Mille bornes en Alpine

L'Alpine A110, c'est le genre de voitures que l'on emprunterait volontiers pour un tour de circuit. Et au quotidien, que vaut-elle ? Une des "voitures de demain" sur laquelle je travaille à un problème de phares. Plutôt que de broyer du noir, j'ai décidé de faire la lumière. Cela concerne trois entreprises et ce sera l'occasion de jouer au Mille bornes (1) en Alpine A110 !

Depuis la fin du XIXe siècle, l'Ouest Parisien est le cœur de l'industrie automobile Française. Sièges sociaux, usines (Poissy et Flins), bureaux d'études, compétition, équipementiers de rang un et deux, pistes d'essai, parcs presse... Tout -ou presque- est massé dans le 78 et le 92.

Après tout, n'importe quel industriel souhaiterait s'implanter auprès de ses clients et fournisseurs. Qui plus est, tant en usine que dans les bureaux, vous disposeriez d'une main d’œuvre expérimentée.

Justement. On parle d'entité de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes. Impossible de connaitre les noms de tous vos collègues... Mais lorsque vous faites carrière dans le même métier, vous découvrez que le monde est petit...
Dans une entreprise, j'avais retrouvé deux anciens proches collègues de Renault. Et parfois, vous rencontrez des gens qui ont croisé des gens que vous avez connus. Dans une entreprise, on avait tous un certaine expérience... Sur cinq collègues, quatre avaient travaillé avec d'anciens collègues ! Au moins, cela rassure. Vous vous validez mutuellement !

Jour 1

C'est parti pour un road-trip professionnel ! Ma monture est une A110 Héritage avec en option jantes 18 pouces, étriers Brembo bleu Alpine, caméra et radar de recul, ainsi que rétroviseurs rabattable. Les baquets Sabelt avec surpiqures grises et les seuils de porte "A110" sont de série. Prix : 62 500€ (prix avec option 75 340€.)

Le 1,8l turbo 252ch rugit... Pour quelques secondes. Car la sortie de Paris et la descente sur l'A6 fut un calvaire : éboueurs, travaux sur l'autoroute, accident, pluie torrentielle...

6 heures, 15 minutes et 460km plus tard, me voilà enfin à destination, près de Lyon.

Comme bagages, je possédais une valise-cabine, mon ordinateur et une belle "liste de course". On a pu balayer tous les points.
Les réunions par Teams, c'est un outil formidable. Néanmoins, trop souvent, les gens n'osent pas poser des questions un peu hors-sujet ou revenir sur un point ancien. Une réunion en physique permet de balayer plus largement les choses. Vous êtes là, il faut en profiter !

A la sortie de la réunion, j'ai récolté pas mal de réponses, mais aussi de nouvelles questions...

Je n'étais jamais allé à Lyon. Ma grand-mère habitait sur les hauteurs de Chambéry. Lyon, pour moi, c'était surtout le tunnel de Fourvière et ses fameux bouchons... Bouchons que Michel Noir avait promis de résoudre. C'était un jeune homme politique intègre et destiné alors à un grand avenir. Nous ne pouvions qu'y croire...

En attendant, on m'avait conseillé de passer la soirée sur la Presqu'île.

Les Volkswagen Combi (Type 2 T1) sont devenus bien chers. Alors pour votre devanture de restaurant à thème, achetez un faux, made in China, comme celui-ci ! Le fabricant commercialise également des faux Citroën Type H !

Le restaurant en question était vide. Au moins, j'ai été servi rapidement !

Notez l'arbre en plein milieu de la salle, comme autrefois au Magic Burger de Bastille...

Jour 2

Le petit-déjeuner est avalé aussi vite que les 105km jusqu'à Valence ! Je suis même en avance à mon rendez-vous. 

Tandis que je patiente dans la salle d'attente, trois monteurs sont en pause-clope sur le parking :
"Oh, une Alpine !
- T'as vu ça ?
- Ouah... Et ça ?
- Oh la la..."

Beaucoup de constructeurs prétendent lancer des voitures aux lignes "spectaculaires" (NDLA : une mauvaise traduction de "spectacular".) Mais une vraie voiture aux lignes impressionnantes, c'est celle sur laquelle trois monteurs s'attardent, 6 ans après son lancement...

