Serpent en fibre de verre

Le 29 octobre, il faut croire que tout le monde voulait rentrer chez lui le plus vite possible. Au moins, ça m'a permis de croiser cette Cobra. J'ai déjà évoqué AC-Bristol, mais curieusement, jamais la Cobra. Il faut dire que son histoire est archi-connue. C'était la quintessence de la sportive artisanale à moteur avant.

Comme il s'agit d'une réplique, je vais plutôt évoquer la fibre de verre.

Le premier matériau employé pour le transport, c'était le bois. Un matériau on-ne-peut-plus diffusé : vous alliez à la forêt voisine et vous pouviez débiter des troncs ! Son défaut, c'est que c'est une matière organique : il travaille et finit par pourrir. L'acier était connu depuis la haute antiquité, en Inde. Mais il n'a connu son âge d'or qu'au milieu du XIXe siècle. Par rapport au bois, il était plus léger, plus malléable, plus résistant dans des conditions hostiles... Le souci, c'était la fabrication, en partant d'une feuille d'acier. Soit vous la marteliez jusqu'à obtenir la forme voulue. Ce qui requerrait un savoir-faire très spécialisé et il était impossible de réaliser deux pièces identiques. Soit vous employiez une presse et vous pouviez produire à grande échelle. Néanmoins, entre la mise en marche de la presse, la réalisation du moule, l'outil éventuel, c'était un process lourd. Le cuivre et l'aluminium avaient peu ou prou les mêmes défauts.
Durant la seconde guerre mondiale, les armées désiraient un matériau industrialisable en grande série et au processus de fabrication très flexible. L'armée nazie, à la fin du conflit, se tourna vers le contreplaqué et le carton pour construire des avions et des sous-marins (avec le résultat que l'on devine.) Ce n'est que dans l'immédiat après-guerre que les Américains examinèrent la fibre de verre. Jusque là, elle n'était employée que pour la laine de verre. La fibre de verre était a priori ce matériau miraculeux. Vous preniez un moule en PVC, vous le badigeonniez de vibre de verre, vous faites sécher et voilà ! L'armée s'en désintéressa, mais il fut immédiatement employé dans le nautisme et l'aviation de loisir.
Dans la foulée, on songe à employer la fibre de verre dans l'automobile. Chacun pourrait réaliser la carrosserie de sa voiture ! Avec son Allied Swallow (un clone de Cisitalia), Bill Burke fut le premier artisan à proposer une voiture en fibre de verre. Bill Tritt, lui, rêva de convaincre les constructeurs. Sa Glasspar aurait été inspectée par GM, ce qui leur permit de développer la carrosserie de la Corvette. Notez que Burke fouinait dans les surplus militaires et Tritt arrivait du nautisme de loisir.
Le vrai décollage eu lieu en 1963. Ancien marin, Bruce Meyers avait travaillé sur la conception de canots militaires en fibre de verre. Il connaissait bien ce procédé. Et lorsqu'il songea à un véhicule pour franchir les dunes Californiennes (pour atteindre les surfeuses spots de surf), il employa une carrosserie en fibre de verre. Il la posa sur un châssis de Cox et le buggy Meyers Manx était né.
Bientôt, les Etats-Unis, puis l'Europe, se couvrirent d'artisans. La Grande-Bretagne, qui avait toujours eu des micro-constructeurs, adopta l'idée. D'autant plus que Ford et BMC avaient l'habitude de vendre des moteurs seuls. La fibre de verre permit de se plier aux modes : buggys, répliques de MG série "T", de Lotus Seven, de Cobra, de 356, de Countach... En France, la spécialité, c'était plutôt les petites voitures de sport : Fournier-Marcadier, Jidé/Scora, SOVAM, etc. Initialement, la Venturi aurait du être une GT de poche, à moteur de Golf GTI. Dans les années 80, l'hexagone prit le virage des répliques : De La Chapelle, De Clercq, Martin, PGO... Même André Marcadier tenta une reconversion !
L'âge d'or prit fin dans les années 90-2000. Avec le pot catalytique et l'électronique, il n'était plus aussi facile de monter un moteur. Accessoirement, des constructeurs comme Bugatti, Ford ou Porsche commencèrent à déposer le dessin de leurs modèles passés. Et les contrevenants d'être trainés devant les tribunaux.
Accessoirement, la fibre de verre ne résiste pas aux crashs. Et il ne faut pas lui demander une reproductibilité parfaite. Dans la grande série, les jours entre deux panneaux ne passaient plus. Cela précipita la chute de Matra, dernier fidèle de la fibre de verre. On ne l'utilise plus pour les pièces d'aspect.

Mais les matières plastiques n'ont pas dit leur dernier mot. Avec l'impression 3D, le plastique revient en force dans le prototypage. Les tentatives pour réaliser des éléments de série sont restées lettre-morte. La technologie est trop complexe et l'aspect n'est pas acceptable pour le public.
En revanche, pour un rendu, une impression 3D est beaucoup plus parlante qu'un fichier Autocad.


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