souchon s'en moquait déjà en 1976 avec Bidon. Sauf qu'aux Philippines, le sport automobile reste confidentiel. Il y a une communauté de passionnés, mais le grand public ne s'intéresse pas au sport auto et surtout pas à ses quelques gloires locales...
Ça méritait d'en savoir plus. Et à 206 pesos l'ouvrage (3,72€), ce n'est pas ruineux...

Pour info, la voiture en couverture est la F430 F1 de l'école de pilotage Dream Racing de Las Vegas. Elle est dirigée par Enrico Bertaggia, qui avait tenté désespérement de se qualifier à un Grand Prix de F1 avec Coloni, puis Andrea Moda. Dream Racing possède quantité de voitures, de la 2cv (!) à une Caterham F1.

Il ne faut pas confondre cette école avec Exotic Racing (appartenant à mon ex-futur collègue Romain Thievin) et avec SPEEDVEGAS, toutes deux également basées à Las Vegas.
C.D. de Guzman (alias FrustratedGirlWriter) est l'un des auteur les plus prolifique de Wattpad. Il s'agit d'une application Philippine de romans à l'eau de rose. Tactless fangirl a même reçu le prix Grand Fans Day 2019, avant d'être disponible en version papier !

Après tout, elle vit de sa plume, elle a trouvé son public et elle est diffusée en librairie. Elle écrit des romans à trois francs, six sous, à la chaine, mais beaucoup de romanciers n'oseraient à peine rêver d'un tel succès. A commencer par votre serviteur...

C.D. de Guzman aime bien citer la bible. Le livre s'ouvre ainsi sur un verset (hors-sujet), puis une digression de l'auteur sur l'adoration de Jésus.
Ensuite, le roman alterne passage en anglais et en tagalog, sans transition. En même temps, l'intrigue n'est pas très complexe et rien qu'avec les passages en anglais, on arrive à suivre l'action...

Pamela (!) est une femme d'affaires autodidacte. Elle dirige Fresh Music, un label de musique classique, à Manille. Célibataire, elle possède une résidence secondaire à Cebu (grande ville balnéaire) et son hobby est de regarder les courses de Ferrari Challenge Asie-Pacifique. Elle admire en particulier un pilote Philippin, Richard Vernon (alias "River") Anderson Avilla.
Et qui achète la villa attenante à la sienne, à Cebu ? River Avilla ! S'en suit une romance, avec rebondissements ultra-prévisibles. Le pilote étant un homme à femmes et Pamela exigeant qu'il purge son carnet d'adresse... Pas question de scènes trop olé-olé. Le soir, ils regardent la Lune ensemble, puis chacun retourne dans sa villa ! A la fin, River Avilla l'épouse et il raccroche le casque (parce que le vroum-vroum, ce n'est pas une activité de père de famille...) pour devenir ingénieur compétition. Et Avilla-le-pécheur de clamer son amour de Jésus dans les toutes dernières lignes.

Ainsi, oui, même dans un pays où le grand public connait peu le sport auto, il est possible de faire rêver les femmes avec des histoires de pilotes... Sachant que Ferrari n'est présent dans l'archipel que depuis 2012. Autostrada, fondé par Wellington Soong, représentant officiellement le cheval cabré.

Ce qui me chiffonne le plus, c'est l'histoire du Ferrari Challenge. C'est une compétition pour gentlemen-drivers -souvent grisonnants- et ils courent à fond perdu. Dans la vraie vie, ce n'est pas avec ça qu'il aurait financé sa villa à Cebu !
Accessoirement, je doute qu'il y ait beaucoup de femmes qui en suivent les courses...
Le gag, c'est que Richard Vernon Anderson Avilla existe !

"R. Avilla", ça ne vous rappelle personne ? C.D. de Guzman s'est très largement inspirée de Rodolfo Avila (avec un "L".) Son deuxième prénom est d'ailleurs Silvério (ce qui sonne comme "River".) Pilote de British F3, puis de Carrera Cup Asia, Avila court actuellement en tourisme et il est également team-manager (et non ingénieur.)

Problème : Avila est un Portugais de Macao et non un Philippin. Ce qui explique pourquoi, dans le roman, River est toujours fourré à Macao et à Hong-Kong... Quant à son expérience au volant d'une Ferrari, elle se limite à une saison d'Asian Supercar Challenge, en 2008.

C.D. de Guzman n'avait pas le temps de faire de grandes recherches. Elle a donc mixé Avila avec un second pilote : Marc Soong. Fils de Wellington Soong, c'est un fan de Ferrari et un jet-setteur régulièrement interviewé. En revanche, il n'a pas un physique de jeune premier (NDLA : il commence systématiquement ses interviews en évoquant son surpoids.) Soong Jr a effectivement testé une Ferrari Challenge. Néanmoins, il était à l'arrêt. Du coup, il court en Toyota Vios Cup, ce qui est moins glamour...

La Ferrari Challenge, C.D. de Guzman l'a trouvée chez Angie King. La patronne de Car Porn Racing (sujet de mon prochain post) a effectué quelques apparitions, décrochant des victoires de catégorie. Surtout, elle a diffusé ses courses (avec son débriefing) sur YouTube (où elle tient l'une des principales chaine de voitures philippine.) C'est peut-être ça qui a aussi donné l'idée à C.D. de Guzman d'une femme qui regarderait des courses de Ferrari Challenge Asie-Pacifique.

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