Rencontre du quatorzième type

J'ai pas mal levé le pied sur le spotting, sur ce blog. Les photos sont destinées au compte Instagram de Joest F1. L'exception, ce sont les voitures exceptionnelles et/ou inédites sur ce blog. Or, en quinze années de blog, je n'avais pris de belles photos de Volkswagen Karmann Ghia ! Voilà qui est réparé.

En 1948, la société Volkswagen était officiellement fondée. Heinrich Nordhoff en fut le premier PDG. D'emblée, Volkswagen songea à se diversifier. Tout se basculait.
Le Combi, déjà finalisé, fut lancé en 1949. En juin, Wilhelm Karmann s'offrit une Coccinelle, qu'il fit transformer en cabriolet. Emballé par l'idée, Volkswagen lui proposa à Karmann d'assembler des Coccinelle cabriolet 4 places... Tout en confiant à Hebmüller la réalisation d'une Coccinelle cabriolet biplace. 

L'usine Hebmüller de Wuppertal fut frappée par un incendie. Elle ne s'en remit jamais et l'entreprise ferma en 1952. Karmann (qui récupéra les ultimes Coccinelle Hebmüller en cours de production et les acheva) avait le champ libre. Mais Wilhelm Karmann songeait à un projet plus ambitieux.
Nul doute que le succès de la Coccinelle cabriolet donna des idées à Volkswagen : il fallait monter en gamme.

Un peu plus tôt, en 1943, l'usine Ghia de Turin avait été rasée. Giancinto Ghia la fit reconstruire, mais son cœur n'encaissa pas le stress. Mario Boano, un proche, reprit l'entreprise. Il avait conscience que le métier de carrossier était en voie de disparition. L'avenir de Ghia, il était dans le design et le prototypage. Il embaucha Luigi Segre comme VRP. Résistant, devenu officier du renseignement, ingénieur et pilote à l'occasion, "Gigi" était un homme complet. Un homme d'action, rompu aux tractations d'arrière-cour. 

Luigi Segre prit contact avec Wilhelm Karmann, en 1951. A la demande de ce dernier, Ghia étudierait un coupé sur base Coccinelle, produit par Karmann, à Osnabrück.
Comme pour la Coccinelle cabriolet, Karmann voulu travailler dans son coin, avant de proposer un produit fini à Volkswagen. Néanmoins, impossible de mettre la main sur une Coccinelle : la demande dépassait l'offre ! Segre en localisa une à Paris. Le fils de Mario Boano fut chargée de la ramenr jusqu'à Turin. France Motors, l'importateur Parisien, fut lui mandé par Luigi Segre pour tâter le terrain à Wolfsburg.

Vers 1952, la Volkswagen fut transformée en coupé par Ghia. 

Mario Baono et son équipe créèrent une ligne proche de celle du prototype Chrysler d'Elegance. Un prototype créé par Virgil Exner, mais construit par Ghia... La principale différence, c'était l'avant. Le moteur du coupé allemand étant à l'arrière, pas besoin de calandre.

En 1953, chez France Motors, Luigi Segre dévoila le résultat à Wilhelm Karmann. Il fut emballé. Volkswagen, aussi. En octobre, le prototype crème fut ainsi exposé au Grand Palais, sur le stand Volkswagen. 

Les Allemands ont alors donné leur feu vert pour la production. Ils ont gardé l'habitude de Porsche de numéroter leurs modèles. Le coupé portait ainsi le numéro 14. Même si, en l'honneur de ses géniteurs, elle fut baptisée Karmann Ghia.
Omniprésent chez Ghia, Luigi Segre finit par pousser dehors Mario Boano.

La production débuta en 1955, à Osnobrück. Virgil Exner, pas du tout fâché d'avoir été copié, reçu le premier exemplaire exporté aux USA. La Karmann Ghia cabriolt débuta en 1957.

