Dacia Spring, mon soixante-huitième essai

Régulièrement, je profite des portes ouvertes de concessionnaires pour réaliser des mini-essais de voitures électriques. Pour la première fois, j'ai emprunté plusieurs jours une voiture électrique. En l'occurrence, un Dacia Spring. Je l'ai fait en plein hiver, avec chauffage à fond. L'occasion d'un test en conditions réelles, donc.

A l'instar de la DS9, la Dacia Spring a connu un gestation difficile. Ne vous fiez pas à sa plaque de production Roumaine : elle est en fait Franco-indo-chinoise !

En 2008, Tata dévoilait la Nano, la voiture à 5 000€. Deux ans plus tard, Renault s'associait au fabricant de scooters Bajaj pour faire encore plus fort : une voiture à 2 500€ ! Un moyen pour envahir un marché Indien encore balbutiant.
La firme au losange a vite eu de sérieux doutes. Là où la Nano s'approchait d'une voiture, Bajaj voulait lui créer un rickshaw à 4 roues. Le résultat était indigne de porter le losange. La Nano connu une industrialisation chaotique. Les fermiers Bengalais ayant violemment manifesté contre l'implantation d'une usine à Singur, sur des terrains agricoles. En 2010, la Nano disposa enfin d'un usine : celle de Gujarat, utilisée pour ds utilitaires légers. Les premières ventes furent décevantes : 75 000 unités en années pleines, bien loin des 300 000 espérés. Or, pour être rentable, la Bajaj-Renault aurait besoin de très, très gros volumes. Enfin, Bajaj voulait que sa voiture soit une sans-permis. La législation Indienne n'avait pas de telle classification et le constructeur réalisait du lobbying auprès du parlement...
En 2012, Bajaj dévoila sa RE60. Elle fut renommée Qute, l'année suivante, pour la production, alors que le parlement Indien votait l'adoption d'un cadre légal pour les voitures sans-permis. Entre temps, Renault s'était désengagé, partant sur une voiture plus grosse et plus aboutie que la Nano. La Kwid fut dévoilée en 2015. En 2017, une version Brésilienne, produite dans l'usine Ayrton Senna, parti à la conquête de l'Amérique Latine.
Renault est quasiment absent du marché Chinois. Il observa les bonnes ventes des sans-permis électriques locales (parmi lesquels des clones de Twizy.) D'où l'idée d'une Kwid électrique. La DongFeng-Renault K-ZE fut lancée en 2019. Pour l'Europe, la K-ZE troque son losange pour un badge Dacia et devient Spring !

La Spring est l'ultime lègue de Carlos Ghosn. Luca de Meo souhaite arrêter les frais en Chine. A peine arrivée, la Spring pourrait donc déjà quitter la scène.

Présentation
Première électrique de Dacia, la Spring est également la première micro-citadine de la marque. Nonobstant la confidentielle Lăstun, à l'aube des années 90.
En Chine, il existe d'autres micro-citadines électriques. Par contre, en occident, elle n'a pas de concurrentes directes.

Elle ne possède aucun lien de parenté avec la Twingo (qui possède une généalogie et une plateforme différente.) Plus longue (3,73m contre 3,61m), la Spring est plus étroite (1,58m contre 1,65m) et légèrement moins haute (1,52m contre 1,54m) que sa cousine adoptive.

En la voyant, sur le parc presse de Boulogne-Billancourt, j'étais enthousiaste : la Spring sait jouer les coquètes.

Elle est proposée en "Confort" et en "Confort plus". Cette version Confort Plus se distingue surtout par son kit orange. Par contre, la teinte bleu cénote et les jantes simili-diamentées sont communes aux deux versions.

Par contre, le robot-soudeur de l'usine de Shiyan l'a apparemment assemblée un vendredi après-midi...

En 2016, l'une des toutes premières Kwid de série (fabriquée en Inde, donc) fut exposée au Technocentre. Et croyez-moi, entre cette Spring et elle, il y a du progrès !

Intérieur
Malgré l'habitabilité supérieure à celles d'une Twingo, cela reste une 2+2 places. Après, dans 3,73m, on pouvait difficilement faire mieux.

A première vue, c'est là aussi plutôt flatteur avec la sellerie en TEP, à surpiqures. 

L'allumage des phares, la climatisation (manuelle) et les rétroviseurs électriques sont de série. La version Confort Plus ajoutant l'écran multimédia avec caméra de recul.

C'est une finition à la Chinoise avec des boutons a priori biodégradables. Je suis très réservé quant aux vieillissement de l'intérieur.

