El Perstige
La CX, ce fut d'abord une déception.
Depuis la fin de la guerre, Citroën était LE fournisseur de la bourgeoisie française (et de ceux qui souhaitaient en imiter les usages.) Une hégémonie davantage culturelle, que commerciale. C'était surtout des voitures à la carrière interminable. La Traction Avant fut produite 23 ans. Après 19 ans de carrière, la DS allait passer la main... Plusieurs générations n'avaient connu que cette domination. En 1974, Citroën allait lancer une nouvelle grande berline et de nouveaux, elle allait envahir les parkings des ministères et des conseils d'administration pendant 20 ans. Et comme la DS avant elle, on allait la voir dans les films, en course, sur les pochettes de disques. La messe semblait écrite...
Lorsque l'on parle de Traction Avant, il s'agit en fait de quatre voitures (7cv, 22cv, 11cv et 15cv-Six) ayant peu en commun. Mais qui partageaient un même aspect général.
40 ans plus tard, la firme aux chevrons comptait refaire cela avec la CX. Le Projet L devait être une CX raccourcie et positionnée "D", afin de se rapprocher de la GS. Puis une CX recouvrant le périmètre de la DS. Et au sommet, la CX Prestige, une CX "SM-isée" (remplacée plus tard par une SM "CX-isée" signée Heuliez.) Précisons qu'à la tête de Citroën, Pierre Bercot avait cédé son poste à François Rollier, en 1970, lequel fut remplacé par Georges Taylor. Chaque PDG avait sa vision et les projets s'accumulaient. Pierre Bercot avait même songé à un gros lifting de la DS pour 1970, afin de prolonger sa carrière jusqu'à la fin de la décennie.
Bien sûr, les caisses étaient alors vides. En plus, avec la crise de 1973, les ventes de DS s’effondrèrent quasiment du jour au lendemain. Je soupçonne même Citroën d'avoir avancé le lancement de la CX. Peugeot pris une participation -d'abord minoritaire- dans la marque, y injectant de l'argent. Le lion fit le tri. Pas question de maintenir la SM ou de lancer une CX Prestige. Malgré l'adoption du 3,0l, il ne s'en vendit que 294 unités en 1974. En ce monde post-crise pétrolière, l'avenir des grosses cylindrées était incertain... Surtout, Peugeot ne voulait pas que l'on marche sur les plates-bandes de sa 604 ! Pour le reste, le Projet L et la "CXDS" furent fusionnées.
La CX avait donc un positionnement à cheval entre une D et une E. La CX 2000, la première commercialisée, était particulièrement sous-motorisée. La SM possédait un hayon. Mais curieusement, la CX se contentait d'une malle -peu pratique- comme la GS. Enfin, à cause d'un lancement précipité, elle connu des problèmes de jeunesse. Or, les garagistes non-citroënistes étaient paniqués à l'idée d'en ouvrir le capot...
Entre temps, Renault avait lancé une arme de séduction massive : la R20/R30. C'était tout ce que la CX n'était pas. Ou plutôt, ce que la CX aurait du être : une voiture statutaire, avec un hayon et un V6. Le tout avec des tarifs bien étudiés pour proposer un poil plus performant et un poil mieux équipé pour 1000 francs de moins que le chevron.
Dès 1984, la R20/30 céda sa place à la R25. La CX, elle, avait du se contenter de nouveaux boucliers. Or, avec le lancement de la BX, la grande Citroën avait pris un coup de vieux. Au moins, la BX avait forcé la marque à la repositionnée. Terminées, les CX à moteur de mobylettes !
En 1986, elle reçu enfin un lifting plus conséquent. Jean-Paul Goude tourna une publicité incroyable avec sa muse Grace Jones (dont il était l'ex-mari et le manager), mais c'était insuffisant. Les dernières années de la CX furent particulièrement pénibles. La R25 vous posait son PDG ou son ministre. La 505 était prisée des gros rouleurs. Et la CX ? Les Citroënistes avaient fait leur deuil dès les années 80 : elle ne sera jamais la DS ; il faudra attendre la prochaine. Restaient uniquement les fans de break ; la CX Evasion, avec son empattement long, avait un volume de chargement incroyable. Et grâce aux suspensions hydropneumatiques, votre cargaison d’œufs arrivait en l'état à bon port.
En 1989, la XM débarqua. Les Citroënistes prêtèrent serment : la XM était le successeur de la DS ; il n'y avait rien eu entre 1975 et 1989. La CX break fit un peu de rab'. Déjà ringarde sur la fin, la CX connu un traversée du désert. Ce fut le temps des baladurette et autres jupette : nombre de CX furent envoyées à la casse, sans aucun scrupule.
La campagne 1995 de Jacques Chirac fut une succession de coups de bol. Presque par hasard, le candidat s'orienta vers un positionnement "France du terroir", à l'opposé du style davantage "hors-sol" de son rival Édouard Ballardur. La CX du maire de Paris apparu comme un atout maitre dans sa panoplie. Élu président, il improvisa un tour d'honneur dans Paris avec. Elle apparu également dans de nombreux sketchs des Guignols de l'info.
Aujourd'hui, la CX sort enfin du purgatoire.
La voiture du jour est à vendre.
André Lurton était une figure des vignobles Bordelais : viticulteur, mais également président de syndicat et maire. Il possédait une imposante collection de voitures : "popu" Françaises, tracteurs agricoles, véhicules militaires de la Seconde Guerre Mondiale, quelques BMW, un Corvette SCCA... Et cette CX Prestige de 1976.
La Prestige, homonyme de l'ex-future CX "SM-isée", était rallongée de 25cm et elle inaugurait le 2,4l. La Limousine reprit son empattement allongée, tandis que la 2400 adopta son moteur.
La Prestige était prisée des ministères et André Lurton était persuadé que sa CX était une "ex-ministre". D'autant plus qu'elle possède une CB.
A sa mort, ArtCurial fut chargé de disperser la collection. D'ordinaire, les maisons de vente transforment les conditionnels en indicatifs. Mais là, ArtCurial était dubitatif sur l "ex-ministre".
Le propriétaire actuel, lui, y va franco ! Il présente ainsi cette CX comme transformée par Chapron et ayant appartenu à un homme politique !
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