Deadly Driver
Entamons 2022 avec un roman. J.K. Kelly vient de publier à compte d'auteur un sixième livre, Deadly Driver. L'histoire d'un pilote de F1 devenu malgré lui tueur pour la CIA. Autosport, David Hobbs et Hurley Haywood ont encensé l'ouvrage. Je sais que c'est une fiction, mais je m'attendais à ce qu'il soit saupoudré de "off" de F1.
J'étais indulgent vis-à-vis de Tactless fangirl. C.D. de Guzman écrit des romans à l'eau de rose, vendus 206 pesos philippins (moins de 4€), à la chaine. Elle avait extrapolé une histoire autour d'un article sur Rodolfo Avila et on ne pouvait donc pas en espérer grand chose...
Jim "JK" Kelly a lui davantage de crédibilité. Journaliste couvrant le sport auto, il fut attaché de presse du pilote de Nascar Darrell Waltrip, dans les années 80. Ensuite, il fut responsable régional et directeur des ventes de VP Racing Fuel. Il prit sa retraite en 2015 et publie désormais des romans. VP Racing Fuel vient de lui confier la rédaction d'un livre sur son cinquantenaire, à publier en 2025 !
Après quatre décennies à bourlinguer sur les circuits, il doit en connaitre un rayon, non ? Non ! A côté de Deadly Driver, Driven, c'est un documentaire !
Le personnage
J.K. Kelly nous fait son Mary Sue. Bryce Winters nous rappelle Michel Vaillant. Pas le Michel Vaillant tourmenté de la nouvelle saison ou le Michel Vaillant moqueur et parfois colérique des années 90. Non, le Michel Vaillant originel, droit dans ses bottes et donneur de leçons. Surtout, il n'a aucun humour, aucun recul. Il faut qu'il gagne toutes les courses (ou qu'à défaut, il en soit le vainqueur moral.) En prime, entre deux Grand Prix et deux contrats pour la CIA, il va sauver des demoiselles en détresses !
Un Mary Sue, c'est toujours ridicule. Oui, dans Un week-end en Elise, je m'étais imaginé richissime, avec une superbe copine et une superbe voiture, traitant les autres de losers. Mais lorsque je l'avais écrit, j'avais 20 ans et j'étais un étudiant ringard. C'était un de mes premiers écrits, je voulais exorciser mes frustrations et il n'avait pas vocation à être publié (même si je l'ai intégré ensuite à un recueil de nouvelles, d'ailleurs, si ça vous tente de le lire...)
Mais qu'à une soixantaine d'années et après six livres, J.K. Kelly en soit encore là, c'est pathétique.
Accessoirement, on a du mal à accrocher à cet homme sans défaut.
L'histoire
J.K. Kelly accumule les poncifs. Les parents décédés de Winters et l'oncle qui joue le père de substitution (qui s'avérera être un salaud.) La copine -seul amour véritable du héros- morte dans un accident. Le patron d'écurie envers lequel Winters a tout confiance (et qui le trahit.)
Par contre, l'auteur ne s'étend pas sur les motivations du pilote. Les courses sont expédiées en quelques lignes. On ne sent pas l'excitation liée à la gestion d'un championnat (cf. Au nom de la gloire, de Tony Rubython, le livre qui inspira Rush.)
Surtout, difficile de croire que l'auteur a bourlingué pendant des décennies. Ses descriptions des week-ends de Grand Prix, des circuits, des hôtels ou même du quotidien d'un pilote sont truffées d'erreurs. Par exemple, le team Werner pour lequel Bryce Winters court, n'aligne qu'une seule F1 (alors que les Accords Concorde imposent deux voitures par écurie depuis 1996.)
La forme
J.K. Kelly avait commencé à écrire un premier roman vers 2005. Un champion de Nascar qui s'apprête à tirer sa révérence et qui revient sur les lieux de son ascension. Un roman tiré de son expérience auprès de Darrell Waltrip.
Puis il se consacra à son autobiographie, Fuellin Around, avant d'écrire quatre romans d'espionnages. Le sixième ouvrage aurait du être consacré à un civil, embauché malgré lui comme tueur par la CIA. L'homme doit échafauder un plan pour s'en sortir.
Il a le début d'un premier roman et le dénouement d'un second. Il décide de les fusionner. Son tueur de la CIA sera un pilote. Mais comme la Nascar ne quitte pas les Etats-Unis. Le personnage principal fera de la F1 !
Mais lorsque vous écrivez des livres, chaque roman possède son rythme. On a donc une entame de roman très lente, avec un héros dans l'introspection. Alors qu'en fin de livre, on a un héros très actif et des chapitres qui s'enchainent.
Lors du dépoussiérage, l'auteur a rajouté des scènes censées assurées la liaison. Là, on tombe sur des soucis de continuité. Par exemple, Bryce Winters avait fait vœux de chasteté depuis la mort de sa copine. Mais brièvement, il se mue en satyre, chasseur d'Asiatique.
Conclusion
Un livre très décevant. Sur le fond, comme sur la forme, c'est très bâclé. Eu égard à son expérience de l'écriture et du sport auto, J.K. Kelly a d'autant moins de circonstances atténuantes.
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