Au lieu d'un bouton start, cette Spring possède un neiman. La clef n'est pas rétractable et elle est bien contondante, afin de trouer vos poches...

Au volant
Afin de ne pas marcher sur les plates-bandes de la malheureuse Twingo ZE, la Spring se contente d'un moteur 33kW (45ch.) 

Le sélecteur ne possède que trois modes : D, N et R. Il n'y a pas de "B", ni de creeping. Avantage : le novice pourra conduire une Spring comme un thermique.

J'adore le faisceau fixé avec de l'adhésif... Au prix où sont les clips, c'est de la pingrerie pure. 

Dans une autre vie, j'avais été chef de projet sur des faisceaux. On était si en retard sur les prototypes que j'avais du câbler moi-même un des faisceaux, dans l'atelier de [constructeur]. [chef de projet chez le client] était du genre costaud. Je pense que si on avait fixé les faisceaux sur le châssis avec de l'adhésif, j'aurais du rédiger mon testament au préalable...

Une fois qu l'on démarre, la Spring est une bonne surprise.
 

Avec seulement 945kg sur la balance, elle est assez vive en ville. D'autant plus qu'elle dispose de 130Nm de couple. Par contre, le rayon de braquage est déplorable pour une voiture de 3,73m de long. La Hyundai i30 braquait mieux !
Conçue pour la Chine, elle dispose d'une vraie garde-au-sol. On passe les dos d'âne sans problèmes.

Le moteur s’essouffle au-delà de 70km/h et il lui faut 19 secondes (!) pour atteindre 100km/h. Néanmoins, une fois lancée, la Spring tient son rang dans la circulation autoroutière.  

Surtout, même en plein hiver et même avec le chauffage à fond, la consommation énergétique reste raisonnable. Les 220km d'autonomie annoncés sont une réalité ; c'est loin d'être la panacée chez la concurrence...

Globalement, pour la partie conduite, la Spring fait un peu mieux que les autres micro-citadines.

Conclusion
En terme de performances, de finition ou d'équipements, on est dans la fourchette du segment A. Surtout, elle reprend l'esprit "minimaliste, mais coloré", typique de cette catégorie.

En revanche, à 18 990€ (auxquels il faut ajouter 450€ pour l'adaptateur 220V), on n'est plus du tout sur le segment A ! A titre de comparaison, il ne faut débourser que 14 990€ pour une Sandero Stepway 90 Confort !)
La version de base est à 17 390€. Une Suzuki Ignis pack 83ch se négocie à 11 590€. Donc même avec le bonus écologique de 6 000€ (qui ne sera plus que de 5 000€ au 1er juillet), on ne s'y retrouve pas.
Sur le TCO, je suis réservé. Une électrique n'a pas d'échappements, elle ne nécessite pas de vidange et elle use peu ses freins. Par contre, pour l'entretien, impossible de l'amener au garage du coin. Pour des raisons de sécurité, seul le constructeur peut ouvrir le capot. Là, entre l'heure de main d’œuvre d'un technicien habilité H2 et les éléments de batterie en rarium, ça fera très mal...

Et le pire, c'est que la Spring est la moins chère des électriques. 

Ne soyons pas naïfs, les aides ont vocation à disparaitre à moyen terme. Pour les ménages, s'équiper en électrique signifiera une descente en gamme. Avec, en corolaire, une remontée du seuil au-delà duquel on pourra se motoriser. Au fur et à mesure de la sortie du thermique, on risque de laisser la France périphérique au bord de la route. Le vélotaf, c'est inadapté si l'on habite au fond de la Corrèze !

Certains accusent les constructeurs de se goinfrer sur les VE. Considérant que les aides sont là pour absorber le surcoût. Voire de chercher à dissuader les clients d'aller vers l'électrique, pour pousser des modèles vers lesquels ils margent davantage.
A leur corps défendant, malgré des volumes progressant de manière exponentielle (les ventes de VE furent multipliées par 10, en France, entre 2014 et 2021), les coûts de fabrication restent élevées. Un VE, c'est de l'électronique. Or, les marchés du composant et des batteries sont tirés par la téléphonie. Les constructeurs ne pèsent rien, en terme d'achats, face à un Foxconn. La crise des semiconducteurs est justement révélatrice d'un secteur automobile qui est le deuxième sur la file d'attente. Lorsque les constructeurs discutent de marges arrières et de productivité économique, les fabricants de puces leur font un bras d'honneur...

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