Range Rover 1982 Camel Trophy par Mini GT

C'est un bel effet "Twingo verte" ! Il y a trois ans, j'avais acheté un Land Rover "Gamelle Trophy" de Mini GT (en fait, une copie.) Je pensais que ce serait la première et dernière fois que j'évoquais ce raid. Depuis, j'ai trouvé d'autres miniatures, un livre, roulé sur une piste d'essais et rencontré un ancien participant ! Tout ceci, par hasard. Et voilà que Mini GT sort un Range Rover "Gamelle Trophy". Il me le fallait ! On assimile le "Trophy" au Defender 110, mais d'autres véhicules ont été utilisés.

Comme d'habitude chez Mini GT, la miniature s'est faite attendre.

Mais ça valait le coup d'attendre. Le niveau de détail est époustouflant pour du 1/64e : équipement, sérigraphie... Jusqu'au détail des jantes. Le contrôleur qualité de Solihull aurait sans doute rêvé d'avoir des Range aussi beaux, en sortie de chaine...

L'air de rien, ça commence à faire une belle caravane de Land Rover au 1/64e !

Le "Gamelle Trophy", c'était d'abord un formidable coup marketing. Le marketing, c'est avant tout une question de flair. La chance, c'est lorsque vous gagnez au Loto ! La réussite, c'est savoir analyser une situation et anticiper des développements futurs.

Car la réussite est indéniable. D'une part, le dernier Trophy (sans voitures) a eu lieu il y a 24 ans. Mais surtout, dans certains pays, interdiction de dire le nom ! A commencer par la France. Comme si, à la vue d'une miniature, les gens allaient se mettre à fumer... En tout cas, c'est compliqué de l'évoquer. Et malgré tout, il s'est imprimé dans la mémoire collective.

Depuis Edward Bernays, en 1929, les cigarettiers visaient les femmes. Ils considéraient le marché masculin saturé. Ils avaient d'abord visé la femme au foyer, qui s'offraient une pause clope entre la lessive et la cuisine. Puis ils ont visé la femme émancipée, qui pénétrait des territoires réservés aux hommes (travail, sport...) et voulaient les copier jusqu'à leurs vices. Les Américains comparaient les cigarettes à la torche de la statue de la liberté !
Pour 1968, la CSI allait autoriser le sponsoring extra-sportif. Un des mécanos de Lotus sortait avec la secrétaire d'une agence publicitaire. Agence en charge notamment du budget Imperial Tobacco. Colin Chapman utilisa cette connexion pour entrer en contact avec le cigarettier. Jusqu'ici, le sponsoring consistait à apposer son logo sur le capot ou les flancs. La proposition de Colin Chapman, c'était de repeindre entièrement la Lotus 49 aux couleurs de "Feuille d'or". La voiture remporta le championnat. Peu après, "Rouge et Blanc" envoya Toulo de Graffenried. L'ex-pilote de Grand Prix avait des connaissances dans le paddock. Il put convaincre ISO, puis BRM d'adopter les couleurs du cigarettier. La F1 des années 70 avait des sponsors plutôt volatils et elle était plutôt dominée par les pétroliers. Néanmoins, bientôt, chez McLaren et Ligier, les cigarettiers sont à la fois DAF et DRH de l'écurie !

La F1 fut une poule  aux œufs d'or pour les cigarettiers. Rétrospectivement, cela semblait évident. Les pilotes (dont certains fumaient ostensiblement) étaient des gladiateurs version pop. Cheveux longs, vêtements bariolés, ils se baladaient avec une poupée à chaque bras. De quoi provoquer une envie d'imitation. On en revenait à Ernest Dichter, pionnier du marketing ! En plus, grâce aux journaux et à la télévision, ces publicités ambulantes étaient vues par des dizaines, voire des centaines de millions de personnes.
Ce consommateur plutôt jeune et influençable, RJ Reynolds lui a donné un nom : FUBYAS (First Usual Brand Young Adult Smoker ; jeune adulte fumeur qui s'attache à une première marque.) Si les cigarettiers avançaient à pas de loup en F1, c'était parce que le marché était dominé par les marques locales. RJ Reynolds voulait partir à la conquête du monde, en 1974. La RFA possédait de nombreuses bases Américaines. Les Allemands étaient donc familiers des marques Américaines. C'était donc un débouché naturel. Pour promouvoir "Chameau", pas question de se contenter de repeindre une F1 (ce qu'ils finiront pourtant par faire.) Il regarda du côté du cowboy "Rouge et Blanc". Les ados sont plutôt taciturnes et solitaires. Ils ont envie de frissons et d'ailleurs. RJ Reynolds créa le personnage de "Homme Chameau". Le législateur Allemand interdisait la publicité à la télévision, mais il avait la main leste sur le print. RJ Reynolds recruta Bob Beck, un acteur Californien fauché. Ancien basketteur, il avait cet air buriné, mais costaud. Accessoirement, en tant que blond à moustache, il ressemblait à un Allemand.
Au début, Bob Beck était envoyé dans divers décor exotique : jungle, désert... Il faisait du kayak, du rafting, de l'escalade, etc. Clope au bec. Reste que l'acteur était un citadin. Plusieurs séances photos faillirent tourner à la catastrophe. A la fin des années 70, RJ Reynolds préféra le mettre plutôt au volant d'un 4x4. Hasard ou coïncidence, cette mutation était contemporaine du début du Paris-Dakar.

