Un air plus très neuf...

Voici une Renault 9 GTL, sortie entre 1985 (calandres 4 phares) et 1986 (avant le facelift.) Encore une victime des primes à la casse. Il faut dire que la malheureuse n'a pas grand chose pour elle...
Jusqu'au milieu des années 70, les généralistes avaient des stratégies bien distinctes pour cibler une clientèle la plus large possible. Des constructeurs comme Peugeot avaient une gamme de deux ou trois modèles, mais déclinés systématiquement en coupé, cabriolet et break. D'autres, comme Renault ou Simca optaient pour un large choix de modèles, avec plusieurs niveaux de finition, mais dans une seule carrosserie et avec une seule motorisation (plus éventuellement une version sportive.) Quant à Citroën, il avait tendance à proposer deux ou trois motorisations pour ses modèles.
Mais c'était du passé. Désormais, l'idée était proposer un large choix de modèles, dans plusieurs carrosseries, avec plusieurs motorisations (notamment avec la généralisation du diesel) et plusieurs niveaux de finitions. La tendance générale était à la montée en gamme (ce que Yves Dubreil appelait la "GTLisation".)

Oui, mais qu'est-ce qu'on met, dans ces gammes ? Avec le binôme 9 et 11, Renault se posait la question à voix haute.
La R9 débarqua en septembre 1981. Berline tricorps 4 portes ultra-classique, elle remplaçait à la fois la R7 Espagnole et la R12. American Motors fut impliqué dans la conception et dès 1982, sa cousine Alliance, proposée en cabriolet, débarqua.
En février 1983, la 11 apparue. Berline bicorps 3 ou 5 portes, elle supplantait les R6 et R14. Avec sa calandre à quatre phares et sa vitre arrière panoramique, elle se voulait plus originale. Surtout, elle était positionnée un poil plus haut en gamme, avec une finition TXE et un 1,7l 82ch qui n'étaient pas proposés sur la R9. Elle fut d'emblée produite aux USA (sous le nom d'Encore) et en Argentine (qui était encore un marché stratégique pour Renault.) Pour l'anecdote, la 11 inaugura la musique Johnny & Mary de Robert Palmer, qui devint le jingle Renault.

Les médias accueillirent la R9 avec enthousiasme. Elle fut d'ailleurs élue voiture de l'année 1982. Ils louaient sa tenue de route, son freinage, son amortissement et sa dotation en équipement (alors que la R9 n'était proposé que dans des finitions d'entrée de gamme !) Il faut croire qu'en France, personne ne croyait à la compact avec hayon. On n'était pourtant 7 ans après le lancement de la Golf. La Fiat Ritmo (1978), la Talbot Horizon (1979) et bientôt l'Austin Maestro (1983) étaient des bicorps. La Kadett (1979) et l'Escort (1980) s'étaient muées en bicorps. Les seuls tricorps, comme l'Austin Montego (1984) ou la Seat Malaga (1985), étaient placés au-dessus des variantes bicorps et elles lorgnaient sur le segment "D".
En résumé, en 1982, Renault était le seul à croire encore à un tricorps bas de gamme, de segment "C"... Notez néanmoins, que ni elle, ni la R11 n'avait de concurrente directe en France. La GSA et la 305 connaissaient une fin de carrière interminable. La 309, un Talbot "Peugeot-isée", fut écrasée par la 205 et la 405. Quant à Citroën, il ne se joignit à la danse que beaucoup plus tard, avec la ZX...
Par la suite, Renault aligna la gamme de la 9 sur celle de la 11, avec le 1,7l et la TXE. En 1985, la plupart des versions (sauf la C et la TL) reçurent la calandre 4-phares de leur sœur. Ici, donc, c'est une GTL, équipée du 1,4l 68ch de la TL, mais avec une boite à 5 rapports. De quoi atteindre 160km/h. Prix : 61 600frs. A comparer aux 63 150frs d'une Golf C 5 portes 75ch, moins bien équipée, mais plus performante et beaucoup mieux finie...

Les 9 et 11 furent victime de la politique interne. Elles étaient l’œuvre du plan de modernisation de Renault de Bernard Hamon. Une entreprise franchouillarde, avec des voitures "popu", tournée vers l'Espagne, l'Argentine et les Etats-Unis. Fin 1984, il était remplacé par George Besse. Besse croyait en l'Amérique, mais plutôt avec des moyennes cylindrées et des 4x4. Début 1987, ce dernier était abattu. Place à Raymond Levy. Il était l'antithèse d'Hamon. Il voulait des voitures ayant du caractère, mieux équipées et mieux motorisées. La R21 (dévoilée fin 1985, donc sous Besse) correspondait à ce nouveau credo. Côté exportation, Tintin pour l'Amérique ! Renault visait désormais l'Allemagne et la Grande-Bretagne (avec la campagne choc "Nicole" de la Clio.) Des marchés plus compétitifs que l'Espagne et l'Argentine, mais où le pouvoir d'achat était nettement plus élevé. Comme tout PDG nouvellement nommé, Levy dit grosso modo : "Ce que mes prédécesseurs ont fait, c'était du caca." Il a débauché Patrick Le Quément de Ford et lui a offert un palais, le tout nouveau Bureau du Style.
A l'été 1988, la R19 arriva. En matière de design et de qualité perçue, il n'y avait pas photo ! Elle était accompagnée par un Espace relifté. Puis ce fut la R21 reliftée, avec les versions à hayon. Enfin, après un teasing d'enfer, la Clio déboulait au Mondial de Paris 1990. Dans ce maelström, les 9 et 11 étaient complètement ringardisées. De même que quelques années plus tôt, la 205 avait balayé les 104, 204/304 et autres 305...

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