2 CV l'aventure en rallye-raid

Un livre. Pour une fois, il ne vient pas de Glénat, mais d'ETAI ! Il s'agit de 2 CV l'aventure en rallye-raid, par Aurélien Charle. 

Comme son nom l'indique, cet ouvrage traite des raids 2cv. Les raids Citroën des années 70 (Paris-Kaboul, Paris-Persépolis-Paris, Raid Afrique...), mais aussi les expéditions organisées par des particuliers.

L'auteur a réalisé une demi-douzaine de livres, dont un sur Citroën et un autres sur la 2cv. C'est un collaborateur de CarJager. Donc il maitrise son sujet. Par contre, pourquoi est-ce que les tournures passives sont-elles privilégiées par lui ?

L'air de rien, je commence à posséder un beau paquet d'ouvrages consacrés à Citroën ! Et encore, je ne vous mets pas les hors-série de revue, les dossiers de presse et tous les livres où la marque au chevrons occupe une belle place...

Il est vrai que certains éditeurs ont profité du centenaire pour tenter de surfer sur la vague. Néanmoins, l'histoire de la marque est passionnante. Notamment ces raids, qui ont eu lieu à intervalles réguliers dans l'histoire de la marque. De la Traversée du Sahara (1922-1923) au Paris-Samarkand-Moscou (1997), 75 ans d'aventures...

Les moyens déployés lors des raids Citroën de l'entre-deux guerre étaient impressionnants. Sur la Croisière Jaune, par exemple. Il y avait 11 autochenilles et 41 personnes (principalement des scientifiques, d'anciens militaires et des mécaniciens.) L'expédition demanda trois années de préparation et elle dura 10 mois.

Cela marqua sans doute une génération d'aspirants-aventuriers. Ils s'imaginaient que s'ils voulaient parcourir le monde, il leur faudrait eux aussi des moyens techniques, humains et financiers colossaux...
En 1936, Jan Procházka et Jindřich Kubias firent un tour du monde en 80 jours, avec une Škoda Rapid. Ils avaient le soutien du constructeur, mais ils étaient seuls. Néanmoins, qui avait entendu parler de cet exploit, hors de Tchécoslovaquie ?

Avec la 2cv, les classes moyennes avaient enfin accès à la motorisation de masse. Cette bête de somme était a priori increvables. Mais jusqu'où pouvait-elle aller ? 

Michel Bernier, concessionnaire Citroën à Paris et un ami médecin, Jacques Hugier, effectuent un tour de la Méditerranée, en 1952. Prudents, ils embarquèrent 250kg de pièces détachées (soit l'équivalent d'une demi-voiture !)
En Yougoslavie, les routes n'étaient pas goudronnées. En Libye, il n'y avait pas de route tout court. Pour autant, au bout d'un mois, ils revinrent à bon port.

Plusieurs articles couvrèrent le périple de Bernier et Hugier. Nul doute que leur exemple inspira.

Aurélien Charle énumère les expéditions. Une collection d'images insolites, de 2cv dans des endroits où jamais une voiture n'avait posé les roues. Les aventuriers étaient toujours plus jeunes, allaient toujours plus loin, avec toujours moins d'équipements... Mais la 2cv tenait toujours le coup ! C'étaient des anonymes jouant à Tintin, au bout du monde. Malgré eux, ils étaient témoin des soubresaut des années 50, 60 : la fin des colonies et des protectorats, la recomposition géopolitique du Tiers-Monde...

En 1960, deux docteurs en pharmacie fraichement diplômés, Jean-Claude Boudot et Jacques Séguéla, effectuèrent un tour du monde. Ils en tirèrent un livre, la Terre en rond. Ce n'étaient ni les premiers, ni les derniers, mais leur épopée fut médiatisée. A force de trainer sur les plateaux et dans les rédaction, Séguéla abandonna la pharmacie au profit de la publicité, mais c'est une autre histoire...

Et Citroën ? Jusqu'ici, le constructeur oscillait entre indifférence et mépris. Même s'il sponsorisa Boudot et Séguéla. La communication du constructeur était réduite au strict minimum. René Bellu n'a pas retrouvé de traces de brochures consacrées à la 2cv. 

1960, c'était aussi l'année où la firme aux chevrons embauchait un directeur des relations publiques, Claude Puech. Charles Gautrelet, le directeur des ventes en réclamait un depuis son arrivée en 1953 ! En 1962 sorti le premier catalogue de la 2cv. Séguéla y posa aux côtés de la 2cv de La Terre en rond.