La première Karmann Ghia se contentait du 1,2l 30ch de la Coccinelle. Du coup, elle n'atteignait que 120km/h en pointe. Et à cause du moteur en porte-à-faux, c'était une savonnette sous la pluie. Néanmoins, grâce à son look craquant, ce fut d'emblée un carton.
Esthétiquement, les modifications se limitèrent à un nouveau dessin des ouïes avant, ainsi que des feux arrières qui grossirent (NDLA : ici, on a affaire à un modèle produit dans les années 60.) Côté moteur, le katrapla donna 34ch en 1961, avant de passer au 1,5l 44ch en 1967, puis au 1,6l 60ch en 1971.
Notez qu'en 1961, Karmann ouvrit une usine au Brésil, pour y produire la Karmann Ghia.

La Karmann Ghia (type 14) fut longtemps insubmersible. Toujours en 1961, Volkswagen et Karmann lancèrent la [type 34], aux faux airs de Corvair. Elle reçu d'emblée le 1,5l et était donc plus performante que la type 14 contemporaine.
La [type 34] n'avait pas vraiment de nom. Qui plus est, sa ligne (moins gracile) se démoda vite, alors que son ainé, elle, faisait figure de classique. Le soufflet retomba vite. 

Vers 1965, Giorgetto Giugiaro entra chez Ghia. A la demande de Volkswagen, il travailla sur une Karmann Ghia et un prototype de cabriolet vit le jour. La nouveauté, c'était la présence de montant de portière (façon BMW 2002 Baur, mais sans arceau transversal.)
Dans la tourmente, Ghia fut racheté par De Tomaso (on retrouvait les curieux montants sur la Mangusta Spider), puis Ford, tandis que Giugiaro fonda ItalDesign.

En 1970, Volkswagen et Porsche lancèrent la 914. Karmann produisit les versions 4 cylindres, qui remplacèrent de facto la [type 34].

Enfin, à la demande de Volkswagen do Brasil, Giugiaro créa une Karmann autour de la base de la Type 3. Ce fut la TC, produite au Brésil à partir de 1972.

Malgré tout, la Karmann Ghia (type 14) n'échappa pas au déclin de la Coccinelle. 

En 1971, Karmann et ItalDesign s'associèrent pour une ultime proposition : la Cheetah, un cabriolet sur base Coccinelle avec avant "cale de porte"... Mais aussi les fameux montants de portière. Ce fut un baroud d'honneur de Karmann, qui allait désormais se contenter d'assembler ce qu'on lui disait de faire.
Ce fut l'une des dernières propositions de Volkswagen à moteur en porte-à-faux arrière. Sachant que depuis 1969 et la K70, le constructeur s'était converti à la traction.

En 1972, les ventes de coupé furent divisées par deux et celles du cabriolet, par trois ! En 1974, Volkswagen arrêta les frais. Même si officiellement, Karmann devait faire de la place pour produire la Scirocco. En 19 années, près d'un demi-million de Karmann Ghia sortirent d'Osnabrück.
L'année suivante, au Brésil, la Karmann Ghia et la TC tirèrent leur révérence.

Karmann dévoila une "Karmann Ghia moderne" au salon de Francfort 1990. Mais elle fut vite enterré.
On en reparla à la fin des années 90, lorsque Volkswagen lança la New Beetle. C'était un de ces "mon voisin a un pote qui bosse là-bas et il jure qu'ils bossent dessus".
En 2012, Karmann do Brasil, livré à lui-même, lança un concours pour imaginer un version moderne. Ce fut l'une des dernières fois qu'il fit parler de lui.

Dans les années 80-90, nombre de Karmann Ghia subirent un tuning "cal-look" (caisse surbaissée, déchromage, couleur pastelles...)
Aujourd'hui, c'est fini. Comptez un bon 25 000€ pour une Karmann Ghia. Un prix déraisonnable, compte tenu de sa diffusion et de ses performances, mais il y a pire...

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