Force rouge !

Lors de mon jogging dominical, mon radar à youngtimers a détecté une Mazda 323 4 portes, parquée là depuis quelque temps. C'était sur une montée, donc forcément, j'allais moins vite à cet endroit (et j'avais davantage de temps pour regarder le décor...)
Il y a un mois, j'avais surpris une 323 de cette génération. Mais une 4 portes, c'est encore plus rare ! Alors que je suis sûr que d'aucun se focaliserait davantage sur le Porsche Cayenne garé à côté...
Cette Mazda 323 est équipée du même moteur 1,3l 68ch et elle est dans la même finition LX que l'autre. La différence, c'est donc cette carrosserie 4 portes. Comme je l'ai dit hier, avec la R9. Les tricorps "popus" de segment C étaient clairement en perte de vitesse. La tendance était de positionner la tricorps un peu au-dessus de la bicorps. Cette 323 4 portes eu donc une carrière encore plus discrète que sa sœur. Or, dans les années 80, la 323 5 portes n'était déjà pas très répandue...
Le Japon de la fin des années 80 était une période très intéressante. Surtout les années 1988-1992, quelques temps après cette 323 "New Familia". Les éléments les plus visibles de cette époque, c'était la Mazda MX-5, la Lexus LS400 et la Honda NSX. Des voitures qui affirmaient sans complexes qu'elles allaient respectivement balayer les roadsters Britanniques, les hauts de gamme Allemands er les GT Italiennes ! Et la face immergée de l'iceberg, c'était des projets comme Amati, la Lotus/Isuzu de F1 ou la Jiotto Caspita (une supercar créée par un héritier de magasins de lingerie !)... Les Japonais allait conquérir le monde !
Pourtant, en regardant cette modeste 323, on voit mal comment elle aurait pu donner des insomnies à Fiat, Opel et Volkswagen, les ténors du marché Européens...

Durant les années 70-80, les Japonais avaient conquis l'électronique grand public et les 2-roues. Non seulement ils avaient marginalisé les marques occidentales, mais ils avaient une avance technologique conséquente. Terminées, les caméras vidéo qui pesaient un quintal ou les motos sportives qui tombaient en rade au bout de 100km ! On craignait donc pour l'automobile.
De plus, depuis L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme de Max Weber (1904), on pensait que capitalisme et protestantisme était liés. L’entreprenariat privé était contemporain des 95 thèses de Martin Luther. Pour Karl Marx, le monde capitaliste commençait et s'arrêtait à l'occident (soit la côte est des Etats-Unis et l'Europe des Neuf.) Et voilà qu'une puissance industrielle extra-occidentale émergeait, en contradiction avec toutes les théories économiques ! Dans Confucianisme et Taoïsme (1916), Weber avait pourtant démontré que le confucianisme, avec son projet collectiviste, tuait tout entreprenariat.
Jusque dans les années 60, les Américains regardaient les Japonais avec condescendance. Ils leur bradaient des transferts de technologie. Et voilà que l'élève dépassait le maitre ! Ces mangeurs de poisson cru, avec leur écriture illisible, se montraient redoutables. Quel était leur secret ? Taiichi Ohno, néo-retraité de Toyota, avait écrit un livre assez confus. Shigeo Shingo su exploiter le filon, à coup de best-sellers et de conférences européennes à guichet fermés. Bâtir son produit autour des exigences du client (y compris en terme de prix), au lieu de produire, puis chercher à fourguer son produit ensuite.
L'erreur de Weber, c'était de n'avoir pas su appréhender la bourgeoisie Chinoise et Japonaise de la fin du XIXe siècle. Des fils prodigues qui utilisaient leur famille étendue, puis leur clan, pour mettre en place de très grandes entreprises (cf. Mitsubishi, puis Toyota.) En s'appuyant justement sur l'interdépendance de l'individu vis-à-vis de son environnement proche pour lever des capitaux et des moyens techniques. Et toujours dans un société confucianiste, l'ouvrier se devait d'exceller, pour le bien de tous et il devait obéir quasi-aveuglement à son chef.

Quoi qu'il en soit, une fois le vent de panique passé, les investisseurs étaient unanimes : il fallait tout miser sur le Japon ! L'archipel était appelé à un grand destin et il y avait beaucoup d'argent à gagner. Tant pis pour la prise de recul et les outils d'audit. A force de recevoir des roses (et une pluie de billets verts), les Japonais avaient fini se persuader qu'ils étaient invincibles. D'où ces délires mécaniques. Les Coréens firent de même quelques années plus tard. Puis ce fut le tour des Chinois vers 2005-2008... Sans oublier les gesticulations actuels d'Elon Musk et de ces mauvais clones.
J'aime ces périodes de folie, qui produisent de grands projets. Le rationalisme est souvent trop conservateur. Et c'est rigolo de voir ces donneurs de leçons foncer à pieds joints dans des chimères. Comme Carlos Matos (alias "Bitconeeeeeeeeeeeeeeect !")

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