La petite équipe des relations presse Citroën s'étoffait petit à petit. Le jeune Jacques Wolgensinger devint directeur de la communication. Écrivain à l'occasion, il signa notamment L'épopée de la Croisière Jaune, en 1970. Depuis l'épopée de Boudot et Séguéla, son bureau était envahi de demande de financement.
Pourquoi ne pas organiser une expédition Citroën, comme au temps des "Croisières" ? Sauf que les temps avaient changés. Plus question de faire de l’ethnographie amateur ; il s'agissait d'embarquer des jeunes dans une aventure. Ils fournissaient la voiture, Citroën s'occupait de la logistique (assez sommaire, au début.)

Le 1er août 1970, le Paris-Kaboul quitta Rungis. Wolgensinger espérait 100 candidats ; ils furent 1 300.

Les aventuriers en herbe des années 50-60 étaient bien timides. Les baby-boomers, eux, n'avaient aucune inhibition. Ils voulaient conquérir le monde, au propre comme au figuré. De plus, Les Chemins de Katmandou était sorti au cinéma en 1969 et chacun voulait son remake. Néanmoins, au début des années 70, l'évènement devait se vivre à la première personne du pluriel, comme à Woodstock. Il n'y avait pas de classement ou de compétition.

Après le Paris-Kaboul, ce fut le Paris-Persépolis-Paris. Il y avait trop de candidats. Les dossiers rejetés furent qualifiés pour le Raid Afrique. Wolgensinger en parla dans ses propres livres. Aurélien Charle ne peut rivaliser avec cet homme qui fut à la fois l'organisateur, le participant et l'historien de ces épreuves.
Il se contente de s'amuser de ceux qui voulaient frimer, au point d'en casser leurs 2cv...

Le Raid Afrique eu lieu en novembre 1973. Quelques mois plus tard, Peugeot rachetait Citroën et mettait fin aux raids. Depuis, à l'instar des autochenilles, les 2cv Raid sont en bonne place dans les rétrospectives

Le second coup du sort fut géopolitique : l'Afghanistan, l'Iran, le Liban puis l'Iraq entrèrent en guerre, coupant la route de l'Asie. Alors qu'on attendait une implosion du bloc de l'ESt, dans la foulée du Printemps de Prague, ce fut au contraire un ultime tour de vis. Trieste faisait désormais figure de terminus.
Cet ultime Raid 2cv en Afrique était prémonitoire. Le Ténéré était la nouvelle terra incognita. Les frères Pontabry, Philippe de Dieuleveult, des deuchistes, s'y mesurèrent en 1972 et 1974. En 1977, lors de l'Abidjan-Nice, un motard, Thierry Sabine, s'y perdit. Il eu alors l'idée d'un raid traversant le désert. Néanmoins, fini Woodstock : cette fois, ça serait une vrai course !

Le Paris-Dakar annonçait les années 80. Le retour en force de l'individualisme. C'était l'arrivée des dossiers de sponsoring, des équipes professionnelles, des images chocs, tournées pour les TV privées.

Il y eu des 2cv lors des premiers Paris-Dakar. L'assistance médicale était composée de Mehari 4x4. Pour autant, le quat'quat s'imposa vite dans les rallye-raids. Le deuchiste, c'était un has been, un baba-cool complètement déphasé. Même Citroën souhait désormais pousser la 2cv vers la sortie. D'ailleurs, en 1988, lorsque le constructeur organisa son premier raid en 15 ans, il s'appuya sur l'AX.

Les gentlemen-frimeurs du Dakar furent eux-mêmes chassés par la professionnalisation et l'escalade des budgets. Les rêveurs des années 70 prirent leur revanche. Les Pionniers de la Route propose ainsi des raids 2cv comme à l'époque. Les cheveux blancs en plus.

Là, Aurélien Charle est un peu en roues libres. Il oublie d'évoquer la virée dans le désert Marocain d'Emile Leray ou le Vintage Car Club (les 2cv Cochonou du Tour de France.) Il se trompe sur l'année de naissance de Rétromobile. Et en prime, il y a une affreuse C4F de La cloche Tibétaine présentée comme une ex-Croisière Jaune.

En tout cas, l'ouvrage se termine sur une note d'optimisme. Il est plus qu'incontournable pour le deuchiste ou le Citroëniste.

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