J'étais à Valence en septembre 2019. J'étais arrivé en fin d'après-midi. Je savais qu'il y avait eu de la F2 à Spa. A peine arrivé à l'hôtel, j'avais allumé mon ordi, près à taper le compte-rendu pour AutoNewsInfo... Je découvris l'accident grave d'Anthoine Hubert. On m'attendait en bas, alors je suis descendu. Et là, sur le grand écran de la réception : "Information : le pilote Antoine (sic.) Hubert est décédé."

Je l'avais interviewé quelques mois plus tôt (ainsi que Victor Martins.) 2019, il voyait ça comme une saison de galère, avec une équipe (Arden) en déroute et une équipière à l'arrêt. Il se projetait déjà sur 2020... Je pense sincèrement qu'il était dimensionné pour la F1 et qu'il aurait mérité un baquet dès 2021. Quelle tristesse.

Il faisait beau. Ça aurait été un temps à se promener dans Valence. Profiter du centre-ville et s'assoir à une terrasse...

Mais le devoir m'appelait. Avec l'entreprise Valentinoise, on a échangé des questions pour des réponses. Maintenant, je devais filer vers le nord-ouest. Sur l'A47, le décor devint vallonné. Puis, sur l'A71, cela montait franchement.
A une station-service, ce Land Rover Defender 90 tout crotté rappelait qu'ici, les quat'quat sont bien utiles...

Puis l'A71 se transforma en toboggan avant d'aborder les plaines du Centre. Il y a des coins que j'ai davantage visité que d'autres... A une époque, je me rendais souvent à Issou. Ça me fit drôle de repasser sur l'autoroute et de revoir le nom de cette ville...

Une fois, j'y avais pris un cliché de l'usine Vuitton et je l'avais diffusé sur les réseaux sociaux. Je trouvais cocasse de voir une marque si prestigieuse dans un cadre aussi peu glamour... Mais ensuite, on a commencé à me demander depuis combien de temps je travaillais chez LV, si j'avais des prix sur le sacs, si je pouvais refiler un CV à la DRH... Et parfois, lorsque je croise des contacts "IRL", on me demande si je suis toujours chez Louis Vuitton ! Et ce n'était qu'une photo, non-légendée...
Sur les réseaux sociaux, c'est tellement facile de se créer une fausse vie... 

Dans la vraie vie, vous rencontrez parfois des mythomanes. La mythomanie, c'est une pathologie. Un menteur -notamment un escroc- ne côtoiera que des personnes peu au fait de son "expertise". Par exemple, les faux pilotes ne donnent des interviews qu'à des médias ne traitant pas la compétition. Comme cela, ils ne seront pas capables de le contredire. A contrario, dès qu'un menteur comprend que son interlocuteur en sait plus que lui, il se dérobe ; il a saisi le danger d'être démasqué. Le mythomane, non. Le mythomane a envie d'impressionner son auditoire, en permanence. Il n'est pas capable de s'arrêter, quitte à se brûler.
Vous vous souvenez de cette entreprise où quatre de mes cinq collègues étaient d'anciens collègues d'anciens collègues ? Le cinquième, lui, rien de ce qu'il disait ne collait. Une fois, le midi, il lâcha :
"Quand j'étais chez Renault (NDLA : en prestation), en 1999, j'étais sur le projet X65. J'avais repéré quelque chose sur les plans. Je les ai demandé et ils les ont corrigé. Du coup, le lancement a été décalé de trois mois. Mais un jour, j'ai été convoqué au bureau du de Carlos Ghosn, à Guyancourt et le PDG m'a félicité..." Là, il y a au moins quatre incohérences dans sa tirade. En plus, on n'était même pas en train de parler de Clio ou d'erreurs de plans. Il avait juste envie de briller, comme ça.
Forcément, lorsque vous doutez de la véracité des propos quelqu'un, vous allez être plus attentifs et les preuves vont s'accumuler. Dans notre groupe de cinq vétérans de l'industrie auto, chacun avait fini par démasquer l'intrus...

Sans être un "hypermiler", on peut tenir un 6,5l aux 100km. C'est assez raisonnable pour une auto sportive sans hybridation. Mais attention, dès que l'aiguille approche la réserve, vous avez une sonnerie. Puis, sur le tableau de bord, l'autonomie restante est remplacée par un trait. De quoi angoisser le conducteur, alors qu'il reste de quoi parcourir une centaine de kilomètres...

