Rétromobile 2023 : 8. 24 Heures du Mans
Il y avait en fait plusieurs rétrospectives. Au centre du hall 1, on trouvait 24 Françaises ayant disputé la classique Mancelle.
Cette Lorraine-Dietrich représentait l'entre-deux guerres. Il faut dire que l'époque ne passionne guère... Déjà, dans Le Mans, lors d'un rétrospective d'anciennes, un unique spectateur photographie un vieux roadster rouge. Alors quarante ans plus tard...
Pourtant, il y en a eu, des histoires incroyables : les Bentley Boys, Tazio Nuvolari fondant sur Achille Varzi tous phares éteints, Luis Fontès -vainqueur 1935 et premier pilote Brésilien d'envergure-, les Peugeot de Darl'Mat, les équipages 100% féminins, la Delahaye de Rob Walker, Robert Benoist et Jean-Pierre Wimille équipiers chez Bugatti, puis dans les FFI...
Au lendemain de la guerre, l'ACO remplissait sa grille comme il le pouvait. Les grosses cylindrées représentaient à peine une dizaine de voitures. Alors ils n'hésitaient pas à accepter des 4cv, 203 et autres Dyna X. La classe 1l était très disputée. Rapidement, on vit fleurir les barquettes à moteur Panhard, Simca et plus rarement, Renault. Un classement basé sur la consommation par rapport à la cylindrée -dit d'indice énergétique- avantageait les petits berlingots.
Après tout, bien préparée, une barquette pouvait atteindre les 160km/h. Une Ferrari -à l'aérodynamique de fer à repasser- dépassait à peine les 200km/h. Dans les Hunaudières, la différence restait acceptable. Dans les années 60, les protos firent un bond en performance, frôlant les 300km/h. Là, cela devenait dangereux. De toute façon, l'ACO n'avait plus de problème de plateau. Les protos de poche furent donc poussés vers la sortie.
Impossible de passer à côté de Matra ! Voici donc la 670 vainqueur en 1972 avec Graham Hill et Henri Pescarolo.
Le sport auto de la période 55-65 s'est quasiment fait sans les Français. La presse avait beau survendre les Talbot-Lago, Gordini et DB, le public n'était pas dupe. Alpine avait l'ambition, mais pas les moyens. Matra, lui, avait les moyens techniques et financiers. Les Français se mirent à rêver après cette longue période de disette. Le bilan en F1 fut plus que mitigé, mais Matra se vengea au Mans. En prime, voilà que des stars internationales comme Graham Hill ou Jack Brabham vinrent chez Matra !
Matra quitta le sport auto quasiment du jour au lendemain, mais il avait semé des graines qui allaient germer...
Avec l'arrivée des sponsors, ce fut brièvement un nouvel âge d'or des privés. Pour peu que vous ayez un partenaire capable de vous suivre financièrement, plus besoin de constructeur !
En 1975, Mirage s'imposa grâce aux seuls deniers de Gulf. Ligier avait failli faire de même. On vit fleurir les équipes ambitieuses : De Cadenet, Emka, Kremer... En France, Jean Rondeau, quasiment venu de nul part, convainquit les papiers-peints (!) Inaltera de commanditer la construction de sa voiture. Pour ses débuts, l'équipe put néanmoins recruter Henri Pescarolo, Jean-Pierre Beltoise et Jean-Pierre Jaussaud ! En 1978, Rondeau se brouilla avec son sponsor. Il parvint à récupérer une parti du matériel et créa la Rondeau M378 (un copier/coller de l'ancienne voiture) avec... Mais Inaltera poursuivit brièvement l'engagement ! En 1980, Jean Rondeau s'imposa avec la voiture qu'il pilota lui-même, aux côtés de Jean-Pierre Jaussaud.
Impliqué dans le développement de la première Venturi, Jean Rondeau fut tué sur le coup, dans un accident de voiture, en 1985. Sa structure poursuivit sous le nom de Synergie et créa la Furia, dans les années 90...
Pour ma génération, lorsqu'on pense "24 Heures du Mans" et "triomphe Français", on pense forcément à la 905.
Après le rallye et le Dakar, Peugeot voulait s'attaquer à l'endurance ! Pas question de faire de la figuration. Dassault, Esso et Michelin furent directement impliqués. Côté pilotes, Jean Todt aurait approché Ayrton Senna et Alain Prost. Il savait qu'ils allaient dire non, mais il se devait de les contacter... Jacky Ickx (pourtant retraité des circuits) aurait également été sur la "shopping list".
La 905, c'était aussi le crépuscule du Groupe C. Jaguar, Mercedes-Benz et Mazda jetèrent l'éponge. En 1993, les lionnes étaient bien seules sur la grille des 24 Heures du Mans. L'ACO ouvrit la porte aux GT, mais il s'accrocha aux "World Sportscar" jusqu'au bout...
Dans les années 90, Henri Pescarolo était un quinquagénaire toujours actif au volant ! On le vit sur Venturi en BPR (3 victoires) et avec Courage au Mans. En 1999, il pilota sa propre Courage, alors que les voitures "usine" étaient brièvement badgées Nissan. En 2000, "Pesca" fonda Pescarolo Sport et prit sa retraite de pilote.
A 58 ans, il avait l'age de prendre sa retraite. Après tout, il avait déjà fait beaucoup pour le sport auto. Mais non, par passion et par sens du devoir, il s'engagea. Les pilotes étaient souvent des anciens de la Filière Elf. Il fit ainsi rouler un Sébastien Bourdais alors au creux de la vague. L'argent manquait en permanence et à la régulière, impossible de battre les Audi...
L'apogée de Pescarolo eu lieu vers 2005, lorsque l'équipe recruta un pigiste de luxe au Mans : Sébastien Loeb. Ensuite, la FIA força Pescarolo a construire son propre châssis. André de Cortanze dessina la Pescarolo 01.
En 2011, après d'ultimes 24 Heures avec une Dome-Judd, Pescarolo Sport baissa le rideau. Le temps n'était plus aux artisans.
Pour finir, le nouveau défi Français, la 9X8.
Les 24 Heures du Mans 2023 s'annoncent palpitante, avec un nombre de constructeurs jamais vus depuis la fin des années 90. Mais ce qui leur manque, c'est un projet. Toutes les grandes épopées ont été portés par des patrons charismatiques, l'envie de développer telle technologie qui sera demain sur votre voiture, d'améliorer sa notoriété sur tel marché ou de suivre tel partenaire. Ici, non, il y a essentiellement un stratégie d'opportunité, avec les LMDh.
Parler de "passion" en 2023, cela put faire sourire. Mais on ne peut pas gérer une équipe qu'avec une vison comptable. Car, en sport, il n'y a qu'un seul vainqueur ! La jurisprudence de la F1 et de la FE, c'est qu'après une ou deux saisons, le conseil d'administration en aura marre de financer un équipe qui perd. La variante, c'est : "On va avoir besoin de n milliards pour notre nouvelle génération de VE. On va devoir faire des économies ici et là. Première étape : supprimer cette équipe qui coute cher et qui n'a rien gagné." Personne n'a la patience de Toyota ! Et je parie qu'en 2025, l'ACO pleurera pour remplir sa grille...
En bonus, une réplique de la Chenard & Walcker victorieuse des toutes premières 24 Heures du Mans, en 1923.
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