Citroën...

Encore un livre sur Citroën. En l'occurrence, une réédition de Citroën, l'histoire et les secrets de son bureau d'études, par Roger Brioult. C'est La Vie de l'Auto qui s'en est chargé.

Certes, on peut soupçonner LVA de vouloir surfer une dernière fois sur la vague du centenaire de la marque aux chevrons. Mais c'est aussi car Citroën fascine...
Roger Brioult se définissait comme un "journaliste-mécanicien". Ancien de la SNECMA, il fut la cheville ouvrière de la Revue Technique Automobile. En 1973, à 52 ans, il prit du recul. Sa santé étant déclinante, il voulu écrire un livre-testament sur Citroën. Cela donna 14 ans plus tard Citroën, l'histoire et les secrets de son bureau d'études.
En 1988, Brioult acheta l'ultime 2cv produite en France (les derniers modèles étant exclusivement assemblés au Portugal.) On lui vola cette voiture en 2012 et les malfrats la brulèrent ensuite. Le journaliste, déjà très affaibli, ne survécu pas au stress de la perte de son véhicule.

Citroën... est davantage une espèce de thèse de fin d'étude. L'édition originale fut publiée à compte d'auteur et tout Citroëniste digne de ce nom se devait d'en posséder un exemplaire.
Roger Brioult écrit un paragraphe digne d'un roman à suspens, sur Pierre Boulanger... Puis il explique qu'il n'y aura pas de ça chez lui. "Just the fact, ma'am" comme disaient les détectives de Dragnet ! Il est là pour parler histoire et technique, pas pour écrire des romans !

Cela peut faire sourire car Brioult avait traduit en français Unsafe at any speed, de Ralph Nader. Or, le jeune avocat avait privilégié les effets dramatiques à la véracité des faits...

Quoi qu'il en soit, Citroën... est un livre de la vieille école. Beaucoup de textes et peu d'illustration (principalement des schémas.) La première photo n'apparait qu'en page 8 !
Jusque dans les années 50, les constructeurs n'avaient pas de service presse ou communication. C'était d'autant plus vrai chez Citroën, où l'on se méfiait des journalistes, comme de la peste. Jacques Wolgensinger parviendra à infléchir le constructeur et à en ouvrir les archives.

C'était sans doute le fait que les portes soient fermées à double-tour qui attisait d'autant plus des gens comme Brioult. Il faisait parti d'une génération de journaliste habités par la recherche de la vérité. Puisque la porte était fermée, il allait entrer par la fenêtre ! Et en tant que mécanicien, il était comme un poisson dans l'eau, dans cet univers d'ouvriers en blouses blanches qui travaillaient sur des prototypes, dans de petits hangars.
Ce livre est donc une plongée dans les bureaux d'études de Citroën, de 1916 au début des années 70. Avec une focalisation toute particulière sur la Traction Avant, la 2cv et la DS.

On reste entre les murs de Citroën, loin du glamour des "Croisière", de la Tour Eiffel illuminée ou des frasques d'André Citroën.

Cela donne une ouvrage assez austère, très technique. Par exemple, pour évoquer la 22cv, Roger Brioult met l'accent sur un tableau comparatif avec la V8 Ford.
En 1985, cette présentation était déjà désuète, alors en 2020...
Le livre s'achève par une série d'entrevues.

Les stars, comme Jean-Albert Grégoire sont l'exception. Ingénieur indépendant, il fourni à la Traction Avant ses joints homocinétiques. 15 ans plus tard, il réapparut avec les suspensions "Grégoire", derivé d'un travail précédant chez Hotchkiss.
Il y a surtout des interviews d'anonymes. A la fin des années 70, nombre de témoins étaient encore de ce monde. Leur parole était d'autant plus libre qu'ils étaient à la retraite.

Un certain M. Chinon, né en 1900, fut l'un des tous premiers employés de Citroën, en 1916. Il assista ainsi à la mutation de l'usine d'obus en constructeur automobile. Bien plus tard, il devint "responsable véhicule" (NDLA : on ne parlait pas encore de "chef de projet") pour la 2cv.
André Lefèbvre a droit à deux hommages. Il fut l'un des principaux "pères" de la Traction Avant et de la DS. Il est mort en 1969 et n'a pu donc être interviewé lors de la préparation du livre. Brioult interrogea à sa place sa veuve et ses fils.

L'équipe de mise au point de la Traction Avant était peu ou prou l'ancien bureau d'étude de Voisin. L'occasion pour l'auteur d'évoquer son grand ami Gabriel Voisin et ses voitures.
Ce livre est donc écrit à la première personne, avec des témoignages de première main. Un gros avantage par rapport aux livres ultérieurs.

Le livre fut réédité tel quel. Certains regretteront qu'il n'ait pas été toiletté, avec une maquette plus aérée et des termes plus modernes (sans tomber dans le kikoo lol...) D'autres apprécient cet aspect brut, toujours dans l'esprit d'une capsule temporelle.

Quoi qu'il en soit, c'est un incontournable pour le fan de Citroën ou plus généralement, ceux qui s'intéressent à la conception automobile. Et notez qu'il y a un Tome 2...

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