Question subsidiaire : où se trouve le bouton pour ouvrir la trappe à essence ?

Le soleil était déjà couché depuis longtemps lorsque j'atteignis Tours. Un steak-frites à la cafétéria Intermarché et au dodo !

J'étais fatigué, mais je n'avais ni courbatures, ni muscles froissés. Le baquet Sabelt s'est bien occupé de mon fragile dos.

Jour 3

Il faisait encore nuit, lorsque je levais le camp. De toute façon, mon lit superposé (!) n'incitait guère à la farniente.

Le GPS me faisait prendre l'A28 jusqu'au Mans. Puis c'était l'A81. Encore un coin où je passais régulièrement. Mais cette fois, davantage dans un but récréatif... Nous étions à trois mois des 24 Heures du centenaire. Il n'y avait pas un chat. Seule une silhouette de Porsche 956 dépassant un Lola T70 (la DDE devrait mettre à jour son panneau) trahissait la présence du circuit...
Difficile de croire que le jour J, ce serait cette grande fête annuelle... Surtout que le plateau est alléchant, entre les hypercars et les LMDh. Mon pronostic ? La valeur sûre, c'est Toyota. Ils doivent démontrer qu'ils sont capable de s'imposer, alors qu'il y a plus d'un constructeur engagé. Aux 1000km de Sebring, c'était la prime à l'expérience. Mais la Floride, ce fut aussi une démonstration du potentiel des Porsche. Les Allemands s'offrent un double-programme WEC-IMSA, avec des pilotes maison. Pour moi, la 963 sera un outsider sérieux. Les autres semblent y aller avec la fleur au fusil. J'hésite entre un manque de budget et une méconnaissance des forces en présence...

Le GPS avait anticipé des bouchons sur la rocade rennaise. D'où une sortie de l'autoroute après Laval. Au moins, sur les départementales, j'ai pu me défouler un peu. Même en version "normale", l'A110 est parfaite pour l'attaque avec son moteur central et son petit gabarit. Même si la boite automatique n'est pas assez intelligente (y compris en mode "sport".)

Malgré le détour, j'arrive à bon port, près de Lorient, en avance. "Bon port", c'est bien le mot. La grande bleue était tout près. En témoignait les nombreuses mouettes. Notez aussi que par rapport à Valence, il y avait bien une dizaine de degrés d'écart...

De Lorient, je n'aurais principalement vu qu'une salle de réunion et le restaurant du midi. Néanmoins, ce fut un journée très productive, avec beaucoup de réponses. Pas forcément celles que j'attendais, mais je préfère des réponses franches à des réponses juste là pour vous faire plaisir.

Ensuite, pas le temps de s'éterniser. Il faut rentrer, sachant que le lendemain, c'est une journée de travail. Mon ultime arrêt Breton fut un plein d'essence. Dans le respect des stéréotypes, la station possédait un corner Armor-Lux et vendait des sablés. Une pensée pour Jean-Pierre Marielle et ses Galettes de Pont-Aven... Je ne suis pas vendeurs de parapluies avec "canne en bois de Java". Néanmoins, il conduisait une R16, voiture qui motorisa les dernières A110 (et les premières A310.)

Cap plein est pour 507km de route. Encore une fois, j'étais surpris par ma fraicheur à l'arrivée.

Epilogue

Vint le temps de rendre l'Alpine A110. Les moucherons, la boue et la poussière sur la carrosserie témoignent que j'ai bien roulé avec.

Globalement, j'ai été agréablement surpris. C'est une voiture très polyvalente. A vitesse autoroutière, le niveau sonore est acceptable. Sur les départementales Bretonnes, les suspensions gommaient bien les inégalités. Enfin, à l'issue de ce périple, aucun voyant, aucune alerte.
Il est donc possible de rouler autrement, sans faire de sacrifices (nonobstant l'habitabilité, bien sûr.)

En bonus : où se trouve le bouton pour ouvrir la trappe à essence ? Il n'y en a pas ! Il suffit de déverrouiller la voiture et d'appuyer sur la gauche de la trappe.

(1) En fait, j'ai parcouru très exactement 2 175km

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