Radford

Morris. Mini. Cooper. Radford. En quelques mots, on passe graduellement de « intéressant » à « très exceptionnel » : on dirait le meme « Vince McMahon reaction » !

Pour vous expliquer la raison de cet excitation, une présentation de Radford s'impose...

Radford
Guy Harold Radford ouvrit boutique à Londres, en 1948. Auparavant, Radford fut concessionnaire Rolls Royce-Bentley. Ce carrossier débuta par des Bentley et des Rolls-Royce. Il réalisa également des Aston Martin transformées en break de chasse. En 1959, H R Owen, négociant Londonien de voitures de luxe, prit le contrôle. Néanmoins, en 1963, Harold Radford reprit son indépendance. Il réalisa des prototypes (comme la Cortina Ogle GT de 1963 ou l’une des Shelby Cobra Daytona), mais il se diversifia avec une accessoirisation de voitures de plus grande série: Citroën DS Break, Vauxhall Cresta et… Mini Cooper.
Peter Sellers fut l'un des tout premier acheteurs du Mini Cooper Radford. La sienne était une conduite à gauche, immatriculée à Paris. Curieusement, il possédait également une Mini Cooper carrossée chez Hooper, à conduite à droite.

Les Beatles
Les Beatles ont vraiment décollé en 1964, avec A hard day’s night. Puis ce fut Help!, en 1965. L’argent coulait à flot et les Beatles cherchaient des moyens d’échapper au fisc. Brian Epstein, leur manager, fonda Brydor Cars. A l’origine, l’unique but de cette entreprise était de fournir des voitures au Fab Fours (et éviter qu’elles n’apparaissent dans leur patrimoine.)
Epstein fut apparemment un fan des Mini Cooper Radford. Il persuada les musiciens d’en acheter chacun une.
George Harisson en commanda une noire. En 1967, lors de la promotion de Magical Mystery Tour, il la fit repeindre dans un style inspiré de l’artisanat indien. Il la revendit à Eric Clapton.
Ringo Starr fit installer un hayon sur la sienne (inspirant la MINI R50 de 2000 ?) afin de pouvoir y charger sa batterie.
John Lennon en eu une.
Avec Paul McCartney, c’est plus compliqué. «GGJ382C», une Cooper 1275 Radford vert métallisé, apparue dans Magical Mistery Tour. Corgi la reproduisit. En 1967, lors d’une virée, McCartney prêta sa voiture à son dealer, Mohammed Chtaibi. Ce dernier perdit le contrôle, se prit un pylône et fut grièvement blessé. L’anecdote donna lui à la fameuse rumeur de la mort de McCartney. Or, il s’agissait d’une Mini noire. McCartney l’a-t-il faite réparée et repeinte à cette occasion ? Ou bien s’est-il tout simplement offert une nouvelle voiture ? Notez qu’en 1999, une Cooper noire 1965 immatriculée GGJ382C (mais sans CG) apparut dans le catalogue de Christie’s. Elle a du sans doute faire beaucoup rire les experts.

En 1964, une Mini 850 valait 478£. Une Cooper S était facturée 693£. Avec la préparation Radford, on atteignait 1 088£ ! Les Beatles étaient des fils d’ouvriers, certains avaient grandis dans des familles monoparentales, où chaque livre comptait. Pour eux, dépenser un millier de livres dans une voiture, c’était déjà un achat colossal. Alors qu’aujourd’hui, le moindre rappeur débutant roule en Ferrari…

Brydor Cars servit ensuite d’intermédiaire entre Radford et les show-business. Ginger Baker de Cream et Mike Nesmith des Monkees en eurent une. Le flamboyant footballer George Best, aussi. Quant à Mick Jagger, soucieux de préserver l’animosité supposée avec les Beatles, il acheta une Mini auprès d’un concurrent, Wood & Pickett !

Brian Epstein mourut en 1967 et Terry Doran prit sa succession comme manager des Beatles, responsable d’Apple Records et de Brydor Cars. Visiblement, cette activité de négociant lui plu et dans les années 80, il prit un panneau Saab.

Avec des royalties augmentant de manière exponentielle, les Beatles purent troquer leurs Mini Radford pour des Rolls-Royce Silver Cloud. John Lennon s’offrit une Austin Maxi pour les trajets quotidiens. Quant à Paul McCartney, après avoir eu une Jaguar Mk 2, on le vit arriver au studio au volant d’une XJ6, dans Let it be.

Radford, suite et fin
Radford fit faillite en 1967. Sans doute suite à une mauvaise gestion de la croissance. GH Radford rouvrit boutique peu après, sous le nom de Radford, Freestone et Webb. L’année suivante, il construisit le prototype de la De Bruyne Grand Sport, un projet mort-né. Il réalisa d’une Mini personnalisée. Le carrossier réalisa des conversions sur base Countryman, jusqu’en 1977. H G Radford prit alors sa retraite.
En 1989, le designer Chris Humberstone obtint son imprimatur pour créer une luxueuse Mini. H G Radford mourut en 1990 et six ans plus tard, sa marque disparut de nouveau des écrans de radar. En 2005, un tuner générique dévoila une MINI Cooper S Radford, sans grand intérêt.

Avec la généralisation des carrosseries monocoques et la production en grande série, y compris dans le luxe, les carrossiers étaient une espèce en voie de disparition. En Italie, ils muèrent en bureau de design et de prototypage. Or, en Grande-Bretagne, les constructeurs préféraient internaliser leurs travaux de conception.
Alors que la cause semblait entendue, la Mini Cooper et plus tard, le Range Rover et la Jaguar XJ-S offrirent un ballon d’oxygène à l’artisanat anglais. Sur ces véhicules de niche, certains clients désiraient davantage de personnalisation. Radford est un cas édifiant car il se situait à la croisée entre la carrosserie traditionnelle, son métier d’origine, les « speciality manufacturers » des années 70-80 et le tuning, qui commençait déjà à poindre.