RJ Reynolds avait compris qu'il tenait un filon. L'aventure était un créneau porteur, au cinéma (cf. L'homme de Rio...), en BD (avec notamment le Bob Morane cher à Indochine) et bientôt en jeux vidéo. C'était aussi le début des années frimes, de l'esprit de compétition. En 1979, RJ Reynolds Germany voulu mettre en place la "Transamazonienne Chameau", une randonnée pépère en 4x4. 

Au printemps 1980, six Allemands furent envoyés dans la forêt Amazonienne. Pour faire le lien avec les pubs, le cigarettier a récupéré trois Ford U-50 (NDLA : Jeep CJ-5) peintes couleur sable. Il n'avait pas vraiment d'uniformes, ni de logo. Bob Beck fit parti de l'expédition, le temps d'une séance photo. Notez aussi la présence d'un hélicoptère, avec déjà les goûts des images spectaculaires.
Le trophée eu lieu juste après la saison des pluies. Andreas Bender, le très jeune aventurier en charge de la préparation, n'avait pas prévu cela. Lui, il avait l'habitude de la survie en milieu hostile, mais les autres... Ce fut donc beaucoup plus sportif que prévu. Dès le premier jour, nos apprentis-aventuriers allaient d'un bourbier à un autre.et dans la forêt, ils furent surpris par la tombée de la nuit. Malgré tout, les équipages rentrèrent avec des sourires jusqu'aux oreilles.

Ainsi, le fiasco se transforma en succès. Précisons qu'en 1981, les voyages restaient un luxe. A fortiori pour des jeunes. La plupart des participants n'avaient probablement jamais pris l'avion. Certains n'étaient jamais parti à l'étranger. Et les voilà en Indonésie, tous frais payés ! Sans oublier le retour... RJ Reynolds avait généreusement photographié les participants. Les filles se bousculaient pour sortir avec un aventurier.
RJ Reynolds Germany voulu immédiatement en faire un second. Cette fois, il aurait lieu à Sumatra. Le cigarettier chercha un partenaire automobile. British Leyland cherchait justement à développer le marché Allemand et à promouvoir le tout nouveau Range Rover 5 portes. La voiture du second trophée fut donc... Un Range Rover trois portes !
Cette fois-ci, le raid s'appelait officiellement "Gamelle Trophy", avec un logo. Les voitures des équipages avait à peu près la même livré (l'assistance ayant des Range "Leyland") et ils leur avaient donné des uniformes (tee-shirt "Land Rover" et pantalons noirs.) 30 000 Allemands ont remplis un bulletin  d'inscription chez un buraliste. Pour la première fois, il fallu faire des sélections. RJ Reynolds cherchait des sportifs ou des habitués des travaux physiques. Cette fois-ci, la difficulté était volontaire !
Pour profiter du battage, Land Rover commercialisa un Range Rover "Trophy" couleur sable en Allemagne.

Les aventuriers de l'Arche Perdue, premier Indiana Jones, sortit peu après. D'aucun firent le parallèle.

Pour 1982, RJ Reynolds Germany convainquit d'autres filiales de participer. Les Pays-Bas, les Etats-Unis et l'Italie envoyèrent chacun deux équipages. L'Allemagne fit de même. Pour la première fois, il y a allait donc y avoir un pays vainqueur. Les participants portaient désormais des tee-shirt sable. Le "Trophy '82" se déroula en Papouasie-Nouvelle Guinée, un territoire cher à Barbet Schroeder.
De nouveau, la voiture est un Range Rover 3 portes (les six voitures de 1981 et dix nouvelles.) La création du parcours et l'assistance étaient sous-traités à un organisateur Australien. Du coup, les véhicules d'assistance étaient ses Patrol et ses Land Cruiser J40.
L'expédition pénétrait dans une jungle profonde. Ils atteignirent des villages qui n'avaient jamais vu de 4x4 auparavant. Un équipage Américain s'imposa. Comme de nombreuses multinationales, RJ Reynolds possédait une société pour les Etats-Unis et une pour le reste du monde. Les Américains voyaient d'un mauvais œil cette (bonne) création Allemande. Ils snobèrent l'éditions 1983 et songèrent à créer leur propre trophée.

1982 fut la dernière édition encore improvisée et encore germano-germanique. En 1983, il y avait cette fois sept nationalités. Land Rover fournit l'évènement en direct. Curieusement, il opta pour des Series III proche de la retraite. L'autre nouveauté, c'était la présence d'un technicien envoyé par Solihull.
Côté organisation, l'équipe s’étoffait d'années en années. L'évènement commençait déjà à être médiatisé hors d'Allemagne. RJ Reynolds invitait volontiers des journalistes à la course, mais aussi aux reconnaissances et aux sélections. Sans oublier la distribution généreuse d'autocollants et bientôt, les vêtements.

C'est tout pour cette fois. Mais qui sait, Mini GT prépare peut-être un Discovery ou un Freelander aux couleurs du raid. La caravane devrait encore s'agrandir...

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